3 questions à JAJ à l’occasion de la sortie de son nouveau clip « Nourris-moi »

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« Nourris-moi » est le nouveau titre de JAJ and The Family Hope. Avec son clip réalisé par Carlos Gomez Barker, nous sommes invités à partager l’intimité d’un couple gay racisé au travers de gestes simples et de moments du quotidien.

JaJ and The Family Hope/Xavier Héraud

Johan-André Jeanville alias JAJ est né à Paris puis a grandi en Martinique. Attiré par la musique depuis son plus jeune âge, il s’est d’abord essayé à une carrière sportive avant de se lancer dans la musique. Grace à de belles performances en athlétisme et plus particulièrement dans le saut en hauteur, il enchaîne de nombreuses compétitions et décroche un titre de champion de France avant d’intégrer les équipes officielles de France et de Martinique. Une fois le sport mis de côté, il se consacre à sa passion à travers son groupe JAJ & The Family Hope.

Aujourd’hui, il nous présente son nouveau clip Nourris-moi avec un message fort, enrobé d’une tendre complicité entre deux garçons antillais. Une véritable ode à l’amour.

Komitid : Comment vous est venue l’idée et l’envie d’écrire cette chanson ?

JAJ : Nourris-moi est née d’un poème. J’en ai toujours écrit, aussi loin que je m’en souvienne. Celui-ci racontait mes souvenirs amoureux : une plage de Martinique, une forêt des Alpes à l’automne. Chaque couplet correspondant à une époque de ma vie et un garçon qui y a laissé une trace particulière. J’y ai versé ma mélancolie, et le sentiment d’abandon nourricier que je ressens dans les bras de celui que j’aime.

Le troisième couplet est venu lors de ma dernière relation longue : j’ai voulu le dédier aux drag queens. Certainement parce que cet homme m’avait offert une des choses les plus précieuses : une fierté par rapport à ma sexualité et le privilège de la célébrer avec Charisma, Unique, Nerve & Talent !

Quelles sont vos influences musicales et artistiques ?

Avec le groupe, on a baptisé la musique de Jaj & The Family Hope : c’est de la Pop Soul Caribéenne. Un joyeux mélange où se retrouvent pêle-mêle la soul, la pop, la variété française et les musiques caribéennes. Une musique métissée, à mon image, puisque je suis Martiniquais, né à Paris mais ayant grandi aux Antilles, et actuellement habitant de l’Hexagone. Une musique résolument vivante et traversée des milles émotions qui composent et traversent le monde.

Je suis aussi très inspiré par tout ce qui touche de près ou de loin à l’onirisme et au psychédélisme, à la magie et aux mystères. J’ai une grosse culture geek et j’adore les mondes imaginaires. Je relis À la Croisée des Mondes en ce moment. J’ai également passé beaucoup de temps avec Link et Epona et Midnight Gospel est ma nouvelle bible. Je crois que j’aime rêver et faire rêver. Les voyages sont toujours plus agréables en bonne compagnie.

Quel est votre point de vue sur la représentation actuelle des couples LGBT+ racisés ?

Il est assez simple : on a énormément besoin d’être davantage représenté-e-s. Malgré nous, la culture définit les contours de nos imaginations, de nos possibles. Il est important que les LGBT+ racisé-e-s puissent s’imaginer comme faisant partie du monde et comme étant accepté.e.s par celui-ci. Le monde a vraiment changé et évolué dans le bon sens, c’est vrai.

Je suis heureux quand je vois un dessin-animé comme Kipo, dont l’un des personnages principaux est noir et homosexuel, dans un monde où c’est, non pas toléré, mais accepté autant simplement que le fait d’être hétérosexuel, marié avec deux enfants. Comme une forme de banalité merveilleuse. C’est un peu mon rêve ultime pour les Antilles. Que l’homosexualité y soit banalisée. Mais c’est une longue route. Alors, en attendant, je me réjouis de voir des artistes LGBT+ racisé.e.s qui, non seulement se mettent à l’honneur, mais entraînent dans leur sillage leurs semblables : je pense à Gazelle Von Lear et à ses soirées Black Excellence, à Kiddy Smile, et à la scène voguing ou à Mike Fédée.

Et je suis aussi heureux que des alliées cisgenres et (à priori) hétérosexuelles mainstream révèlent également les talents LGBT+ racisé.e.s pour ce qu’ils sont et pas pour ce qu’on leur demande trop souvent d’être (c’est à dire invisibles) : je pense à Yseult, et à sa prestation aux Victoires de la Musique, ou à Aya Nakamura, sur le clip de Pookie.

Au niveau local, en Martinique, beaucoup reste encore à faire, même si la génération actuelle a grandement changé. J’ai connu les injures homophobes à un seul endroit de la planète : chez moi. Et c’était triste. Merci donc aux associations, comme Kap Caraïbe ou Diivineslgbtqi+ qui s’efforcent, chaque jour, de créer une Caraïbe où les LGBT+ seraient, enfin, pleinement accepté-e-s.

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