Gros plan sur Abdellah Taïa, un écrivain et cinéaste engagé

Publié le

Grâce à l'ouvrage collectif « Around / Autour d'Abdellah Taïa », c'est un écrivain gay majeur de notre temps que nous parvenons à mieux appréhender et à mieux connaître.

Abdellah Taïa, auteur de « La Vie lente » - Abderrahim Annag
Abdellah Taïa - Abderrahim Annag
Avec Poétique et politique du désir engagé – Autour d’Abdellah Taïa, dirigé par Ralph Heyndels et Amine Zidoub, c’est un écrivain gay majeur que nous parvenons à mieux appréhender et à mieux connaître.
Dans cet ouvrage écrit collectivement par des universitaires des États-Unis, du Brésil, de France, de Belgique, d’Espagne, du Royaume Uni, du Maroc et d’Afrique du Sud, l’œuvre littéraire déjà importante d’Abdellah Taïa est disséquée, analysée et située aussi dans les combats qui tiennent à cœur à Taïa : la lutte contre l’homophobie, l’émancipation, les rapports de domination et de pouvoir, entre autres.

Né à Rabat en 1973, Abdellah Taïa est le premier écrivain marocain à avoir fait publiquement la déclaration de son homosexualité dans la presse marocaine en 2007 et à s’afficher en tant qu’homosexuel sans prendre de pseudo. Il a déjà écrit pas moins de 12 romans et récits entre 1999 et 2019 et a réalisé un film L’armée du salut (2014). 

« La littérature ne guérit pas celui qui écrit »

L’ouvrage commence par un texte inédit d’Abdellah Taïa, une lettre de l’auteur à l’écrivain et activiste noir américain James Baldwin : « Tu n’es pas mort. Non. Tu es toujours avec nous dans ce monde qui n’en finit pas de s’enfoncer dans le déni et les mensonges. Ta voix, tes mots et ton regard nous sont plus que jamais nécessaires, absolument indispensables pour oser continuer la révolte, la révolution, sortir du regard blanc colonial et postcolonial. »

Le sociologue Antoine Idier a réalisé un entretien avec Abdellah Taïa, dans lequel ce dernier affirme : « La littérature ne guérit pas celui qui écrit ». Mais aussi : « J’ai l’impression que le moment où j’ai été le plus utile dans ma vie, c’était pendant cet atelier d’écriture à Nanterre avec des prostitués gay et transgenres, émigrés, exploités, rejetés en France. Je ne me suis jamais autant senti utile de toute ma vie. Peut-être que si l’écriture a un rôle dans la vie, c’est celui-là, s’offrir aux autres… »

S’en suivent une belle lettre de Rhida Boulaabi, maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, à Abdellah Taïa.

De son côté, Pierre Saint-Amand, Professeur de littérature française à l’Université de Yale, analyse la violence sexuelle, très présente dans l’œuvre d’Abdellah Taïa : « En suivant L’armée du salut, Une mélancolie arabe, Le jour du Roi ainsi qu’Infidèles, je voudrais esquisser, à travers l’analyse d’un nombre de détails, cet érotisme dissident que Taïa invente et qu’il envisage en réalité comme une utopie des corps, dans le contexte d’une liberté rêvée, un enthousiasme de la douceur. » 

D’autres textes tout aussi passionnants sont issus d’un colloque organisé en 2014 autour de l’œuvre d’Abdellah Taïa, à Miami.

Poétique et politique du désir engagé – Autour d’Abdellah Taïa, de Ralph Heyndels et Amine Zidoub (dirs), éditions Passage(s), 368 p., 25€.