Le nouveau plan gouvernemental contre les LGBTphobies va-t-il vraiment changer la donne ?

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Quarante-deux objectifs à atteindre d'ici à 2023 : la ministre chargée de la diversité Élisabeth Moreno a présenté mercredi 14 octobre un plan pour l'égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, mettant notamment l'accent sur l'éducation afin de combattre l'homophobie.

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Le Plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ présenté par la ministre Élisabeth Moreno - Capture d'écran

Ce plan contre les LGBTphobies 2020-2023 vise à « faire des personnes LGBT des citoyennes et des citoyens à part entière », a déclaré la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Élisabeth Moreno, lors d’une conférence de presse. Les mesures concernent aussi bien la sphère familiale, l’école, l’université, le travail, la santé, le sport etc. D’après la ministre, le plan a été réalisé en concertation avec les associations LGBT+.

Le plan comprend 42 objectifs, avec « des mesures nouvelles ou déjà en partie mises en œuvre mais qu’il convient d’amplifier ». Parmi elles, l’accès concret au droit à l’adoption. « Ce droit a été ouvert en 2013 or rares sont les couples homosexuels qui ont pu adopter depuis cette date et cette réalité n’est pas admissible », a dit Élisabeth Moreno.

Elle a également insisté sur l’éducation. « Parce qu’elles naissent dès l’enfance, les discriminations et inégalités peuvent aussi se corriger, en y mettant des moyens. (…) L’école doit donc être le premier lieu de sensibilisation et de prévention et participer à la déconstruction des stéréotypes tenaces ».

La ministre prévoit ainsi, avec Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, d’« amplifier  » la formation aux équipes pédagogiques et éducatives. Un site internet appelé « Éduquer contre les LGBTphobies » va être créé, afin de « donner aux enseignants des armes pour combattre l’homophobie et la transphobie, et permettre la bonne inclusion des élèves LGBT+ ».

Interdire les thérapies de conversion en France

Le plan vise par ailleurs à lutter contre les thérapies de conversion, « des pratiques abjectes et moyenâgeuses » selon la ministre, visant à changer l’orientation sexuelle des personnes LGBT+. « Nous souhaitons les interdire purement et simplement  », explique Élisabeth Moreno.

Une autre mesure consiste à « poursuivre l’adaptation des formulaires administratifs pour inclure les familles homoparentales ».

« Les LGBTphobies restent ancrées dans notre pays », a déploré Élisabeth Moreno, avant de citer plusieurs chiffres : 1 870 victimes d’actes homophobes et transphobes ont été recensées par le ministère de l’Intérieur en 2019. De plus, 55 % des personnes LGBT+ ont subi des actes anti-LGBT+ au cours de leur vie.

Les personnes gays et bies ont en moyenne un risque de suicide quatre fois plus élevé que l’ensemble de la population, et les personnes trans sept fois plus que le reste de la population. « Cette situation n’est pas acceptable en France en 2020 », a souligné la ministre.

Bilan mitigé pour les actions contre les LGBTphobies en France

Le précédent plan, intitulé « Plan de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT » avait été lancé le 21 décembre 2016 par la secrétaire d’État à la Ville, Hélène Geoffroy. Il avait étendu le champ d’intervention de la Dilcrah, pour y ajouter la lutte contre haine anti-LGBT.

Le plan, interministériel et composé d’actions locales et nationales, présentait cinq priorités : « Une République exemplaire contre la haine et les discriminations anti-LGBT », « Sanctionner chaque acte de haine anti-LGBT et protéger au mieux les victimes », «  Éduquer contre la haine et les discriminations anti-LGBT », « Agir contre les discriminations anti-LGBT au quotidien » et « Poursuivre le combat international pour les droits des personnes LGBT  ». Pour réaliser ces actions, le gouvernement de François Hollande avait mis à disposition un budget de 1,5 millions d’euros.

En octobre 2018, le Défenseur des droits avait rendu un rapport mitigé sur la politique de la France en matière de lutte contre les LGBTphobies.

Jacques Toubon y saluait les dispositions prises depuis la création du plan, mais « les discriminations subies par les personnes LGBT persistent et la répression pénale des infractions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre apparaît aujourd’hui inefficiente ». Il dressait par ailleurs un bilan « très mitigé » du dispositif des pôles anti-discrimination au sein des tribunaux de grande instance. Le Défenseur des droits dénonçait également le processus compliqué de dépôt de plainte pour les personnes LGBT+.

Il avait aussi critiqué la situation au sein de la communauté éducative, qui « reste trop peu sensibilisée et mobilisée sur le sujet ». C’est le sujet central du plan lancé par la ministre Élisabeth Moreno.

La France continue de reculer dans le classement des pays LGBT-friendly en Europe. L’association ILGA-Europe a publié en mai dernier son classement annuel « Rainbow Map » des 49 pays européens, sur la base de l’engagement de chaque nation en faveur des droits LGBT+. Cette année, la France chute dans le classement et arrive à la 13ème place. C’est la première fois depuis l’adoption du mariage pour tou.te.s que le pays quitte le top 10 des pays LGBT-friendly en Europe.

Il faudra sans doute plus qu’un plan pour redresser la barre.

Avec l’AFP