Le Costa Rica, terre d'asile pour les minorités sexuelles en Amérique centrale

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Des centaines de personnes LGBT+ persécutées dans leurs pays d'origine en Amérique centrale ont trouvé au Costa Rica un havre relatif.

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La marche des fiertés de San José en 2018 - Sergio A. Simon / Shutterstock

Ce petit pays conservateur de cinq millions d’habitants est fortement imprégné de valeurs religieuses, catholiques et évangéliques. Cependant, grâce à sa longue tradition démocratique et d’asile, qui contraste avec les pays voisins, le Costa Rica a laissé une place dans sa législation aux droits des minorités sexuelles.

Le mariage pour tou.te.s y est ainsi entré en vigueur en mai, tandis que le pays a adhéré aux conventions internationales qui protègent les droits des personnes LGBT+.

Dennis Castillo, un Hondurien de 35 ans, a été l’un des premiers à trouver refuge au Costa Rica. « Je suis arrivé au Costa Rica en 2012, lorsque j’ai pris la décision de fuir le Honduras », explique-t-il à l’AFP dans une interview par vidéoconférence. Quatre ans auparavant, il avait été le témoin de l’assassinat d’un autre militant pour les droits des minorités sexuelles. Après avoir déposé plainte contre ce « crime de haine », il a été victime de menaces et de harcèlement.

« Au Honduras, on persécute les personnes LGBT : il y a eu plus de 370 crimes (contre elles) de 2008 à 2019, et le nombre a augmenté cette année », assure ce militant, qui préside à San José l’Institut pour les réfugié.e.s LGBT en Amérique centrale (IRCA).

Pour lui, environ 10 % des 5 000 réfugiés au Costa Rica appartiennent à des minorités sexuelles. Le pays donne asile au total à 400 000 étrangers, sans qu’ils jouissent du statut de réfugié, selon les chiffres officiels.

« Au Costa Rica (…) il y a de la discrimination et de la violence contre la population sexuellement différente  », reconnaît-il, mais « il n’y a pas cette masse de crimes ». Le pays « a une grande histoire de protection des victimes de déplacement forcé, et un cadre légal solide », relève Dennis Castillo.

« Traitement inhumain »

Yassuri Potoy Ortiz, une jeune femme trans, finissait ses études d’infirmière au Nicaragua lorsqu’ont éclaté les manifestations contre le gouvernement du président Daniel Ortega au printemps 2018. Pour avoir apporté son aide aux manifestant.e.s blessé.e.s, elle a été expulsée de l’Université et a été, ainsi que sa famille, la cible de menaces.

Comme des dizaines de milliers de ses compatriotes, elle a pris le chemin de l’exil au Costa Rica pour fuir la répression. Elle vit aujourd’hui dans un village de la côte caribéenne du Costa Rica.

« Je suis partie notamment en voyant le traitement inhumain infligés aux gens dans les prisons, où beaucoup de personnes de la communauté LGBT ont été victimes d’abus sexuels, de torture, de mauvais traitements », explique la jeune femme. Les geôliers dénudaient les femmes trans « pour faire de leurs corps un objet de moqueries », dénonce-t-elle encore.

« Si j’étais restée (au Nicaragua), on allait m’emprisonner tôt ou tard », assure-t-elle.

« En Amérique centrale, les disparitions forcées, les meurtres de militants, les exécutions extrajudiciaires, les prisonniers politiques, c’est devenu trop courant  »

Le Costa Rica, un asile pour les personnes LGBT+ persécutées

Au Nicaragua, « si tu es de la communauté de la diversité sexuelle, la violence institutionnelle, physique, économique et symbolique se déchaîne », témoigne Carlos Daniel Berrios, qui a lui aussi quitté son pays en proie à la répression en 2018.

Étudiant, âgé de 28 ans, ce fils de militant.e.s du Front sandiniste de libération nationale (FSLN, le parti du président Ortega, au pouvoir) a entrepris au Costa Rica des études de sciences politiques, tout en poursuivant depuis son exil des activités militantes en faveur des droits de l’homme en Amérique centrale.

A l’exception du Costa Rica, « en Amérique centrale, les disparitions forcées, les meurtres de militants, les exécutions extrajudiciaires, les prisonniers politiques, c’est devenu trop courant  », dénonce Carlos Daniel Berrios.

Malgré son exil au Costa Rica, Yassury Potoy Ortiz ne se sent pas totalement en sécurité : elle ne veut pas que l’on révèle son âge ni où elle vit et télé-travaille pour une organisation de soutien aux migrant.e.s. Elle milite aussi pour une ONG d’aide aux migrant.e.s de la communauté LGBT+.

« Il y a des fidèles (du régime) d’Ortega dans ce pays, et ils sont capables de (vous) faire vraiment du mal, d’autant plus lorsque l’on défend les personnes LGBT et que l’on réclame la libération des prisonniers politiques  », assure-t-elle.

Avec l’AFP