3 questions à Veronica Noseda des Dégommeuses sur « La Pride Ne Tombera Pas à L'eau »

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« Nous avions envie d'exprimer notre colère, et de réinventer un espace de visibilité politique tout en respectant les consignes sanitaires. Voilà comment est née, lors d'un improbable brainstorming, l'idée de se balader sur le canal de l'Ourcq à bord de petits bateaux tapissés de slogans. »

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Les Dégommeuses à la Marche des fiertés de 2018 - Teresa Suarez

Les Dégommeuses, une équipe de foot majoritairement composée de lesbiennes et de personnes trans, organise son alternative à la Marche des fiertés, « La Pride Ne Tombera Pas à L’Eau », samedi 27 juin de 16 heures à 19 heures à Paris. Les membres de l’association défileront à bord de leurs « degoloveboats » le long du canal de l’Ourq. Leurs revendications : colère, solidarité et fierté. Veronica Noseda, membre des Dégommeuses, a répondu aux questions de Komitid.

Komitid : Pourquoi avoir décidé de faire une « Pride sur l’eau » ?

Veronica Noseda : Ce n’est pas parce que la marche des fiertés a été annulée, qu’il faut se réduire au silence !

Il était impensable pour nous de ne pas prendre la parole après cette longue période de crise sanitaire, qui a révélé non seulement l’impréparation des pouvoirs publics face à l’épidémie (communication cacophonique, absence de masques et de tests, système de surveillance défectueux), mais aussi une inacceptable hiérarchisation de nos vies. Très clairement, celles et ceux qui ont subi plus fortement les conséquences sanitaires mais aussi économiques, sociales et psychologiques sont les plus précaires d’entre nous. Au sein de notre association, nous nous sommes organisé.e.s pour récolter des fonds pour soutenir matériellement plus de 15 membres, les « dégos » : des migrantes employées dans les secteurs de l’économie informelle, et donc exclues des aides de l’État, des travailleuses du sexe sans aucun filet de sécurité, des intermittentes du spectacle en fin de droits…

Face à cela, nous avions donc envie d’exprimer notre colère, et de réinventer un espace de visibilité politique tout en respectant les consignes sanitaires. Voilà comment est née, lors d’un improbable brainstorming, l’idée de se balader sur le canal de l’Ourcq à bord de petits bateaux tapissés de slogans.

Comment avez-vous réussi à organiser cet événement dans le contexte de la pandémie ?

Comme nous avons eu l’occasion de le rappeler sur notre événement Facebook, il est important pour nous de rappeler les gestes préventifs, d’encourager les participant.e.s à respecter les distances et à porter un masque. De notre côté, nous avons prévu un stock de masques et de gel hydroalcoolique.

Cette épidémie nous a montré que nous sommes les mieux placé.e.s pour prendre soin de nos proches. Cette attention portée à nos ami.e.s, voisin.e.s, camarades, amant.e.s est aussi un acte de résistance face à la gestion calamiteuse de l’épidémie par l’État. C’est de notre responsabilité collective de la poursuivre, afin que les plus vulnérables puissent prendre part sans risque à cette manifestation.

Pourquoi est-ce important pour Les Dégommeuses d’apporter son soutien au mouvement contre les violences policières ?

Les Dégommeuses essayent depuis les origines de s’inscrire dans une approche intersectionnelle. Nous avons tissé des alliances avec d’autres collectifs pour dénoncer les liens systémiques entre discriminations sexistes, LGBTphobes et racistes tout en veillant à reconnaître les situations spécifiques que créent les croisements entres ces différentes oppressions.

Aujourd’hui, nous regardons avec admiration le travail accompli par tous les collectifs issus des quartiers populaires qui ont rendu possible les mobilisations massives de ces dernières semaines autour des violences policières. Nous avons envie d’exprimer notre solidarité et notre soutien. Mais une solidarité sans remise en question n’a pour nous pas de sens. Le racisme, l’exotisation à outrance, la négrophobie, l’islamophobie guettent nos mouvements LGBT, et ce n’est pas la bonne conscience qu’on tire de notre position de dominé.e.s qui y changera quelque chose. Il est grand temps de regarder en face cette réalité et de décoloniser nos luttes.