PMA pour toutes : « Je n’ai aucune idée de l’avenir du texte », affirme la députée Laurence Vanceunebrock

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Aujourd'hui, l'avenir du projet de loi sur l'ouverture de la PMA est plus qu'incertain et Komitid a interviewé la députée Laurence Vanceneubrock ainsi que la vice-présidente des Enfants d'Arc en ciel pour en savoir plus.

Laurence Vanceunebrock-Mialon dans la salle des Quatres Colonnes du Palais Bourbon durant la première semaine parlementaire de la XVe législature de la Cinquième République française
Laurence Vanceunebrock-Mialon à l'Assemblée nationale en 2018 - Antoine Lamielle / Wikicommons

Ce mois-ci, le projet de loi légalisant la PMA pour toutes aurait dû être débattu en seconde lecture à l’Assemblée nationale après le vote du Sénat. Aujourd’hui, son avenir est plus qu’incertain.

22 janvier 2020. Le Sénat votait en première lecture l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes cisgenres. Même s’il s’agissait pour de nombreux militant.e.s d’une loi au rabais, l’essentiel est là : les femmes célibataires et en couple homosexuel pourront désormais faire une PMA en France en toute légalité. Fatigué.e.s par des années de faux espoirs, les militant.e.s hésitaient cependant à célébrer la nouvelle. Le projet de loi était encore loin d’être promulgué et beaucoup de choses pouvaient arriver d’ici là. Aucun.e n’avait évidemment pensé que ce qui mettrait en pause le projet serait une pandémie.

Absence de droits

Alors aujourd’hui, bien sûr, il peut sembler presque déplacé d’aborder la prise de retard d’une loi alors que notre pays traverse une crise sanitaire inédite, mais la légalisation de la PMA pour toutes, absolument toutes, et l’amélioration du cadre de la filiation sont toujours aussi urgentes. En cette période de confinement, les conséquences de l’absence de droits de nombreuses mères et futures mères sont plus évidentes que jamais.

« La priorité est de réfléchir à notre avenir économique. Par la suite, nous pourrons revenir au calendrier qui était prévu avant cette crise épouvantable ».

Selon nos informations, certaines mères sociales, faute de droits, ne peuvent bénéficier de l’arrêt pour garde d’enfants, tandis que des femmes, contraintes de faire leur PMA à l’étranger, ont peur qu’une fermeture prolongée des frontières entraîne la fin de leur parcours.

Quelles seront les conséquences de la mise en pause de la vie législative ? Y a-t-il un risque de mis au rebut de la loi ? « Je n’ai aucune idée de l’avenir du texte. La loi va être discutée à l’Assemblée, ça c’est certain », estime la députée LREM ouvertement lesbienne Laurence Vanceunebrock, elle-même mère d’un enfant né par PMA, en Belgique. Mais pas tout de suite. Interrogée par Komitid, elle clarifie ses propos : « Je pense que la priorité est de réfléchir à notre avenir économique. Par la suite, nous pourrons revenir au calendrier qui était prévu avant cette crise épouvantable ».

L’incertitude sur la date de reprise des activités parlementaires, sur l’ampleur du travail législatif nécessaire pour lutter contre les conséquences du virus sur nos vies, mais aussi sur les congés des membres de l’Assemblée rendent toutes prévisions impossibles. « Peut-être à la rentrée », s’essaie Laurence Vanceunebrock.

Moins optimiste

Eloine Thevenet Fouilloux, vice-présidente de l’association Les enfants d’Arc en ciel est moins optimiste. « Ça va être l’occasion de descendre le sujet en bas de la liste des choses à légiférer, estime-t-elle. Il faut espérer qu’elle ne soit pas définitivement enterrée comme ça avait été le cas pour la loi famille ».

Ce projet loi avait en effet été abandonné en première lecture par l’Assemblée nationale en 2014, noyée sous le poids de quelque 700 amendements proposés par la droite, alors qu’elle avait déjà été vidée de toutes propositions relatives aux familles homoparentales. « C’est un risque, insiste-t-elle. Le sujet reviendra forcément un jour mais il n’y a aucune certitude que ce soit dans un avenir proche et sous cette forme. »

Laurence Vanceunebrock et Eloine Thevenet Fouilloux espèrent toutes les deux une promulgation rapide de la loi, mais s’opposent à une relecture bâclée à l’Assemblée. « C’est peut-être mieux que les discussions aient été gelées, mieux qu’une discussion dans l’urgence avec trois personnes dans l’hémicycle », estime Eloine Thevenet Fouilloux. Elle espère que cette relecture s’accompagnera d’un débat démocratique avec l’ensemble des parlementaires.

Le temps de s’informer

La députée Laurence Vanceunebrock a envie de croire que cette reprogrammation permettra aux député·es de trouver le temps pour s’informer, en tout cas plus que lors de la première lecture. « Je trouve dommage que nous n’ayons été que 37 députés à participer à la commission spéciale et à écouter [les auditions des femmes concernées]. Comment faire des choix quand on ne connaît pas vraiment les situations et qu’on a une information approximative récupérée dans les médias », s’interroge la députée.

Pour elle, cette relecture est une opportunité. Puisqu’il y a eu désaccords entre l’Assemblée et le Sénat sur de nombreux points, ceux-ci vont être rediscutés. Plusieurs député.e.s comptent en profiter pour reproposer des amendements que l’Assemblée avaient refusés en première lecture. « Si le Sénat n’avait pas touché aux remboursement par la sécurité sociale, à l’accès aux origines et à la filiation, on n’aurait pas pu y revenir en deuxième lecture », explique-t-elle.

L’ouverture de la PMA aux personnes trans devrait notamment être remise sur le tapis. Laurence Vanceunebrock ne croit pas qu’en quelques mois, les mentalités auront évoluées magiquement. Selon elle, les député.e.s ne changeront leur vote que si elles et ils s’informent et si le soutien public et politique est plus fort. « J’espère qu’on puisse être entendu cette fois-ci par le gouvernement. Notre société évolue, il faut que notre société évolue avec elle », estime-t-elle.

Le problème, pour Eloine Thevenet Fouilloux, c’est que la crise sanitaire a mis en pause les discussions sur le sujet et a renvoyé les familles homoparentales dans l’invisibilité. « On a moins parlé de nous à cause du confinement, constate-t-elle. À partir du moment ou on est pas visible, on n’existe pas ».

Et même si les parlementaires avaient accès à une information juste, elle doute qu’elles et ils seront dans un état d’esprit favorable à une augmentation des droits. Elle redoute que la crise soit, au contraire, une opportunité pour revenir sur les droits individuels. « Ce qui est voté par ordonnance en ce moment ne va pas vraiment dans le sens d’une amélioration sociale, estime la vice-présidente de l’association Les enfants d’Arc en ciel. On sait à quel point le temporaire a tendance à se transformer en permanent. Il va falloir être vigilant. »

Les discussions sur « l’après » monopolise l’espace médiatique. Beaucoup redoutent d’un retour à la normale et de la prise de mesures de crise, d’autres espèrent un monde plus solidaire et aimant. Il ne reste plus qu’à être patient.e.s ?

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