Despentes, Haenel, Sciamma, le trio lesbien magnifique

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Trois femmes lesbiennes nous ont montré la voie cette semaine avec radicalité et courage.

Adèle Haenel, Virginie Despentes, Céline Sciamma ont marqué l'année 2020 - Shutterstock

Les réactions suite à la Cérémonie des César et le prix inique remis à Roman Polanski, accusé par une douzaine de femmes de violences sexuelles, se poursuivent sur les réseaux sociaux.

Si je suis cette actualité sur Twitter en particulier, et compte tenu de mes abonnements et de mes followers, il va sans dire que beaucoup ont applaudi au geste fort et rare d’Adèle Haenel, qui, à l’annonce de la récompense à Polanski, a quitté la salle en criant : « C’est la honte ! ».

Mais sur ces mêmes réseaux sociaux et dans plusieurs médias, se succèdent depuis une semaine des personnalités du cinéma ou de la culture qui critiquent ouvertement cette attitude de l’actrice, elle-même ayant témoigné – et avec quel courage – avoir été harcelée durant son adolescence. Lorsqu’il s’agit de dénigrer la parole des femmes, vous pouvez être sûr que nombreux vont être les hommes à se déclarer présent.

On avait déjà eu droit, lors de la sortie du film J’accuse, à un Jean Dujardin, expliquant qu’il était « fatigué » de #MeToo. Depuis les César, c’est le défilé sur les plateaux de télé ou à la radio. La palme revient sans doute à l’acteur Lambert Wilson, en pleine promo de De Gaulle, qui a notamment déclaré : « Qui sont ces gens ? Ils sont minuscules », ajoutant « Cette espèce de politiquement correct, je trouve que c’est du terrorisme. » Toujours les mêmes mots pour dénigrer la parole des femmes, surtout si elle est politique.

Malaise profond

Comment aussi ne pas ressentir un malaise profond en lisant certaines réactions au discours de l’actrice noire Aïssa Maïga (autrice de Noire n’est pas mon métier). Dans un silence glacial, elle a pourtant parlé diversité et inclusion, en signalant que les rôles asssignés aux personnes racisées dans les films étaient encore trop stéréotypés, concluant son discours par ces mots : « Quand vous êtes dans les instances de décision, dans les lieux où on décide où vont les financements, pensez inclusion, a-t-elle exhorté. Vraiment, ça passera par vous aussi, parce que nous, on n’est pas assez nombreux et on n’a pas toutes les clés. »

Toute la fachosphère mais pas seulement, s’en est pris à elle. On peut notamment citer l’essayiste lesbienne Caroline Fourest, critiquant sur Twitter un « discours identitaire et victimaire ». Jusqu’à une Nadine Morano sans doute en mal d’exposition médiatique qui lui a carrément conseiller de retourner en Afrique. Pour beaucoup, une femme qui parle politique, qui s’attaque au patriarcat, qui ose pointer les discriminations fondées sur l’origine, c’est déjà difficilement supportable, mais alors si en plus cette femme est non blanche, c’en est trop !

Deux jours avant la Journée internationale des droits des femmes, cette dernière séquence révèle qu’il reste tellement à faire.

Mais trois femmes lesbiennes nous ont montré la voie cette semaine et elles doivent être saluées comme telles. Ce n’est sans doute pas pour rien, même si ça n’a jamais été discuté, que leur amour des femmes les a conduites à adopter une posture radicale. Radical, le geste d’Adèle Haenel le soir des César, radicale la tribune de Virgine Despentes dans Libération qui se conclue par ces mots : « On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde. »

Mais puisqu’il est question aussi d’art, radical lui aussi le film de Céline Sciamma par le regard (female gaze) que la réalisatrice propose. Ce n’est sans doute pas pour rien qu’il rencontre un énorme succès dans de nombreux pays, dont les États-Unis et la Corée du sud, alors qu’en France, beaucoup l’ont snobé.

Puisque la parole des femmes compte, je laisse quelques femmes qui mènent le combat, pour leurs droits, conclure cet édito.

Angela Davis : « Je n’accepte plus les choses que je ne peux pas changer. Il est désormais temps que je change les choses que je ne peux pas accepter. »

Beyoncé : « Je n’ai rien à prouver à quiconque. »

Ruth Bader Ginsburg : « Quand on me demande parfois quand y aura-t-il assez de [femmes à la Cour suprême] et que je réponds : « Quand il y en aura neuf », les gens sont choqués. Mais il y avait eu neuf hommes, et personne n’a jamais posé de question à ce sujet. »

 

 

 

 

 

 

 

  • axl3d

    Lui comme d’autres, l’auteur de cet edito n’hésite pas à mélanger la cause fémininiste et la lutte pour la diversité dans le cinéma français, je ne vois pas bien le rapport. Le malaise c’est la façon dont Vincent Cassel a été interpellé en pleine cérémonie alors qu’il n’avait rien demandé à personne