Rétrospective Pedro Almodóvar : notre top cinq des films incontournables

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Dix-neuf films du réalisateur espagnol gay sont à (re)découvrir. Voici notre choix des cinq films à ne pas manquer.

Victoria Abril et Marisa Paredes dans « Talons aiguilles », de Pedro Almodóvar - DR
Victoria Abril et Marisa Paredes dans « Talons aiguilles », de Pedro Almodóvar, sorti en 1991 - DR

Dans la foulée de la sortie en mai de Douleur et gloire, le merveilleux dernier opus de Pedro Almodóvar, Tamasa Distribution a eu la très bonne idée d’organiser la ressortie de 19 de ses films lors d’une rétrospective qui a lieu à partir du 19 juin dans plusieurs salles en France.

L’occasion de proposer le top cinq des films incontournables du réalisateur espagnol à (re)découvrir dès mercredi sur grand écran.

1. Le plus fort : Tout sur ma mère

Une mère qui perd son fils dans un tragique accident, l’histoire d’une greffe d’organes, une vieille actrice flamboyante et lesbienne, une femme trans incandescente qui met enceinte une religieuse, une prostituée transgenre hilarante, des aller-retours Barcelone-Madrid, les notes de Tabajone du musicien africain Isamel Lo, le cinéma d’Almodóvar a son sommet. Mélo sublime, déchirant et drôle, Tout sur ma mère est à la fois un hommage à l’âge d’or d’Hollywood dont Almodovar maîtrise parfaitement les codes ainsi qu’à l’œuvre désespérée et iconique de Tennessee Williams (via la reprise théâtrale d’Un tramway nommé désir qui ouvre le film).

Film intemporel, inoubliable et vibrant, Tout sur ma mère est son chef d’œuvre indéniable

Le film, sorti en 1999 est la quintessence du cinéma du grand Pedro. Il ose s’aventurer sur des territoires émotionnels qu’il n’avait jusqu’alors qu’effleurés tout en injectant au film toutes ses obsessions (les actrices, la transmission et les origines, la marge, l’identité, la famille, le foi en Dieu et en l’humain) et ses motifs esthétiques et scénaristiques (les couleurs franches, les émotions vives, l’humour du désespoir). Film intemporel, inoubliable et vibrant, Tout sur ma mère est son chef d’œuvre indéniable, celui qui aurait du avoir la Palme d’or, celui qu’on revoit avec un plaisir renouvelé tant il est riche et puissant.

2. Le plus passionnel : La Loi du désir

Au sortir de Douleur et gloire, son dernier film en forme d’autoportrait proustien, le cinéphile n’avait qu’une envie, revoir La Loi du désir tant les références communes et les correspondances sont nombreuses entre ces deux films d’Almodóvar. Ce sont d’abord les deux plus beaux rôles que le réalisateur espagnol ait offert à Antonio Banderas, reparti cette année de la Croisette avec le prix d’interprétation.

Il est ici, en 1987, l’amant magnifique, diabolique et passionné, excitant et dangereux. Les deux films n’ont pas qu’un acteur en commun puisqu’ils abordent, à plus de 30 ans d’écart, le sujet principal d’Almodóvar, le seul qui vaille, qui motive l’action et les personnages de ses films : le désir, sa naissance, ses empêchements, ses excès. Histoire d’amour sexy, effrayante et déchirante qui joue avec les pulsions de tous ordres (de vie, de mort, de sexe), La Loi du désir est sans doute le film dans lequel Almodovar évoque avec le plus de justesse son rapport à l’amour, il est par là même l’un des plus beaux films de l’histoire du cinéma sur une passion entre deux hommes.

3. Le plus fou : Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier

Avec son enchaînement de situations plus folles et trash les unes que les autres, sa mosaïque de personnages tous déjantés, Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier est le film le plus dingue d’Almodóvar. Il faut le voir pour prendre conscience de l’audace dont le réalisateur a fait preuve dès ses débuts. Le film fait suite à une douzaine de courts métrages et deux premiers longs, l’un très amateur et l’autre collaboratif. L’esprit de la Movida (le film date de 1980) plane et la vision almodovarienne du queer s’exprime à fond dans ce qui est considéré comme son premier film abouti. Il n’y a aucune limite, aucune morale, aucun jugement dans ce film d’une liberté folle. A découvrir absolument !

4. Le plus prometteur : Talons Aiguilles

Sorti en 1991, soit trois ans après Femmes au bord de la crise de nerfs, le film qui verra Almodóvar accéder à un début de notoriété mondiale, Talons aiguilles succède au provocant Attache-moi et devient l’œuvre de la transition dans la filmographie du metteur en scène, entre ses années Movida et son statut de cinéaste reconnu mondialement. Si le film s’inscrit dans la lignée révoltée et provocante de ses œuvres précédentes par son ton décalé, ses personnages « hauts en couleurs » et ses situations loufoques, il annonce à bien des égards le style affirmé qui fera la force des œuvres suivantes, une gravité plus présente et une esthétique plus précise. C’est le film-promesse, celui qui renseigne les observateurs sur ce qu’Almodóvar a vraiment dans le ventre et ce dont il est capable. L’affiche de cet escarpin à talon-revolver est tout un symbole : elle devient instantanément une référence de la pop culture et confirme l’alliance des genres dont est capable Almodóvar. Ce « stilleto » mortel incarne et symbolise, dès 1991, le virage que prend la carrière du réalisateur : ce mariage entre le mélo US (tendance Douglas Sirk souvent cité), les enquêtes semi-policières ou, dans tous les cas, un goût affirmé pour le secret et son traitement par la culture populaire, et une vision du « camp » assumée.

5. Le plus sous-estimé : La Mauvaise Éducation

Cinq ans après Tout sur ma mère, et deux ans après le très beau et très acclamé Parle avec elle, Almodóvar explore son histoire, sa psyché, en brassant les souvenirs, les traumas et les fantômes du passé avec La Mauvaise Éducation. Film un peu sous-estimé à sa sortie, il est pourtant également un marqueur d’étape important dans sa filmographie. Almodóvar s’autorise de plus en plus à avoir recours à la fiction pour parler de lui et de ses tourments, de ses souvenirs. La Mauvaise Éducation est dans cette lignée introspective et pas nécessairement tendre mais déborde de scènes d’anthologie, de moments de cinéma inoubliables. Almodóvar poursuivra dans cette veine avec le sublime Volver, film hommage aux femmes de sa vie, un autre sommet de sa carrière.

Rétrospective Pedro Almodóvar, 19 films à voir en salles à partir du 19 juin 2019 : Dans les ténèbres, En chair et en os, Femmes au bord de la crise de nerfs,La fleur de mon secret, Kika, La loi du désir, Matador, Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier, Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?, Talons aiguilles, Attache-moi, Les amants passagers, Etreintes brisées, Julieta, La Mauvaise Éducation, Parle avec elle, La piel que habito, Tout sur ma mère, Volver