« Avant l'aurore », errances cambodgiennes

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« Avant l’aurore », dans les salles le 19 septembre, fait se rencontrer à Phnom Penh, Mirinda, un Français travesti, toxico et prostitué et Panna, une petite fille cambodgienne, enfant des rues. Ces deux solitudes qui s’apprivoisent sont le cœur d’un film qui offre quelques moments de grâce et révèle un comédien exceptionnel.

David d'Ingéo et Panna Nat
David d'Ingéo et la jeune Panna Nat s'apprivoisent dans « Avant l'aurore » - New Story

Bienvenue au Cambodge, à Phnom Penh plus précisément. C’est dans cette ville bruyante, pauvre et hantée par une histoire douloureuse que vit Mirinda, un Français travesti et prostitué qui semble avoir trouvé là ses marques et une forme de liberté. La caméra de Nathan Nicholovitch suit au plus près, dans un style brut et quasiment documentaire, les errances de cet homme, des bars à putes à l’appartement de son ami-amant cambodgien contre lequel il s’endort nu après ses nuits passées à boire, à se droguer, et à séduire. Au spectateur ou à la spectatrice de se laisser envahir par les bruits, les ambiances, les lumières de cette ville qui semble toujours en mouvement, comme pour veiller à ce que les drames de l’Histoire de ne répètent pas.

Si le récit propose une narration un peu distendue, c’est pour mieux nous perdre, dans les méandres de ces vies qu’il nous donne à côtoyer parfois uniquement pendant quelques scènes et qui sont une sorte de partie immergée de la vie quotidienne d’un pays sous tutelle des ONG depuis plus de 25 ans. Les personnages annexes (l’amant, l’enquêtrice, les prostitué-e-s, les « mafieux » locaux ou occidentaux, …) donnent une idée de ce qui se joue : trafics d’êtres humains, argent sale et traque sans fin de ceux qui ont aidé d’une façon ou d’une autre les Khmers rouges en leurs temps à mettre en place une terreur dont l’ombre plane encore sur le pays.

Mirinda va rencontrer Panna, une petite fille des rues qui se prostitue elle aussi. La prenant sous son aile, Mirinda va découvrir en lui des sentiments nouveaux et remettre à plat ses priorités. Se pose alors la question : comment peut-on devenir père quand on est un homme travesti et prostitué vivant au jour le jour dans un univers glauque ? Et le film apporte la meilleure réponse : comme on peut ! Mirinda va avant tout écouter son humanité et son instinct pour tenter de prendre soin de cette enfant pas encore tout à fait perdue.

Même si, en évitant les explications et les mises en situation classiques du récit, il privilégie les sensations et la confusion des émotions, Avant l’aurore est une plongée sans filet dans la dureté d’une ville, d’un pays, dont la sincérité, le réalisme et l’élégance formelle s’avèrent envoûtants.

Avant l’aurore, c’est aussi la découverte d’un grand comédien : David D’Ingéo qui campe le personnage de Mirinda. Parfois fort, parfois fragile, à la fois brusque et sensible, jouant avec les codes d’une féminité apprivoisée, il est bouleversant de vérité et d’émotion. Une révélation !

Avant l’aurore

Réalisation : Nathan Nicholovitch
Drame – France – 1h45
Distribution : David D’Ingéo, Panna Nat, Viri Seng Samnang, Clo Mercier, Ucoc Lai, …

En salles le 19 septembre 2018