Centre d'archives LGBTQI : la ballade de Paris

Publié le

Vieux serpent de mer de la capitale française, le Centre d'archives LGBTQI pointerait-il enfin le bout de son nez ? Entre les promesses de la mairie de Paris et la réalité, il y a un gouffre que les militantes et militantes aimeraient combler.

Archives = vie / Collectif Archives LGBTQI
Archives = vie / Collectif Archives LGBTQI

Qu’elle est longue cette histoire. Cela fait plus de 20 ans que l’ouverture d’un Centre d’archives LGBT+ se fait pressant en France. 20 ans d’inquiétude pour protéger les témoignages écrits ou oraux des personnes qui ont vécu sous l’inquisition, pour protéger les archives d’Act-up Paris, les numéros de La dixième muse, les lettres d’amour, les souvenirs du Pulp, les photos de Barbara soutenant les porteurs et porteuses du VIH, les stickers des Panthères Roses. Retour sur une danse du ventre qui dure depuis un bout de temps.

2017 : après ces nombreuses années de tergiversations pour obtenir une aide des pouvoirs publics, le film 120 battements par minutes a fait office d’élément déclencheur : le Collectif d’archives LGBTQI s’est immédiatement constitué avec la volonté de travailler sur l’archive vivante avec tous et toutes. Pointée du doigt depuis longtemps pour son inaction, la Mairie de Paris à elle aussi voulu montrer ostensiblement qu’elle était dans la danse.

En octobre 2017, Bruno Julliard, le premier adjoint de la Maire de Paris Anne Hidalgo, annonce dans les colonnes de Libération qu’un centre « verrait finalement le jour en 2020 ». En décembre 2017 une petite subvention de 10 000 euros est votée par le conseil de Paris pour financer le travail du Collectif constitué par des concerné.e.s qui sont aussi universitaires, archivistes ,universitaires, normalien.ne.s, activistes… bref compétent.e.s à constituer et conserver des archives communautaires. Puis le collectif choisi de prouver son efficience auprès du public, des concerné.e.s et des instances publiques, en organisant des journées ateliers-débats en mai dernier.

Une validation qui montre la verticalité des décisions

Tout cela nous amène au 12 juillet dernier Lors d’une grande réunion avec les différents acteurs concernés (la DILCRAH, les Archives nationales, les Archives de Paris, le ministère de la Culture et le Centre LGBT, un temps désigné comme un éventuel siège), Bruno Julliard a «  salué le rassemblement associatif, suffisant et satisfaisant pour la gestion du futur centre ».

Tout en profitant de l’occasion pour informer le Collectif qu’une grande exposition sur la mémoire LGBT aurait lieu en 2019, l’élu l’a officiellement désigné comme le porteur du futur centre. Une désignation qui pourrait sembler ubuesque mais qui est courante dans notre pays, où l’archive est institutionnalisée et sacralisée, hors de portée de celles et ceux qu’elle concerne en premier lieu. Membre du collectif, le sociologue Sam Bourcier – auteur entre autres de Homo Inc.orporated publié chez Cambourakis – rappelle combien cette verticalité est répandue : « nous avons une philosophie de l’archive, nous ne sommes pas des zozos, et la mairie n’est pas propriétaire des archives : il y a un problème structurel de méthode et de culture dans l’archive en France ».

Dans le communiqué qu’il vient de publier, le Collectif annonce qu’une convention sera signée entre le collectif Archives LGBTQI et la mairie de Paris à la rentrée 2018 et salue l’annonce de l’élu qui a re-garantit l’ouverture (oh combien attendue) d’un lieu pérenne pour 2020.

Mais lequel ? Là est la question. Le communiqué – bien qu’enthousiaste – termine pourtant par un petit rappel, que la mise à disposition d’un local temporaire n’a pas encore obtenu réponse et qu’il reste attentif. « Le collectif Archives LGBTQI demande enfin à Bruno Julliard à ce que soit versés la subvention de 10.000 euros votée en décembre 2017 par le conseil de Paris et le remboursement des frais engagés par le collectif et ses partenaires pour la journée Ateliers Débats des 4 et 5 mai. Si nous fourmillons de projets, ceux-ci ne peuvent pleinement se réaliser sans les moyens financiers et techniques associés » écrivent les militants et militantes.

Des promesses dans le vent ?

La mairie de Paris n’est pas la seule à être suivie du regard. La DILCRAH a aussi été rappelée à l’ordre. Malgré les promesses de Frédéric Potier à accompagner des projets de recueil d’archive orale, « les deux projets déposés dans le cadre de l’appel à projets 2018 par le collectif Archives LGBTQI et les associations Mémoire des Sexualités de Marseille et Mémoires Minoritaires de Lyon (membres du collectif Archives LGBTQI) » n’auraient pas encore reçu de réponse.

Pire, les projets de l’Académie Gaie et Lesbienne et des Cahiers Gai Kitsch Camp de Montpellier, qui allaient dans le même sens et étaient membres du Collectif Archives LGBTQI, se sont vu notifier une réponse négative.

«  Paris s’autoproclame capitale LGBT mais quitte à faire du pinkwashing, il faudrait le faire correctement .  »

Sam Bourcier rappelle que 2020 n’est pas une date anodine pour la Mairie : c’est «  une échéance électorale. Paris s’autoproclame capitale LGBT mais quitte à faire du pinkwashing, il faudrait le faire correctement .  » Le sociologue rappelle que les besoins sont les suivants : 400 m2 carrés de locaux temporaires « pour travailler dès la rentrée et appréhender les volumes nécessaires, un budget de 1,2 millions d’euros annuels (comme c’est le cas à San Francisco) et 5 salarié.e.s comme c’est le cas à Amsterdam ». 

Selon lui Paris ne doit pas se présenter comme décisionnaire principal, mais plutôt comme soutien privilégié. « En tant que collectif, bien sûr que l’on croit au projet et de toute façon il existera ce centre quoi qu’il arrive, que ce soit à Paris ou ailleurs. Il est grand temps de montrer que l’archive est vivante, qu’elle est DIY et ouverte à tous et toutes. Car ne l’ouvrir qu’aux chercheurs et chercheuses, comme c’est le cas aux Archives Nationales, c’est les placardiser à nouveau ». 

  • gkoskovich

    Une petite précision : pour l’année 2018, le budget de la GLBT Historical Society, le musée et centre d’archives de San Franciso, n’est pas 700 000 euros, mais plutôt environ 1 million d’euros (1 200 000 $). Pour plus d’infos : http://www.glbthistory.org.

Centre de préférences de confidentialité