« Est-ce de l'homophobie passive ou la vie normale d'une auberge de campagne ? »

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Pascal et Stéphane, en couple, ont repris il y a deux ans l'auberge du village de Poil. Mais après de nombreux actes de malveillance, les deux propriétaires ont décidé de partir et se questionnent sur l'homophobie, potentielle, de la petite bourgade. Pour Komitid, ils racontent leur parcours.

Auberge de poil
L'Auberge de Poil... à Poil (Nièvres) - Google Street View

Un couple de garçons à la tête de l’auberge de Poil… Amusant ? C’est ce que s’étaient dit Pascal et Stéphane, en couple, lorsqu’ils avaient repris le fond de commerce du restaurant situé dans le petit village de Poil (Nièvre) il y a deux ans. Mais le couple a rapidement déchanté, pourtant bien accueilli par le maire de la commune, pas échaudé pour un sou à l’idée d’accueillir un couple d’hommes dans un village de moins de 100 habitants. Néanmoins, Pascal et Stéphane ont décidé de plier bagage. Pour Komitid, ils racontent leur expérience et questionnent « l’homophobie passive » de leur communauté actuelle.

Au départ, on cherchait à reprendre un établissement dans un village. On a vu une annonce dans le Journal de l’hôtellerie qui indiquait que l’auberge de la commune de Poil cherchait des repreneurs. C’est vrai que l’on trouvait sympa l’idée qu’un couple de garçons reprennent cet établissement.

« Deux garçons à Poil, ça ne pouvait que marcher »

On ne va pas vous mentir, nous avons aussi trouvé le nom du village très drôle, deux garçons à Poil, ça ne pouvait que marcher. La suite a été simple, on a pris contact avec le Maire Christian Courault, qui nous a très bien accueillis. On a bien insisté sur le fait que nous étions un couple d’hommes mariés, parce qu’on avait déjà eu des refus de plusieurs mairies du sud de la France. Et nous ne souhaitions pas avoir de souci lié au fait que nous sommes un couple de même sexe.

Notre but était vraiment de recréer un lien entre l’auberge et la commune. On voulait refaire vivre ce village. L’auberge était fermée depuis plus de trois ans et nous pensions naïvement pouvoir recréer un lien social, comme nous pouvions le voir dans les différents reportages sur le choix du mieux vivre en campagne. On a fait trois visites avant de reprendre l’auberge et nous avons toujours été très bien reçus par Monsieur le Maire et son Conseil municipal qui d’ailleurs nous ont choisis parmi une trentaine de candidats, on était heureux.

Désenchantement

Au final, ce n’est pas du tout ce qu’il s’est passé. Différents actes malveillants nous ont fait déchanter : pendant plusieurs mois, tous les week end, nous retrouvions le matin des asticots sur notre escalier de façade. Autre exemple, pendant la période de Noël, la mairie a dû faire un démenti dans la gazette du village pour expliquer que nos décorations festives avaient été payées intégralement par nous et non par la commune.

Le jour de la fête patronale, nous nous étions entendus avec le comité des fêtes pour organiser un bal de fin de soirée. Leur buvette devait fermer à 20h30, l’auberge restant ouverte pendant la soirée.  Malheureusement à 22h30, Monsieur le Maire a pris tardivement la décision de respecter notre accord et de fermer la buvette. Cela s’est fait en désaccord avec un conseiller municipal et un membre du comité des fêtes, qui se sont ensuite rendus à l’auberge avec une vingtaine de « bonhommes » pour ruiner la soirée que nous avions organisée. Afin d’éviter tout débordement nous avons dû faire intervenir la gendarmerie pour fermer l’établissement. Nous avons appris par la suite que ce projet avait été élaboré plusieurs jours avant.

Quelques semaines plus tard, l’un de nos deux panneaux publicitaires, installés sur la D297 a été arraché alors qu’un deuxième a disparu, pour revenir tout seul au même endroit 3 semaines plus tard. Enfin, et suite à notre fermeture pour agrandissement et mises aux normes de la cuisine , un conseiller municipal a fait courir la rumeur que nous étions fermés définitivement et expulsés par la commune, car nous n’avions, sois-disant, jamais payé nos loyers.

Homophobie passive

On peut se poser la question, est-ce de l’homophobie passive ou tout simplement la vie d’une auberge de campagne ? Mais on ne voit pas pourquoi on viendrait nous embêter régulièrement si on n’était pas un couple d’hommes. La première année, on a même eu de nombreuses personnes qui venaient dans notre restaurant, parce qu’on a une table située au milieu de la salle, juste pour observer un couple d’hommes au travail. Ça nous a fait rire.

« Pour nous cette expérience n’a pas été un échec »

Suite à tous ces différents actes, nous avons pris la décision de mettre notre fonds de commerce en vente et de partir quoi qu’il arrive fin septembre. Nous ne sommes pas pris par un sentiment d’échec, par ce que nous avons réussi à faire vivre cette auberge, avec une clientèle fidèle et qui nous soutient. D’ailleurs nous avons remarqué que les personnes de plus de soixante ans, nous ont apporté un soutien sans faille. Nous avons même les élus de la région qui ont organisé un repas citoyen dans notre auberge pour apporter leur soutien.

À ce jour nous continuons à accueillir nos clients avec le même enthousiasme qu’au premier jour et nous préparons notre avenir soit en tant qu’intendant de propriété, soit en tant que salarié sur la ville de Lyon. Pour nous cette expérience n’a pas été un échec, loin de là, car la clientèle a cru à notre projet et notre réputation l’a suivie.

Propos recueillis et édités par Fabien Jannic-Cherbonnel.

  • colorvision

    @expat : Les clichés, ça va dans les 2 sens. Il y a des gens tolérants et ouverts à la campagne aussi. En l’occurrence dans l’article, il est écrit que le couple a toujours été bien reçu par le conseil municipal. Certes cela ne constitue peut-être pas la majorité de la population rurale, mais je ne pense pas que c’est là qu’on compte le plus d’agressions homophobes.

  • expat

    En France, s’installer dans une village est totalement inconscient, il n’y a que des beaufs. Quel horreur ! La campagne s’est bien pour se balader en famille, mais toute l’année, ça doit être un enfer, surtout si on est un couple LGBT avec des enfants.