Russie : les sites d'info Gay.ru et Lesbi.ru censurés
Au pays de Poutine, la loi sur la « propagande homosexuelle » continue d'invisibiliser et de réduire au silence les personnes LGBT+.
Lancé en 1997, le site internet Gay.ru est une référence dans les milieux queer russes. À la fois service de rencontre et site d’info, cette plateforme, ainsi que son équivalent lesbien, Lesbi.ru, sont sur le point de disparaître à cause de la loi sur la « propagande homosexuelle ». Cette mesure de 2013 interdit le fait de présenter toute orientation sexuelle « non-traditionnelle » sous un jour favorable devant des personnes mineures en Russie.
Depuis cinq ans, ces deux médias LGBT+ s’étaient adaptés, avec la mise en place d’un avertissement à la connexion, permettant de confirmer que les internautes sont bien majeur.e.s (sur une base déclarative, comme sur un site porno). Manifestement, c’est encore trop de visibilité pour les autorités, qui ont décidé que Gay.ru et Lesbi.ru étaient toujours trop accessibles pour le chaste œil du grand public.
Une mise en demeure très floue
Sur la base d’une décision actée par le tribunal du district de l’Altaï en novembre 2017, le Roskomnadzor (Service fédéral de supervision des communications, des technologies de l’information et des médias de masse) a envoyé, le 29 mars dernier, une sommation écrite à l’adresse moscovite des deux rédactions. Si Lesbi.ru et Gay.ru ne suppriment pas « toute propagande illégale » de leur contenu, leur site sera définitivement interdit.
Pour l’heure, ils ne sont simplement plus accessibles depuis le territoire de la Russie, comme l’a noté l’association Alliance hétéro et LGBT pour l’égalité (Альянс гетеросексуалов и ЛГБТ за равноправие).
« Je ne sais pas quoi supprimer »
Ed Mishin, rédacteur en chef des médias en question depuis 21 ans, a confié son désarroi sur Facebook. Quelles sont les informations qu’il faudrait supprimer pour ne pas être censuré pour de bon puisque les deux sites sont dédiés à l’actualité LGBT+ ? Difficile de déterminer ce qui constitue ou non quelque chose d’illégal vis-à-vis de la « propagande homosexuelle ». Et c’est bien ce qui inquiète le peu de médias queers russes, comme Parni +, qui ont relayé l’information sur la difficile situation de leurs confrères et consoeurs. Mais c’est justement cette ambiguïté, voire cette injonction contradictoire, que le journaliste a décidé de faire jouer lorsqu’il fera appel auprès de la décision de justice, ainsi qu’auprès de l’organe censeur.
En attendant de résoudre, il l’espère, la situation, Ed Mishin invite lecteurs et lectrices à passer par des outils permettant de contourner le blocage pour continuer de lire Gay.ru et Lesbi.ru. La production écrite n’a en effet pas été interrompue sur les sites, que l’on peut consulter sans problème depuis la France. Le soutien de personnalités, collectifs, assos et médias LGBT+ de nombreux pays commence à affluer à travers les réseaux sociaux, à mesure que l’affaire gagne en visibilité.
- 3 questions à Sasha Dvanova, réfugiée russe et militante chez Urgence Homophobie
- Des magasins interdits aux « sodomites » et aux « pédérastes » en Russie
- Élections présidentielles en Russie : colères et espoirs des LGBT+ russes
- Le journaliste Ali Feruz est enfin arrivé en Allemagne, après six mois de détention en Russie
- Les militant.e.s LGBT+ réagissent à la réélection de Vladimir Poutine en Russie