En Grèce, « un jour historique » approche pour les couples gays et lesbiens et leurs enfants

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Les députés grecs s'apprêtent à légaliser cette semaine le mariage et l'adoption par les couples de même sexe.

Le drapeau grec et le drapeau LGBT
Le drapeau grec et le drapeau LGBT - iunewind / Shutterstock

« Jusqu’à présent, ma deuxième mère était comme un fantôme aux yeux de la loi. Elle n’apparaissait nulle part, sur aucun document officiel », se désole le jeune Grec Yannis Belia.

Pour cet adolescent et ses mères Stella et Haris, la situation devrait bientôt changer. Les députés grecs s’apprêtent en effet à légaliser mercredi ou jeudi le mariage et l’adoption par les couples de même sexe. Car jusqu’ici en Grèce, pour les couples gays et lesbiens ayant des enfants, seul le parent biologique a des droits sur eux.

« Changer ma vie »

Le jeune homme aux cheveux ébouriffés vit en banlieue d’Athènes avec sa mère biologique Stella Belia, une institutrice quinquagénaire, et passe week-ends et vacances avec Haris, sa « deuxième mère », l’ex-compagne de Stella dont elle est désormais séparée. « Cette loi va changer ma vie », se réjouit Yannis, comme son frère jumeau, Antonis, conçus par procréation médicalement assistée (PMA). Car à l’heure actuelle, « si jamais ma mère Stella venait à mourir, je ne pourrais pas être confié à ma deuxième mère. C’est une peur qui m’a toujours trotté dans la tête », explique Yannis, 16 ans. « Enfin tous les enfants auront les mêmes droits », renchérit son jumeau.

A l’heure actuelle, en cas de décès du parent biologique, l’Etat retire automatiquement la garde des enfants à leur autre parent.

Lorsque leurs enfants tombent malades, les parents non biologiques n’ont aucun droit pour décider des procédures médicales nécessaires les concernant. Et les enfants ne peuvent pas non plus hériter de leurs parents non biologiques. Quant aux enfants de deux pères, ils ne peuvent même pas être enregistrés à l’état civil où il est obligatoire d’inscrire le nom d’une mère.

Situations dramatiques

C’est pour mettre un terme à des situations parfois dramatiques que le Premier ministre conservateur Kyriakos Mitsotakis a voulu ce projet de loi.

« Les couples de même sexe ont des enfants (…) Mais ces enfants n’ont pas les mêmes droits », a-t-il déploré en annonçant son projet pour lequel il est assuré d’obtenir une majorité au parlement, plusieurs partis d’opposition ayant annoncé leur intention de voter en faveur du texte.

A Athènes, Anna Leventou et sa compagne Nancy ont à peine eu le temps de se réjouir de la naissance de leur fille. En raison de complications pendant l’accouchement, Nancy a dû être hospitalisée pendant plusieurs jours.

« J’étais paniquée », raconte la trentenaire Anna Leventou. « Ils ont embarqué ma compagne aux urgences et je ne pouvais pas ramener ma fille à la maison » puisque n’étant pas la mère biologique du nouveau-né.

« Heureusement, grâce à la bonne volonté du médecin et de la clinique, j’ai pu prendre mon enfant mais je devais avoir comme garant un des parents de ma conjointe », explique la jeune femme lors d’une conférence de presse organisée par l’association Familles arc-en-ciel.

« Que ce serait-il passé si ses parents n’étaient plus parmi nous ? », s’interroge-t-elle. Stella Belia, qui milite au sein de Familles arc-en-ciel, dresse un portrait au vitriol de la société grecque, entre tabous et non-dits concernant les couples de même sexe.

« Ce qui prévalait jusqu’à présent, c’était la règle du silence », juge-t-elle. « Il était fréquent d’entendre : “il vaut mieux (…) ne pas dire que vous êtes en couple avec une femme “. Mais on n’aurait jamais dû avoir à se cacher ! ».

Cette loi « sera un progrès énorme pour la Grèce », souligne-t-elle tout en insistant sur ses « défauts », selon elle.

Ainsi les couples de même sexe ne pourront toujours pas recourir à la PMA ou à une mère porteuse.

L’adoption de l’enfant par le deuxième parent ne sera pas non plus automatique même si le couple est marié. Elle se fera à posteriori après la naissance.

Pour Konstantinos Androulakis, un Grec « exilé » à Londres où il vit en avec Michael depuis 2002 et leurs deux enfants de 6 et 11 ans, le vote au parlement s’annonce comme « un jour historique » pour la Grèce.

Il a d’ailleurs prévu de faire le déplacement à Athènes pour s’entretenir avec plusieurs députés avant le vote.

« Jusqu’à présent, nous ne pouvions pas envisager d’élever nos enfants en Grèce en les privant de droits essentiels », souligne-t-il dans un entretien à l’AFP par téléphone.

Mais après l’adoption de la loi, « tout devient possible à nouveau ! », s’enthousiasme-t-il.