Au Liban, la campagne contre la communauté LGBT+ fait craindre pour les libertés

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Des défenseurs des droits humains et des membres de la communauté LGBT+ ont affirmé à l'AFP avoir été harcelés et avoir même reçu des menaces de mort.

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Depuis plusieurs mois, les membres de la communauté LGBT+ au Liban sont la cible d’une campagne hostile qui s’intensifie, suscitant l’inquiétude des militants face à une restriction des libertés dans ce pays multiconfessionnel.

Des défenseurs des droits humains et des membres de la communauté LGBT+ ont affirmé à l’AFP avoir été harcelés et avoir même reçu des menaces de mort. Une véritable hystérie vise les produits arc-en-ciel, avec des appels au boycott des pâtisseries multicolores ou l’interdiction d’un jeu de société.

Des politiciens de tous bords ont été en première ligne de cette campagne, qui coïncide avec une proposition de dépénalisation de l’homosexualité, présentée par une poignée de députés et largement décriée.

« Nous assistons à une sorte d’incitation à la violence », affirme Rita Chemaly, une politologue et militante des droits humains.

« Ce n’est pas la simple question d’une communauté qui est harcelée et intimidée. Nous sommes en train de perdre la bataille pour les libertés individuelles », comme la liberté d’expression ou de rassemblement, souligne-t-elle.

Le 30 septembre, un groupe d’hommes s’érigeant en défenseurs des valeurs familiales a violemment attaqué une marche de la société civile, proférant des insultes homophobes et agressant des manifestants. Les groupes qui avaient appelé à la manifestation ne l’avaient pas présentée comme étant liée aux droits des LGBT+.

Amnesty International a dénoncé « l’échec flagrant des forces de sécurité à protéger les manifestants » et a demandé l’ouverture d’une enquête, notant qu’« aucun des agresseurs n’a été arrêté ».

« Il n’y a pas d’Etat », déplore Rita Chemaly.

« En danger »

Le Liban est considéré comme plus tolérant que d’autres Etats arabes vis-à-vis de l’homosexualité et la communauté a longtemps défié la répression contre ses bars, boîtes de nuit et centres communautaires, notamment à Beyrouth.

Mais au cours des dernières années, les autorités ont annulé des activités de la communauté LGBT+, des militants ont été harcelés et le ministère de l’Intérieur a demandé en 2022 aux forces de sécurité de réprimer les événements « promouvant la perversion sexuelle ».

Un homosexuel qui a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité a affirmé à l’AFP avoir été harcelé verbalement ces dernières semaines, disant se sentir « en danger » face à une situation qui « se détériore chaque jour ».

En juillet, un groupe de députés a présenté un projet de loi pour dépénaliser l’homosexualité, qui a provoqué une levée de boucliers.

La loi prévoit jusqu’à un an de prison pour les relations « contre-nature ».

Deux contre-propositions ont été avancées, prévoyant de renforcer les sanctions dans un pays où les différentes communautés religieuses, divisées sur le plan politique, sont unies sur beaucoup de questions de société.

Depuis l’initiative des députés, le chef du puissant Hezbollah chiite, Hassan Nasrallah, a multiplié les diatribes contre les LGBT+, affirmant dans un discours que, selon la loi islamique, tout homosexuel « devrait être tué ».

En août, des membres d’un groupuscule extrémiste chrétien ont attaqué un bar qui organisait un drag show à Beyrouth, prévenant les clients qu’ils allaient « brûler en enfer », selon des témoins.

Le week-end dernier, des hommes ont attaqué un restaurant dans le sud du Liban, semble-t-il pour des raisons homophobes.

“Dignité”

Un homme gay et militant, déjà menacé de poursuites pour des images et des messages sur son téléphone portable, a déclaré qu’il vivait dans un pays qui le « déshumanise », qui « nie » son « existence même ».

Ce militant qui a également requis l’anonymat a cependant qualifié de pas « énorme » la présentation du projet de loi. « C’est la première fois que nous avons un tel débat », a-t-il remarqué.

Mark Daou, un des députés à l’origine du projet, considère que la législation libanaise était « en contradiction directe avec plusieurs accords internationaux contre la discrimination et les préjugés auxquels le Liban est partie ».

Mais il reconnaît que cette initiative pouvait avoir par inadvertance détourné l’attention des véritables problèmes du Liban, « faisant le jeu (…) de ceux qui veulent se dérober à toute responsabilité dans ce qui arrive au pays ».

Depuis près de quatre ans, le Liban est plongé dans une terrible crise économique qui a fait basculer une grande partie de la population dans la pauvreté.

Le pays est sans président depuis près d’un an, dirigé par un gouvernement démissionnaire et les divergences politiques ont paralysé les institutions.

Bertho Makso, du groupe de la société civile Proud Lebanon, qui milite pour l’abrogation de la loi, estime cependant qu’il faut « toujours voir la lumière au bout du tunnel ».

« Ce que nous voulons c’est simplement que les gens soient traités avec dignité et respect, et non comme des criminels », affirme-t-il.