En Espagne, les craintes de la communauté LGBT+ avant les élections

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Prévues le 23 juillet, les élections législatives anticipées pourraient voir la victoire du très conservateur Parti Populaire et la remise en cause des droits des personnes LGBTI+.

Drapeau arc-en-ciel et drapeau espagnol
Drapeau arc-en-ciel et drapeau espagnol/Shutterstock

Alicia Arruti, 16 ans, a entamé les démarches pour changer de genre à l’état-civil grâce à une loi récente du gouvernement de gauche espagnol. Mais à quelques jours des élections, elle craint un recul des droits LGBT+ si la droite l’emporte.

« Si j’avais su qu’il y aurait des élections anticipées, j’aurais probablement commencé le processus plus tôt » afin qu’il soit achevé avant le scrutin du 23 juillet, raconte à l’AFP Alicia, jeune fille transgenre, dans le jardin de sa maison à Ponte Caldelas, petit village du nord-ouest du pays.

Cheveux mi-longs et frange, Alicia, vêtue d’une robe bleue marine, se définit comme fille depuis l’âge de 8 ans.

Après avoir changé de prénom et suivi un traitement hormonal, elle attend sa nouvelle carte d’identité grâce à une loi adoptée en février et permettant aux plus de 16 ans de changer librement de genre à l’état civil, sans avoir besoin d’un feu vert judiciaire, parental ou médical.

Un texte que les conservateurs du Parti Populaire (PP), en tête dans les sondages, ont promis d’abroger s’ils arrivent au pouvoir.

La loi sur l’autodétermination de genre « est une attaque contre les mineurs, contre l’autorité parentale, contre le bon sens » a fustigé, début juin, leur chef Alberto Núñez Feijóo, affirmant qu’il « est beaucoup plus facile de changer légalement de sexe que d’obtenir le bac ou le permis de conduire ».

Portant un collier bleu, rose et blanc, les couleurs du collectif transgenre, Alicia, soutenue par sa mère dans ses démarches, se dit d’autant plus « préoccupée » que le PP pourrait avoir besoin de s’appuyer sur la formation d’extrême droite ultraconservatrice Vox pour gouverner.

Ce qui impliquerait, selon elle, « un net recul » pour les personnes trans après les droits obtenus sous l’actuel gouvernement.

Banderoles arc-en-ciel retirées

Vainqueur du scrutin municipal et régional de la fin mai, le PP s’est déjà allié à Vox pour diriger plusieurs communes et régions.

Des institutions locales dont il a parfois retiré, sous la pression de la formation d’extrême droite, les traditionnelles banderoles arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBT+, lors du mois des fiertés, créant une vive polémique dans le pays.

A Madrid, Vox a déployé quelques jours avant la marche des Fiertés du 1er juillet, l’une des plus grandes d’Europe, une immense banderole invitant notamment à jeter le drapeau arc-en-ciel à la poubelle.

« La droite et l’extrême droite lancent des messages de haine et menacent de nous effacer de la vie publique », dénonçait, le jour de la marche, Alicia García Raboso, femme trans de 42 ans.

Analyste financière de 47 ans, Valeria Carrión Álvarez n’exclut pas, pour sa part, de quitter l’Espagne en cas de recul des droits des personnes trans.

« Si le PP (est élu et) rend plus difficile l’accès aux traitements médicaux », comme les hormones, « cela pourrait me pousser clairement à changer de pays », affirme-t-elle, à la sortie d’un rendez-vous administratif pour changer de genre à l’état civil.

Selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, les délits contre l’orientation sexuelle et l’identité de genre ont augmenté de 65,7 % entre 2020 et 2022 en Espagne, pays pourtant réputé très tolérant à l’égard de la communauté LGBT+ et qui a légalisé le mariage entre personnes de même sexe il y a près de 20 ans.

Présidente de la Fédération nationale LGBT+ (FELGTBI+), Uge Sangil affirme que cette hausse est la conséquence de « l’augmentation des discours haineux » contre la communauté LGBT+ « depuis que l’extrême droite est entrée dans les institutions », notamment au Parlement où la formation d’extrême droite ultraconservatrice Vox est la troisième force depuis 2019.

Valeria abonde en assurant voir une « normalisation des opinions d’extrême droite, au bar, à la machine à café au travail » ou « dans certaines réunions de famille » qui ciblent en particulier les personnes trans.

« Même si nous sommes courageux et résilients, cela nous inquiète et cela nous fait peur » mais « nous ne retournerons pas dans le placard », insiste Uge Sangil.