Cannes côté queer, épisode 3 : quand les anglophones se payent l'hétérosexualité

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Pour ce 3ème épisode cannois, Komitid s'intéresse à deux oeuvres dans la sélection de la Queer Palm abordant le pendant toxique de l'hétérosexualité : « The Idol » de Sam Levinson et « How To Have Sex » de Molly Manning Walker.

Photo de la série « The Idol »
Photo de la série « The Idol »

Dans la sélection de la Queer Palm, tous les films n’abordent pas frontalement les thématiques et récits LGBTQ+. Certains se consacrent plutôt à montrer l’envers du décor des relations hétérosexuelles, empoisonnées par le patriarcat. C’est le cas de deux œuvres qui vont, sûrement pour des raisons différentes, faire beaucoup de bruit : le premier film de la britannique Molly Manning Walker, How To Have Sex, et The Idol, la nouvelle série de l’américain Sam Levinson, papa d’Euphoria et Assassination Nation.

Oops, he did it again

Après la saison 2 d’Euphoria qui a fait exploser les compteurs et a rendu fous des millions de téléspectateurs, Sam Levinson n’a pas fini de faire parler de lui. Entachée de plusieurs rumeurs peu reluisantes décrivant un tournage sulfureux et assez malsain, les deux premiers épisodes de The Idol ont tout de même pu être sélectionnés à Cannes en Hors Compétition. La série HBO se concentre sur Jocelyne, une chanteuse pop qui tente désespérément de sauver sa carrière quand elle rencontre Tedros, un homme mystérieux avec qui débute une relation très toxique.

Pour porter ce projet ambitieux, Levinson s’accompagne d’un casting de choix plus queer que jamais. Aux côtés du chanteur The Weeknd, également co-créateur de la série, on retrouve sur tous les plans Lily-Rose Depp, qui vient de dévoiler (dans la vraie vie) sa relation avec la mannequin Danielle Balbuena, le chanteur Troye Sivan, l’hilarant Dan Levy, l’actrice trans Hari Nef et l’icône de la nouvelle génération Rachel Sennott, découverte dans le génial film lesbien Shiva Baby sur Mubi.

The Idol est une série sur laquelle plane l’ombre des destins sombres de popstars détruites par une industrie sexiste, Britney Spears en tête (elle est même mentionnée dans la série), mais qui menace de méchamment dévier de son propos féministe au profit de scènes porno-arty interminables. Elle arrive à être saisissante lorsqu’elle se concentre sur le personnage de Lily-Rose Depp, fragilisée par des traumatismes encore frais et proie de son équipe, véritables loups déguisés en agneaux. Malheureusement, à ce récit déjà riche, le réalisateur ajoute le personnage de The Weeknd, ombre menaçante et séduisante, qui rompt totalement la lancée de la série avec un jeu d’acteur approximatif et une écriture assez mannichéenne.

On attend évidemment d’en voir plus pour se prononcer définitivement, mais la crainte d’assister à l’arrivée d’un nouveau Blonde prend le pas sur l’espoir d’un nouveau Showgirls.

Photo de la série « The Idol » - HBO

Photo de la série « The Idol » – HBO

Little Britain

Dans ce premier film aux allures de Spring Breakers anglais qui a électrisé la Croisette cette année, Molly Manning Walker suit trois jeunes amies durant leurs vacances, toutes bien décidées à oublier un temps leur vie dans les fêtes, l’alcool et le sexe. Autrement plus réussi que The Idol, How To Have Sex est aussi bien plus pertinent dans ce qu’il dit sur la place des femmes dans les relations hétérosexuelles.

Pour le personnage principal, Tara, le voyage va être celui des premières fois. Désireuse de trouver un garçon avec qui elle pourra enfin faire l’amour, Tara et ses copines font la rencontre de leurs voisins, deux garçons hétéros et une fille lesbienne. La répartition faite, chacune a sa cible. Le film balaye totalement les attentes de comédie débridée à la Projet X pour plonger corps et âme dans la psychée de la jeune fille, et opère une intéressante dissection de mécanismes de la culture du viol. En parallèle, alors que les deux filles sont sujettes à une misogynie ambiante de la part des hommes qui les entourent, ou en sont parfois même les vecteurs directs,  leur troisième copine, Em, qui flirte avec une fille, est bien loin de tout cela.

Molly Manning Walker décide donc de confiner ces problématiques du féminin et de la sexualité à l’hétérosexualité, donnant ainsi à voir la sexualité lesbienne comme n’obéissant pas aux mêmes règles malsaines. How To Have Sex est un premier film audacieux et fragile, à la belle carrière déjà toute tracée !

Photo du film « How to have sex » - Nikolopoulos Nikos

Photo du film « How to have sex » – Nikolopoulos Nikos