Avec « Louis 28 », Maxime Donzel et Géraldine de Margerie signent une drôlissime et très queer uchronie dans une France monarchique

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Louis 28 est une comédie (mais pas que) sur une France qui serait restée sous régime monarchique. Un feu d'artifice d'humour camp, une satire très politique, écrite et réalisée par un duo d'auteur·es qu'on suit et qu'on aime : Maxime Donzel et Géraldine de Margerie. Interview.

Axel Wursten, Nils Othenin Girard et Clara Choi dans « Louis 28 », de Maxime Donzel et Géraldine de Margerie
Axel Wursten, Nils Othenin Girard et Clara Choi dans « Louis 28 », de Maxime Donzel et Géraldine de Margerie - Florent DRILLON / Agat-FTV

Vous aimez les intrigues de palais, les perruques poudrées et l’humour ? Louis 28, la nouvelle série écrite et réalisée par le duo Maxime Donzel et Géraldine de Margerie va vous plaire ! On y suit Cédric (Nils Othenin Girard), un roturier devenu roi de France dans un pays qui a toujours été une monarchie. Une uchronie donc mais qui réserve bien des surprises car le royaume de France, après une période relativement progressiste, est tenté à nouveau par l’obscurantisme, incarné par le cardinal de Saint-Avit (interprété par le formidable Gilles Gaston-Dreyfus). Toute ressemblance avec la période actuelle…

Cela fait près de 15 ans que Maxime et Géraldine collaborent ensemble et on leur doit notamment d’hilarants vrais faux tutos sur Arte. Ils ont également créé la série Toutouyoutou, diffusée sur OCS depuis septembre 2022. Louis 28 offre une galerie de portraits savoureux (la mère du roi, La Vipère et La Pompa, etc.) et multiplie les saillies contre un système oppressif et réactionnaire (toute ressemblance…). C’est leur projet le plus ambitieux à ce jour. Pour Komitid, Maxime Donzel et Géraldine de Margerie expliquent comment leur est venue l’idée de cette série et leur façon de travailler ensemble.

Komitid : Comment vous est venue l’idée d’écrire et de réaliser cette uchronie ?

Maxime Donzel et Géraldine de Margerie : On a participé à un concours de scénarios sur le thème de l’uchronie, et l’idée d’une France toujours monarchique nous inspirait, mais surtout une monarchie absolue de droit divin, plus qu’un système à l’anglaise. La satire politique nous attirait : les privilèges sont toujours en place aujourd’hui, l’égalité des chances toujours pas acquise. De plus, l’idée que le pouvoir façon Louis XIV soit totalement entre les mains d’un ado qui n’y connaît rien, et que ça mette sa mère dans l’embarras nous faisait rire. Que se passe-t-il quand un enfant roi qui n’a aucune conscience politique atterrit sur le Trône de France ? On a proposé le projet à France TV Slash à l’occasion d’un appel d’offre, et ils ont été emballés par l’idée.

 

« La satire politique nous attirait : les privilèges sont toujours en place aujourd’hui, l’égalité des chances toujours pas acquise. »

Quel type de recherches avez-vous entrepris pour nourrir les dix épisodes de faits « inspirés » par l’histoire monarchique de la France ?

On a trouvé beaucoup d’idées dans des livres d’histoire : le déniaisage, le toucher des écrouelles, la régence, le couronnement, tout est assez inspiré de faits réels, qui paraissent absurdes aujourd’hui ! Mais comme notre histoire se passe dans un univers parallèle, on n’avait pas besoin de coller à une véracité historique, le but était plutôt de mélanger l’historique et le contemporain, pour trouver des choses qui nous font rire et qui nous permettent de raconter des choses intéressantes. Et de s’amuser avec notre concept, comme imaginer qu’on puisse organiser un mariage arrangé entre un Roi et un homme.

Lorsque vous travaillez à l’écriture d’un projet, avez-vous une répartition des rôles ?

Il y a une phase de “construction” pour laquelle on a travaillé avec Camille Rosset (Irresponsable et Platonique) puis Niels Rahou (qui a reçu un Out d’or pour son excellent travail sur Skam). C’est la phase où on se prend la tête dans une cave (on a souvent travaillé dans la salle d’enregistrement en sous-sol qui nous servait pour notre pastille Arte « Tutotal »). Ensuite avec Géraldine on se répartit les épisodes à dialoguer, et il y a une phase de lissage pour que les personnages soient cohérents dans leur ton, qu’on trouve la “petite musique” de notre récit. On travaille ensemble depuis si longtemps (grâce à Yagg !) qu’on ne se souvient plus de qui a écrit quoi. D’ailleurs on a découvert en réalisant que l’écriture continue pendant le tournage, le montage et même le mixage !

 Brice Michelini (La Vipère) et Marie-France Alvarez (La Pompa) dans « Louis 28 » sur France TV Slash

Brice Michelini (La Vipère) et Marie-France Alvarez (La Pompa) dans « Louis 28 » sur France TV Slash – Florent DRILLON / Agat-FTV

« Louis 28 » pratique-t-il positivement l’humour woke ?

C’est sûr qu’on n’est pas fan de l’humour réactionnaire ! Et même si c’est toujours complexe de savoir comment une blague va être perçue, le but est d’éviter de cibler des groupes minoritaires pour une pauvre vanne, tout en continuant à être grinçants aux endroits qui nous semblent légitimes.

La série aborde aussi de nombreuses thématiques sociales. Qu’est-ce que vous aviez envie de dire sur notre époque ?

On a placé notre histoire après une période de progrès social, mais où les institutions se raidissent et repartent en arrière. J’ai l’impression que c’est ce qu’on vit un peu en ce moment. Quand on a écrit que le régent obscurantiste veut “se faire plaisir” en interdisant l’avortement “pour commencer”, on ne savait pas encore que la Cour Suprême américaine allait faire exactement la même chose quelques mois plus tard ! D’une manière générale on a voulu tendre un miroir déformant à notre réalité, où les privilèges n’existent plus… officiellement.

« C’est surtout à travers un humour “camp” qu’on a cherché cet aspect queer, en prenant avec légèreté certaines choses graves, et avec un sérieux absolu certaines futilités »

« Louis 28 » regorge aussi de références à la culture LGBT. Diriez-vous que c’est une série queer ?

Je pense qu’on ne peut pas s’empêcher, à travers nos identités et nos parcours, de proposer un regard queer… Est-ce que quelqu’un a déjà déposé le terme “gay gaze” ? On a bien sûr plusieurs personnages gays, mais c’est surtout à travers un humour “camp” qu’on a cherché cet aspect queer, en prenant avec légèreté certaines choses graves, et avec un sérieux absolu certaines futilités… Une monarchie dégénérée, c’était le terreau idéal.

Le courant monarchique, ultra minoritaire, existe cependant toujours en France. Craignez-vous la réaction de ce milieu ?

Le hasard fait qu’on sort en même temps que le film monarchiste du Puy du Fou… Cette série c’est à la fois leur plus grand rêve et leur pire cauchemar, mais honnêtement on s’en fout complètement de ce qu’ils en pensent, le but était plutôt de railler un pouvoir qui passe des lois en force, façon 49/3… et ça c’est pas vraiment une uchronie.

Vous avez déjà écrit/réalisé bon nombre de projets en commun. « Louis 28 » est-il le plus ambitieux ?

Oui ! Surtout avec un budget limité ! On s’est vraiment donné à fond pour faire quelque chose d’original et inédit, on a même une chaîne YouTube où la Vipère et La Pompa donnent des conseils aux roturiers en vidéo. On a très envie de continuer mais si la série en reste là, on sait qu’on a été jusqu’au bout de notre idée, et on est vraiment fiers du résultat.

 

« Louis 28 », de Maxime Donzel et Géraldine de Margerie, série en 10 épisodes, sur France.TV Slash, à partir du 27 janvier à 18 heures.