« La ballroom a beau être un mouvement américain, la France a su trouver son identité »

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Après Paris et Nice, le journaliste et photographe Xavier Héraud expose en novembre ses clichés de la ballroom à Bordeaux. Un travail de longue haleine commencé en 2014 sur une scène en perpétuelle évolution. Interview.

« Mother Rheeda Ladurée, Hit Machine Ball, 2019 » - Xavier Héraud
« Mother Rheeda Ladurée, Hit Machine Ball, 2019 » - Xavier Héraud

Après Paris et Nice, le journaliste et photographe Xavier Héraud expose en novembre ses clichés de la ballroom à Bordeaux. Un travail de longue haleine commencé en 2014 sur une scène en perpétuelle évolution. Interview.

Komitid : Tu as déjà exposé à Paris et Nice. Comment as-tu conçu la présentation de cette exposition à Bordeaux ?

Xavier Héraud : A vrai dire elle est encore en cours de conception. La présentation des photos, ou ce qu’on appelle la scénographie, dépend de la configuration du lieu et de l’espace disponible pour l’exposition. Je commence à avoir une petite idée de la manière dont les photos seront agencées, mais l’essentiel se décidera au moment de l’accrochage à l’Espace 29, quelques jours avant le vernissage du 4 novembre. C’est à ce moment là que je pourrais voir ce qui fonctionne ou pas. Bien sûr, les expos à Paris et Nice m’ont déjà fourni une bonne expérience, donc je ne pars pas de zéro.
C’est hyper important parce qu’une expo, ce n’est pas juste une juxtaposition de photos. L’idée est de créer quelque chose de supplémentaire, un peu de vie, de faire en sorte que les photos se répondent, ou se complètent. Je suis en tout cas hyper heureux de présenter mon travail à Bordeaux. C’est la ville où j’ai fait mes études et où j’ai découvert la vie LGBT. Donc c’est en quelque sorte un retour aux sources. J’en profite pour glisser que la Bibliothèque Centrale de Tours accueillera également « Welcome to the ball » en janvier prochain.

« La ballroom a beau être un mouvement américain, la France a su trouver son identité »

Depuis 2014, et le début de ton travail photographique sur la scène ballroom, comment vois-tu son évolution ?

Je suis aujourd’hui un peu moins impliqué dans la scène que j’ai pu l’être à une époque, donc je n’ai peut-être pas le point de vue le plus précis sur le sujet. Ce que j’observe néanmoins – et ça n’est pas une grande révélation, c’est que la scène a explosé depuis quelques années. Les balls attirent souvent plusieurs centaines de personnes, les voguers et vogueuses sont régulièrement présent.e.s dans des films, des clips, sur scène… et même à l’Elysée. Paris est devenue le deuxième pôle de la ballroom scene dans le monde après les Etats-Unis, et la scène française a, je crois, permis d’importer le mouvement en Europe. Aujourd’hui, des balls s’organisent aussi de temps en temps dans les autres villes françaises. Donc la dynamique se poursuit.

Ce qui est intéressant, c’est aussi que la ballroom a beau être un mouvement américain, la France a su trouver son identité. Ce qui est normal vu que le vécu et l’Histoire des personnes racisées françaises n’est pas forcément le même que celui des américaines. Et lors des balls, les performeuses françaises et français peuvent sans problème rivaliser avec les américain.e.s, comme l’a prouvé le superbe parcours de la House of Revlon dans la saison 3 de « Legendary ».

Enfin, les Mothers qui ont construit la scène au début des années 2010 passent progressivement la main et tout se passe bien, parce qu’il y a sans cesse de nouvelles générations qui arrivent et que la transmission a été faite comme il faut. Construire un mouvement, c’est une chose, le faire durer, c’est une autre paire de manches. Je crois que c’est un signe de l’importance de la ballroom scene et de l’intelligence avec laquelle elle a été construite.

Si tu pouvais retenir un ball mémorable ces dernières années et nous dire pourquoi ?

C’est un peu comme demander à quelqu’un sa chanson préférée… Je vais en choisir un qui a une résonance particulière pour moi. C’est le Olympics Ball, qui a eu lieu à Villejuif en 2019, parce que c’est le premier où j’ai walk (défilé). C’est un peu une évidence quand on y réfléchit, mais je me suis rendu compte qu’on ne peut pas comprendre totalement la ballroom si on n’a pas walk au moins une fois.
Sinon, c’est très dur d’isoler un événement parmi d’autres. Il y a des balls où il se passe moins de choses qu’à d’autres, mais je trouve que la magie opère quasiment à chaque fois. A la réflexion, j’en vois deux qui me semblent avoir marqué le changement d’échelle de la ballroom scene en France par leur ampleur et leur succès : le premier ball à la Gaîté Lyrique, le « Celebration of Life ball », organisé fin 2016 par la House of Ninja et le premier « United States of Africa Ball » à Villejuif en 2017, organisé par les Fathers Charly Ebony et Vinii Revlon.

« Welcome to the ball », photos de Xavier Héraud, du 4 au 19 novembre, à l’Espace 29, 29 rue Fernand Marin, à Bordeaux. Vernissage le 4 novembre à 18 heures.