Procès de Jean-Marc Morandini : un an de prison avec sursis requis contre l'animateur pour "corruption de mineur aggravée"

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Après une audience de près de 8 heures lundi 24 octobre pour des accusations de "corruption de mineur aggravée", le tribunal correctionnel de Paris requiert un an d'emprisonnement avec sursis contre Jean-Marc Morandini, présentateur star de CNEWS.

Jean-Marc Morandini - Capture d'écran CNEWS

Mise à jour, le 5 décembre : L’animateur télé Jean-Marc Morandini a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à un an de prison assorti d’une période de sursis probatoire de deux ans pour « corruption de mineurs » sur trois adolescents entre 2009 à 2016, lors d’échanges électroniques et d’un casting à son domicile.

Loin des lumières habituelles d’un plateau télé, Jean-Marc Morandini s’est présenté devant le juge du tribunal correctionnel lundi 24 octobre, dans le cadre d’affaires de détournements de mineurs. Trois jeunes garçons, tous mineurs, visent l’animateur de CNEWS dans des plaintes dont les faits remontent à quelques années déjà.

À peine l’audience commencée, et selon le fil Twitter de David Perrotin, journaliste à Médiapart, que nous avons consulté, les avocates de l’accusé font la demande d’un procès en huis-clos, craignant un “déferlement médiatique”. Une requête aussitôt rejetée. Cela étant établi, il est l’heure d’aborder la première affaire. Dans celle-ci, le plaignant, un jeune garçon d’à peine 15 ans au moment des faits, détaille le genre d’échanges qu’il entretenait avec l’animateur qu’il avait contacté sur Twitter.

D’une conversation tout à fait banale, Léo (les prénoms des plaignants ont été modifiés dans les compte-rendus dans la presse) voit le sujet de sa passion pour les médias dévier de plus en plus. L’animateur va selon l’accusation jusqu’à lui faire des propositions plus ou moins explicites de plans à trois et de scénarios sexuels, le tout ponctué de messages tels que « Est-ce que tu bandes ? », « MDR tu es si coquin derrière ton air sage » ou encore « Est-ce que tu veux la toucher aussi ? ».

Des messages qui laissent peu de place à l’interprétation donc, mais que l’accusé souhaite tout de même remettre dans leur contexte : « Il y a un lien qui s’est créé entre nous. Est-ce qu’il y a séduction ? La réponse est oui ». Ce dernier persiste et maintient qu’il ne connaissait pas l’âge du plaignant au moment de ces messages, et n’était donc pas au courant de sa minorité. La présidente de l’audience, visiblement dubitative face à cette déclaration, lui demande s’il n’avait pas vu dans certains messages des indices, notamment lorsque Léo l’informe durant leurs échanges que sa mère lui fait réciter ses leçons d’histoire pour l’école. À cela, Jean-Marc Morandini répond avec assurance, toujours selon le fil de David Perrotin : « Mes parents m’ont fait réciter mes leçons jusqu’à mes 20 ans ».

“J’avais un sentiment de fascination”

Par la suite, c’est à l’un des deux plaignants venus sur place, appelons-le Lucas, de témoigner. Ses échanges avec l’animateur ont commencé à ses 15 ans, en mai 2015, alors qu’il le contacte sur Twitter dans l’espoir d’obtenir un stage dans un des médias où officie Jean-Marc Morandini (à l’époque, celui-ci travaille à Europe 1 et est un des présentateur star de NRJ12, notamment aux commandes de Face à France et Crimes).

Si l’animateur refuse rapidement sa demande, il soumet d’après le témoignage du jeune homme une autre proposition à ce collégien passionné par le monde des médias : venir assister à l’une de ses émissions de radio et lui faire visiter les locaux de l’établissement. “J’avais un sentiment de fascination”, aurait expliqué le jeune homme à la barre.

Ces échanges finissent par devenir quotidiens, et Lucas se livre davantage. Il explique au présentateur qu’il pratique le foot en club, ce qui marque un tournant sans précédent dans la teneur des messages de son interlocuteur. En effet, dès lors, l’animateur se serait montré ambigu, usant de messages à caractère sexuel évident : “Il m’a demandé si la nudité me dérangeait, si je regardais les autres qui prenaient leur douche. J’ai trouvé ça étrange, mais j’ai répondu. Il m’a aussi posé des questions sur mon orientation sexuelle. J’ai répondu que j’aimais les filles », déclare Lucas lors de l’audience telle que rapportée dans le compte-rendu du procès par L’Obs. Par la suite, les messages de Jean-Marc Morandini auraient prennent la forme de demandes de plus en plus insistantes, quémandant à maintes reprises des photos de nus pour le tournage d’une prétendue série dans laquelle Jean-Marc Morandini souhaiterait faire jouer Lucas.

Lucas, de son côté, n’hésite pas à exprimer des réticences légitimes (« Ça devient très très bizarre comme conversation. », « En fait, je suis mineur. Donc, je ne veux pas de problème. ») auxquelles Jean-Marc Morandini aurait répondu simplement : « Bah, on arrête alors, mais j’attends ma photo. ». En tout et pour tout, en l’espace de 50 jours de discussion, l’animateur âgé aujourd’hui de 57 ans aurait demandé 41 fois à l’adolescent de lui envoyer des photos de son sexe, information que la juge n’a pas manqué de verbaliser durant l’audience. Jean-Marc Morandini se défend et invoque « une blague, un défi »  : « On était dans l’humour », aurait-il affirmé sous le regard apparemment médusé de la présidente.

Lucas finit par expliquer avoir tenté de “gagner du temps” avant de finir par “craquer” en envoyant une photo d’un pénis qu’il avait trouvé sur Internet. « Je me suis senti con de craquer aussi facilement. A 15 ans, on est juste insouciant. […] Ce n’était pas de l’humour. Je voulais travailler dans les médias. C’était la seule porte, le seul contact possible et je n’ai pas voulu la refermer. ».

Ça n’a pas pu se passer comme ça “

Si ces deux témoignages se ressemblent à bien des égards, et restent confinés aux écrans de téléphones de chacun des plaignants, le cas d’Augustin, le troisième plaignant, prend une tournure différente. Déjà parce qu’il ne témoigne d’aucune forme d’admiration pour l’homme qu’est Jean-Marc Morandini ou pour le milieu de la télé, mais aussi parce que cette fois-ci c’est le présentateur qui serait venu à lui et non l’inverse. Augustin a 16 ans lorsqu’il reçoit un message d’une certaine Claire sur le site de casting où il est inscrit. Claire est en réalité un pseudonyme appartenant à Jean-Marc Morandini, qui rechercherait activement de jeunes acteurs pour un film parlant “du mal être des adolescents”.

En réalité, ce que propose l’animateur de CNEWS s’avère être un remake français du film Ken Park de Larry Clark sortit en 2002, connu pour ses scènes de nu sans censure de jeunes gens. Pourtant, Jean-Marc Morandini n’aurait jamais amorcé aucune démarche pour en acquérir les droits d’adaptation et n’aurait apparement pas dénié en parler à quiconque de son entourage à l’époque.

Lors du casting, Jean-Marc Morandini aurait demandé à Augustin de se dévêtir progressivement pour prendre des photos de lui, tout en le rabaissant à coup de remarques sur son physique. C’est quand le présentateur lui aurait demandé de commencer à se masturber qu’Augustin décide de partir. Un récit contesté par l’accusé, qui précise ne pas se souvenir d’Augustin parmi la quinzaine de garçons qu’il prétend avoir auditionné. «  Ça n’a pas pu se passer comme ça », ajoute-t-il au tribunal. Ce à quoi Augustin, qui a connu des épisodes d’anorexies pendant trois ans après ce rendez-vous, répond : « Je suis navré qu’il ne s’en souvienne pas. Les remarques sur mon corps m’ont traumatisé. J’ai dû apprendre à passer outre. Je suis désolé qu’il y a des gens qui sont amnésiques. »

Une défense jugée fragile

Face à ces témoignages glaçants et ces messages éloquents, la défense de l’accusé s’est lancée dans une suite d’arguments qui peuvent parfois laisser à désirer. Pour l’une des avocates de Jean-Marc Morandini, Céline Lasek, le fait de demander une photo nue d’un jeune garçon de 15 ans ne constituerait pas un acte de corruption de mineurs (qu’elle tient à nuancer comme étant un acte qui “implique de le pervertir”). “C’est pour satisfaire un plaisir personnel, c’est moralement contestable, mais ce n’est pas de la corruption”.

Corinne Dreyfus-Schmidt, son autre avocate, elle, explique que son client est victime d’un lynchage médiatique : « Aujourd’hui, la presse noble dénie le statut de journaliste à Morandini. Il est jalousé car il a un succès indéniable. Il y a même eu un mois de grève contre son arrivée à ITélé », dit-elle en faisant référence à la grève générale des employés d’Itélé en 2016, en réponse, entre autres, à l’arrivée imminente de Jean-Marc Morandini à l’antenne alors qu’il était déjà mis en examen pour ces même affaires.

Corinne Dreyfus-Schmidt poursuit : « Le retentissement psychologique c’est quelque chose d’important. Ce n’est pas pareil d’être victime d’un viol ou d’être victime d’échanges de messages. Tout le monde est traumatisé, tout le monde est sous emprise aujourd’hui. Non il faut relativiser ! », déclare t-elle, dans une tentative à peine dissimulée de minimiser les maux des supposées victimes.

« Mon intention n’était pas de les blesser. Je n’ai pas d’attrait particulier pour les mineurs. J’ai toujours reçu dans mes émissions des mineurs, majeurs, sans aucun souci. J’ai reçu des dizaines de stagiaires de 3e sans qu’il y ait de problèmes », auraitconclu Jean-Marc Morandini, arguant parfois, si l’on en croit les compte-rendus dans la presse, d’un sens de l’humour douteux et faisant preuve d’oublis hasardeux.

Le procureur général a requis une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis couplée d’une obligation de soins et d’indemnisation des victimes. Jean-Marc Morandini, lui, retrouvera bientôt le parquet du tribunal puisqu’il sera de nouveau jugé au printemps 2023 pour une affaire « d’harcèlement sexuel » sur un comédien majeur, dans le cadre d’une mini-série érotique.

Le jugement a été mis en délibéré au 5 décembre.