Mandat préservé de justesse pour le défenseur des droits LGBTQI+ à l'ONU

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Le défenseur des droits des minorités LGBTQI+ auprès des Nations Unies a obtenu de justesse le renouvellement de son mandat et a dû affronter l'hostilité de l'Organisation de la coopération islamique qui défend les intérêts des pays musulmans à l'ONU.

Le Conseil des droits humains siège à Genève
Le Conseil des droits humains siège à Genève - Giorgio Caracciolo / Shutterstock

Le défenseur des droits des minorités LGBTQI+ auprès des Nations Unies a obtenu de justesse le renouvellement de son mandat, malgré la lutte acharnée d’un groupe de pays musulmans, vent debout dans toutes les arènes onusiennes.

Sa mission, créée en 2016, a été renouvelée pour trois ans supplémentaires par le Conseil des droits l’Homme la semaine dernière à Genève, “un résultat important”, se félicite auprès de l’AFP Victor Madrigal-Borloz, qui occupe le poste depuis 2017.

“La communauté internationale continue de comprendre l’ampleur des violences et de la discrimination envers les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles, trans ou de genre divers”, a-t-il salué, alors que le poste connaît des vicissitudes “depuis sa création”.

La protection des droits des minorités sexuelles et de genre fait régulièrement débat, en raison de l’opposition féroce de certains pays.

La question a agité la dernière journée de l’Assemblée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), où un débat autour de la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles avait contraint les Etats membres à un vote, dans une institution qui prend normalement ses décisions par consensus.

Un groupe de pays africains et du Golfe, menés par l’Arabie Saoudite, le Nigeria et l’Egypte refusaient notamment l’utilisation des termes “orientation sexuelle”, “transgenre” et “hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.”

Jusqu’en 1990, l’homosexualité figurait sur la liste des maladies mentales de l’OMS, une référence médicale mondiale.

“Valeurs spécifiques”

Malgré une campagne impliquant “plus de 1.100 organisations” LGBT de 174 pays et “le soutien politique” de dizaines d’Etats, selon le défenseur des droits, le renouvellement a dû affronter l’hostilité de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui défend les intérêts des pays musulmans à l’ONU.

“Nous ne pouvons soutenir des efforts visant à inventer de nouveaux droits sur la base de préférences sexuelles personnelles”, a défendu au Conseil des droits humains l’ambassadeur pakistanais Khalil Hashmi, au nom de 57 Etats, tous les membres de l’OCI, sauf l’Albanie.

Ces pays remettent en cause l’existence des concepts d’orientation sexuelle et d’identité de genre, perçus comme contraires à leurs valeurs traditionnelles et un obstacle à l’universalité des droits humains.

Réponse lapidaire de l’ambassadeur français Jérôme Bonnafont : “Trop de pays s’abritent derrière le prétexte de valeurs spécifiques pour conserver des législations discriminatoires.”

M. Madrigal-Borloz fustige lui “un positionnement politique très regrettable” qui nie l’existence de discriminations dans tous les pays – y compris ceux de l’OCI.

“Le discours de ces Etats (…) constitue un rejet de leurs obligations fondamentales en matière de droits humains internationaux : la protection des peuples sous leur autorité, et de leurs propres ressortissants, contre les violations de droits humains”, dit-il.

Par 23 voix contre 17 – le Malawi, l’Erythrée et la Chine se joignant à 14 pays musulmans – le Conseil a finalement acté le renouvellement, après avoir écarté plusieurs amendements visant à restreindre sa portée, parfois avec une seule voix d’écart.

“Environnement volatile”

La Ministre des Affaires étrangères norvégienne Anniken Huitfeld a salué sur Twitter “la décision du Conseil des droits de l’Homme de renouveler (cet) important mandat”, alors que son pays se remet de la fusillade qui a fait deux morts et 21 blessés près d’un bar gay d’Oslo le 25 juin.

L’ambassadrice américaine Michèle Taylor, dont les deux enfants s’identifient comme personnes LGBTQI+, a de son côté exprimé jeudi dernier son soulagement : “Je m’inquiète tous les jours pour leur sécurité. Mais je dors mieux la nuit en sachant qu’il y a un mandat en place dédié à les protéger de la violence.”

M. Madrigal-Borloz estime que l’environnement dans lequel il travaille reste “volatile”.

“Chaque jour, il y a une évolution politique qui ouvre une possibilité et en ferme d’autres. Mon travail, c’est d’avoir un aperçu de ces possibilités et de veiller à utiliser les ouvertures qui existent”, dit-il.

Il continuera à enchaîner publication de rapports et les visites officielles jusqu’à fin 2023, lorsqu’il aura atteint la limite de six ans prévue pour le poste.