Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, les artistes de la glace

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Pour leur performance à Pékin, Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, sacrés champions olympiques de danse sur glace, se sont inspirés du waacking, né dans les clubs gays de Los Angeles dans les années 1970.

Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, à Minsk, en 2019 - Andrew Makedonski / Shutterstock

« Un patinage qui respire » : Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, sacrés champions olympiques de danse sur glace à Pékin lundi, sont animés par une ambition artistique affirmée et l’envie d’innover année après année depuis leur ascension éclair.

« Gabriella et Guillaume sont des icônes de la glace. Tout le monde les observe et apprend d’eux » : ces félicitations, prononcées en 2019, viennent du Russe Nikita Katsalapov, médaillé d’argent olympique associé à Victoria Sinitsina lundi.

« Ils ont fait prendre un tournant » à la danse sur glace, « apporté une grosse évolution artistique », explique à l’AFP Romain Haguenauer, l’entraîneur des quadruples champions du monde (2015, 2016, 2018 et 2019) et quintuples champions d’Europe (2015-2019) depuis dix ans.

« C’est un des premiers couples qui a réussi à intégrer l’ensemble des éléments techniques dans un concept artistique, en étant capable de faire passer une émotion, que les gens regardent un programme de A à Z, poursuit-il. Un patinage qui respire. »

« Ils ont une qualité de glisse exceptionnelle et une interprétation très forte, très contemporaine, qu’on n’avait jamais vraiment vue. On a l’impression qu’ils flottent sur la glace », décrivait un autre de leurs entraîneurs, Patrice Lauzon, à Radio Canada il y a quelques années.

« On veut innover, faire ce que personne n’a jamais fait et emmener le patinage dans une direction nouvelle », ambitionnait Papadakis dès 2016, alors fraîchement double championne du monde.

« Jamais fait »

Dès la saison suivante, les deux danseurs optaient pour une musique contemporaine – des silences ou presque, un piano fou – qui avait décoiffé les plus conservateurs. « C’est pratiquement “ impatinable ” ! », se souvient d’avoir dit à sa fille Catherine Papadakis, qui a associé les deux patineurs quand ils avaient une dizaine d’années, sur la glace de Clermont-Ferrand.

« Gabriella et Guillaume voulaient dépoussiérer un peu plus encore le monde du patinage mondial, retrace Haguenauer. Ils sont très au courant de ce qui se passe dans le monde artistique, ils ont une sensibilité très moderne. »

Cette saison encore, même olympique, Papadakis et Cizeron se sont attachés à défricher un territoire encore inexploré avec leur danse rythmique « hyper novatrice » dixit Haguenauer. Une création inspirée du waacking, né dans les clubs gays de Los Angeles dans les années 1970.

« Notre programme avec le plus de recherche créative et qui fait du sens pour nous », souligne Cizeron, l’un des rares sportifs en activité à avoir évoqué publiquement son homosexualité.

« Je trouve ça intéressant d’utiliser un style de danse qui n’est pas très connu, et qui n’a jamais été fait sur la glace. Ce n’est pas comme faire quelque chose qu’on a vu 300 millions de fois. Ça apporte quelque chose », estime-t-il auprès de l’AFP. « On a fait le choix de l’ambition », abonde l’entraîneur.

C’est dès quatre ans que Gabriella, qui joue aussi du violon, chausse des patins. « Ce n’était pas du tout une casse-cou, se remémore sa mère. Elle mettait très longtemps pour traverser la patinoire. »

Or libérateur

Guillaume s’essaie d’abord au judo puis au trampoline avant de fondre pour la glace. « C’était l’inverse : il était à fond, il tombait beaucoup et prenait énormément de risques », poursuit-elle.

Entre Gabriella, l’aînée de sa fratrie, au rire facile et sonore, et Guillaume, le petit dernier, plus réservé, le courant passe.

« Ils étaient très complémentaires : lui très souple, ça donne ce patinage très ample, très détendu, et “ Gaby ” plutôt très tonique et très droite” », compare Catherine Papadakis.

Pour Papadakis et Cizeron, partis à Montréal à l’été 2014 après un passage à Lyon, pour y suivre Haguenauer et y rejoindre l’école montée par Lauzon et Marie-France Dubreuil, l’histoire est ensuite celle de deux olympiades en miroir.

La première, avec un envol fulgurant dès l’hiver suivant, leur deuxième seulement en seniors, mais qui finit par s’effilocher au mauvais moment, entre la cohabitation délicate avec les Canadiens Tessa Virtue et Scott Moir à l’entraînement – en or aux JO-2018 devant eux – et la mésaventure de la robe qui se détache à Pyeongchang.

La deuxième, délicate à partir de 2020, entre surmenage pour elle, première et seule défaite depuis les JO-2018 (aux Championnats d’Europe en janvier 2020), pandémie de Covid-19 et sevrage de compétitions, mais finalement illuminée par de l’or olympique libérateur.

Y en aura-t-il une troisième ?

« Je suis prête à ce que ce soit peut-être ma dernière saison », contrairement à il y a quatre ans, envisageait Papadakis auprès de l’AFP en début de saison.

« Si ça fait du sens pour nous de continuer, on continuera, prolongeait Cizeron. Si ça n’en fait pas… »