Décès de Desmond Tutu : pluie d'hommages pour l'icône de la lutte anti-apartheid

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La Fondation Mandela a qualifié d'« incommensurable » la perte de Desmond Tutu, pour lequel une semaine de deuil est observée, depuis lundi 27 décembre jusqu'aux obsèques samedi 1er janvier au Cap.

L'archevêque Desmond Tutu pour son anniversaire, à 75 ans, qui s'est tenu au Regent Beverly Wilshire Hotel à Beverly Hills, aux États-Unis, le 18 septembre 2006 - Shutterstock

« C’était un être humain extraordinaire. Un penseur. Un leader. Un berger » : à l’unisson des réactions venues du monde entier, la Fondation Mandela a qualifié d’« incommensurable » la perte de Desmond Tutu, pour lequel une semaine de deuil est observée, depuis lundi 27 décembre jusqu’aux obsèques samedi 1er janvier au Cap.

Dimanche soir, Joe et Jill Biden, disant avoir le « cœur brisé », ont estimé dans un communiqué que « l’exemple » de l’archevêque anglican décédé dimanche à 90 ans « transcende les frontières et trouvera un écho à travers les âges ». Le couple présidentiel américain a aussi évoqué le « pouvoir du message de justice, d’égalité, de vérité et de réconciliation » porté par Desmond Tutu.

Plus tôt, le président sud-africain Cyril Ramaphosa avait exprimé « sa profonde tristesse » après le décès de ce « patriote sans égal ». Sa mort « est un nouveau chapitre de deuil dans l’adieu de notre nation à une génération de Sud-Africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée », a-t-il dit, évoquant « un homme d’une intelligence extraordinaire, intègre et invincible contre les forces de l’apartheid ».

L’ONU aussi a rendu hommage à Desmond Tutu, « une source d’inspiration pour des générations dans le monde entier” et dont le décès “laisse un vide immense », selon les mots de son secrétaire général, Antonio Guterres.

Obsèques samedi 1er janvier

D’innombrables pays du monde entier se sont associés à cette émotion par des messages au plus haut niveau, comme la reine Elizabeth II saluant le défenseur « inlassable » des droits humains ou le président français Emmanuel Macron assurant que le « combat » de Desmond Tutu « pour la fin de l’apartheid et la réconciliation sud-africaine restera dans nos mémoires ».

Hommages également d’autorités religieuses, du pape François au chef spirituel des anglicans et archevêque de Canterbury, Justin Welby, en passant par le dalaï lama.

Hommages, enfin, de la part de Sud-Africains s’arrêtant devant la cathédrale Saint-Georges, au Cap, l’ancienne paroisse de « The Arch », comme il était affectueusement surnommé. « Il a tellement compté dans la lutte contre l’apartheid. Pour nous, les noirs… », confie ainsi à l’AFP Brent Goliath, 44 ans, avant d’éclater en sanglots.

Dimanche soir, la fondation de Mgr Tutu a annoncé que ses funérailles se tiendraient samedi 1er janvier dans cette cathédrale.

Parmi les dispositions annoncées, la fondation indique que « les cloches de la cathédrale Saint-Georges seront sonnées chaque jour pendant dix minutes, à partir de midi », toute la semaine de lundi à vendredi, jour où le le corps du défunt « reposera en chapelle ardente dans la cathédrale ».

Desmond Tutu était la dernière des grandes figures de la lutte contre l’apartheid, la conscience de l’Afrique du Sud mais aussi un rire espiègle et puissant.

Jusqu’à récemment, le prix Nobel de la paix a imposé sa petite silhouette violette et son franc-parler légendaire pour dénoncer les injustices et écorner tous les pouvoirs.

« Nation arc-en-ciel »

Après l’avènement de la démocratie en 1994 et l’élection de son ami Nelson Mandela, Desmond Tutu avait inventé le terme de « Nation arc-en-ciel ». Il a présidé la Commission vérité et réconciliation (TRC) dont il espérait, grâce à la confrontation des bourreaux et des victimes, qu’elle permettrait de tourner la page de la haine raciale.

« The Arch » était affaibli depuis plusieurs mois. Souffrant depuis longtemps d’un cancer de la prostate, il est mort au Cap, sans doute de vieillesse, paisiblement dimanche matin, le 26 décembre, selon des proches interrogés par l’AFP.

Il ne s’exprimait plus en public mais saluait la presse présente à chacun de ses déplacements, d’un regard malicieux, d’un faible geste de la main, comme lors de sa vaccination contre le Covid ou, en octobre, à la cérémonie célébrant ses 90 ans.

Desmond Tutu s’était fait connaître aux pires heures du régime raciste de l’apartheid. Alors prêtre, il organise des marches pacifiques contre la ségrégation et plaide pour des sanctions internationales contre le régime blanc de Pretoria. Sa robe lui a épargné la prison.

Le combat non-violent de Tutu avait été couronné du prix Nobel de la paix en 1984.

Après l’apartheid, fidèle à ses engagements, il avait dénoncé les dérives de l’ANC au pouvoir, des errements dans la lutte contre le sida aux scandales de corruption. Il avait aussi fait de la lutte contre les LGBTphobies un engagement majeur, déclarant en juillet 2013 : « Je ne vénérerai pas un Dieu homophobe (…) Je refuserai d’aller dans un paradis homophobe. Non, je dirais désolé, je préfère de loin aller de l’autre côté. Je suis aussi impliqué dans cette campagne que je l’étais contre l’apartheid. Pour moi, c’est du même niveau ».

Contre sa hiérarchie, il a défendu les personnes LGBTI+ et le droit à l’avortement. A la fin de sa vie, malade, l’archevêque sud-africain Desmond Tutu a ouvert un nouveau front contre son église anglicane, tout aussi sensible, celui du droit au suicide assisté. Dans un éditorial publié en 2015 par le Washington Post à l’occasion de ses 85 ans, l’archevêque « prie » pour que les politiques aient « le courage » de soutenir « le choix des citoyens en phase terminale ». Car les mourants devraient pouvoir « choisir comment et quand ils quittent la terre », ajoute-t-il dans cet éditorial qui fait sensation dans le monde entier, propulsant la question au premier plan du débat public.

La dernière fois que le pays avait eu de ses nouvelles, c’était le 1er novembre. Loin des regards, il avait voté aux élections locales.

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