King's Queer : « L'avenir sera bâti par toutes les minorités que l’on néantise, que l’on réduit au silence depuis beaucoup trop longtemps »

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Sur Komitid, Laetitia Fistarol et Grib Borremans, le duo de King's Queer, parlent d'une seule voix pour une interview cash.

King's Queer (Laetitia Fistarol et Grib Borremans) en concert - DR

Pendant 13 ans, le duo de musique électro-post-punk King’s Queer, formé par Grib Borremans et Laetitia Fistarol, ont sillonné la France. Dans Amours & Révoltes (Les Éditions de la Trémie), les deux membres de ce groupe pas comme les autres racontent, à sa manière très particulière, ces années vécues à 1000 %.

Pour Komitid, Laetitia Fistarol et Grib Borremans parlent d’une seule voix pour une interview cash.

Komitid : Aujourd’hui, de nombreux artistes se disent queer. Vous étiez plutôt pionnier·ères. Que signifie ce nom à l’époque et aujourd’hui pour vous ? 

On n’avait jamais pensé à cette idée de pionnier·ères, le concept nous fait sourire mais quelque part tu n’as pas tort. On n’a jamais vraiment réfléchi, on a toujours fait les choses par instinct avec King’s Queer. Il est vrai que la scène artistique queer n’était pas très développée quand on a commencé, il y avait quand même quelques performeur.euses déjà en place mais dans la musique c’était plus confidentiel qu’aujourd’hui. 

Mais ce queer est indéniablement notre ADN. L’ADN de ces activistes, Sex workers, Trans, Féministes, Gouines, Pédés, Racisé.e.s, de toutes ces personnes en marge qui ont lutté et qui luttent encore pour exister.  Ce nom, ce terme, est fort chargé d’histoire, de mémoire et d’avenir. Que ce soit hier, aujourd’hui ou demain, le mot queer sera toujours pour nous synonyme de résistance !

C’est avec grande joie qu’aujourd’hui on découvre une nouvelle scène de grande qualité avec des artistes comme King Baxter, performeur.se bâtisseur.se de royaume de l’impossible, ou bien d’autres. Une communauté où les alliances deviennent une force, qui fourmille d’inventivité, où le il, le elle, le iel, le yul s’entremêlent ou les neuroatypiques, les non valides, sont bien présent·es. Sans oublier des personne comme Elisa VDK, caméra au poing, qui filme, séquence, monte avec talent tous ces instants éphémères. Archiver nos vies est plus que nécessaire. Laisser une trace pour mieux graver à tout jamais demain !

On pense aussi à cette nouvelle scène de jeunes artistes dans un schéma plus « commercial » qui se revendiquent queer, et même si ce n’est plus politique au sens d’activisme, on trouve cela super car la pop aussi fait avancer les choses. Elle parle au plus grand nombre et de voir qu’aujourd’hui des Pomme, Hoshi ou Eddy de Pretto remplissent des zéniths en assumant et criant haut et fort les couleurs LGBTQIA+, ça nous fait dire que le monde bouge et plutôt dans le bon sens.

 

« Ce fut un sacré boulot et aujourd’hui, nous sommes heureux.ses que ce bouquin existe ! »

Pourquoi avez-vous eu envie d’écrire une autobiographie et (petit secret de fabrication) comment vous vous êtes réparti le travail ?

Jamais, jamais on aurait pensé écrire cette autobiographie jusqu’à… ce que Fred des éditions de la Trémie nous contacte. Au début, on a dit non, ça nous semblait totalement incongru ; puis à force de persévérance de sa part on a craqué ! Il nous a eu à l’usure (rires).

Les premiers mots de ce livre ont été écrits le 14 février 2021 et les derniers le 1er mai. Comme le dit Laet dans la postface, au début c’est Grib qui a commencé la rédaction tandis qu’elle corrigeait et ajoutait sa touche. Puis elle s’est mise à écrire ses propres chapitres et enfin, lorsque nous étions tou.te.s les deux en manque d’inspiration, nous nous sommes collé·es ensemble devant le clavier pour finir le livre à quatre mains. En symbiose, à l’image de King’s Queer… Ce fut un sacré boulot et aujourd’hui, nous sommes heureux.ses que ce bouquin existe ! Une petite trace de plus que nous avons laissée.

Il y a dans ce livre des moments très drôles sur votre vie de tous les jours, qui n’est jamais banale et aussi vos voyages, vos rencontres. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant cette période de 13 années de travail et de vie en commun ?

Oui, notre vie ensemble aussi bien à la ville qu’à la scène était dingue, à mille à l’heure avec des histoires incroyables aussi bien dans le positif que dans le négatif. Rien n’a été fait à moitié. On a vraiment cramé les deux bouts mais au moins nous étions vivant.es à chaque instant. King‘s Queer est une force puissante. On a vécu 15 ans ensemble, dont 13 ans de King’s Queer. 

Qu’est ce qui nous a le plus marqué ? Difficile question ! Lisez le livre tout est dit. Non on plaisante ! Rétrospectivement on pourrait dire que ce qui nous liait, c’est cette énergie folle qui nous poussait à y croire toujours et encore, à réaliser nos rêves…

Comment définiriez-vous ce que vous appelez en intro une « putain d’histoire d’amour » et que vous allez développer au fil des pages ? 

Une histoire d’amour insensée, passionnelle, fusionnelle, entre nous mais aussi avec le public. C’était l’amour de la révolte et la révolte de l’amour. On a créé une véritable entité… un monstre à une tête qui bien malgré nous a fini par nous dévorer. Et tout le long dans ce livre l’amour est omniprésent car c’était le moteur de toute notre vie.

« Ceux et celles qui nous suivent sur les réseaux sociaux le savent, à l’heure actuelle King’s Queer est à l’arrêt, un stand by nécessaire, mais nul.le ne peut prédire le futur ! »

Comment voyez-vous le futur de King’s Queer ?

King’s Queer a sévi sur les routes pendant 13 ans en totale autonomie et indépendance. Et de cela nous en sommes plus que fièr.e.s ! C’était un beau parcours sur les chemins de traverse en réunissant des tribus différentes. Aujourd’hui King’s Queer est encore bien présent dans la tête de notre public et de par ce livre aussi. Il y a des tas d’enfants de King’s Queer, c’est émouvant, les différents témoignages que l’on nous fait. Ceux et celles qui nous suivent sur les réseaux sociaux le savent, à l’heure actuelle King’s Queer est à l’arrêt, un stand by nécessaire, mais nul.le ne peut prédire le futur !

Vous êtes un groupe très engagé. Je ne peux pas m’empêcher de vous demander ce que vous pensez : du climat politique actuel et de l’état des luttes LGBT ?

Le monde est dans un état déplorable et les discours d’extrême droite totalement décomplexés ! On ne parle même pas de l’anéantissement volontaire de la Culture, enfin d’une certaine culture : celle qui dérange, qui interroge et qui rassemble hors du sérail étatique. Sans compter les fermetures de frontières, les camps de réfugié.e.s, d’exilé.e.s que l’on piétine ! Nul.le n’est illégal.e nulle part ! No border forever ! L’humanité a engendré deux monstres : le capitalisme et le patriarcat. L’un ne va pas sans l’autre. On est en permanence dans l’indécence et plus que jamais il faut être présent.es pour faire front à l’unisson face aux horreurs auxquelles nous sommes confronté.es chaque jour. La seule façon de lutter : la solidarité ! S’oublier soi pour faire un tout, que chaque être humain puisse se réapproprier sa vie, sa dignité, sa parole, sa santé physique et/ou mentale, son droit de vivre et d’être ce qu’il, qu’elle est ! En parallèle, les choses bougent, les convictions et les acquis d’un vieux monde sont en train de se fissurer, de se lézarder, de s’écrouler… Et bientôt, du moins on l’espère, ce ne sera plus qu’un mauvais souvenir. La société sera plus ouverte grâce à cette nouvelle génération de plus en plus fluide sur les questions de genre entre autres. Tout est en train d’exploser et ça fait tellement du bien !

L’avenir sera bâti par toutes les minorités que l’on néantise, que l’on réduit au silence depuis beaucoup trop longtemps. Alors pour l’instant, « dansons sur les ruines du vieux monde »

Un dernier mot pour présenter ce livre à celles et ceux qui ne vous connaitraient pas ?

Amours et Révoltes est plus qu’un livre. C’est la bande son d’une histoire d’amour entre Laet et Grib et leur public. C’est le pouvoir de rendre l’impossible possible. C’est la rage de vivre, de créer, d’exister. C’est des fous rires et de la tendresse, c’est le récit d’une vie rocambolesque à mille à l’heure… Bref c’est nous avec toutes nos amours et nos révoltes !

« Amours & Révoltes », de King’s Queer, les éditions de la Trémie, 136 p., 16 euros.