Homophobie : le Sénat se prononce largement contre les pseudo « thérapies de conversion »

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Trois cent cinq sénateurs se sont prononcés en faveur de la proposition de loi, 28 contre, tous du groupe Les Républicains, dont leur chef de file Bruno Retailleau. À l'Assemblée, elle avait été adoptée à l'unanimité.

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Le Sénat français - Jo Bouroch / Shutterstock

Pratiques « barbares », « d’un autre âge », « indignes » : le Sénat à majorité de droite s’est prononcé très largement mardi en faveur de l’interdiction des pseudo « thérapies de conversion », pratiques visant à imposer l’hétérosexualité aux personnes LGBT+.

La Haute assemblée a adopté en première lecture, après l’Assemblée nationale, avec quelques modifications, une proposition de loi de la députée LREM Laurence Vanceunebrock, soutenue par le gouvernement, qui prévoit un délit spécifique contre les soi-disant « thérapeutes » ou religieux qui prétendent « guérir » les personnes LGBT+.

« Être soi n’est pas un crime. Non l’homosexualité et la transidentité ne sont pas des maladies que l’on pourrait soigner. Non, il n’y a rien à guérir », a martelé la ministre Elisabeth Moreno, dénonçant dans ces pratiques « des atteintes insupportables à l’intégrité humaine ».

Cependant, les associations de défense des droits des personnes intersexes regrettent que l’interdiction des mutilations des enfants intersexes ne sont pas incluses dans la loi.

Trois cent cinq sénateurs se sont prononcés en faveur de la proposition de loi, 28 contre, tous du groupe Les Républicains, dont leur chef de file Bruno Retailleau. À l’Assemblée, elle avait été adoptée à l’unanimité.

Députés et sénateurs vont maintenant tenter de s’accorder sur une version commune du texte en commission mixte paritaire. En cas d’échec, l’Assemblée nationale aurait le dernier mot.

Selon la proposition de loi, « les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre vraie ou supposée d’une personne, et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale, sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende ».

La sanction est portée à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes, notamment lorsque la victime est mineure, dépendante ou que l’auteur est un ascendant.

De tels actes peuvent déjà tomber sous le coup de la loi, via les violences volontaires, l’abus de faiblesse, l’exercice illégal de la médecine, le harcèlement ou la discrimination. Mais il s’agit, selon la ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de « mieux identifier ce délit, mieux protéger les victimes et favoriser la parole ».

« Nommer le délit, c’est poser une interdiction franche et c’est reconnaître le mal qui a été fait », a renchéri la rapporteur centriste Dominique Vérien.

« Combat d’arrière-garde »

Contre l’avis du gouvernement, les sénateur·rices ont précisé que ne doivent pas être incriminées les personnes tenant des propos répétés visant à inciter à la prudence avant d’engager un parcours médical de changement de sexe. Pour la rapporteure, il s’agit de répondre aux « inquiétudes » de parents et d’associations.

Mme Moreno a jugé cette modification « inutile ». « Les conseils prodigués de manière bienveillante et adaptée » ne sont pas concernés par le texte, a-t-elle assuré.

Comme en commission, le Sénat a rejeté les amendements portés par Jacqueline Eustache-Brinio (LR) visant à supprimer du texte « l’identité de genre », jugée mal définie par la sénatrice.

Le débat s’est quelque peu envenimé sur le sujet. « On n’a pas de leçon à recevoir (…) on a le droit d’avoir des différences sur les analyses sans être mis au ban », s’est défendue la sénatrice du Val-d’Oise, sous les critiques de la gauche de l’hémicycle.

La socialiste Marie-Pierre de La Gontrie s’est « interrogée sur l’obstination de la droite à vouloir mener un combat d’arrière garde ». « Les postures idéologiques n’ont pas leur place dans un tel débat. Il est question ici d’humains », a affirmé la présidente du groupe CRCE à majorité communiste Eliane Assassi.

« Personne ne demande ici à personne d’avoir l’empathie nécessaire à la compréhension du vécu intime des personnes trans, simplement de reconnaitre que ces personnes existent et ne doivent pas être torturées », a encore déclaré l’écologiste Mélanie Vogel.

La rapporteure comme la ministre ont fait valoir que la notion était établie et déjà présente dans le code pénal. Mme Moreno a cité « Douna, Louna, Nicolas, Tristan et Sacha », « toutes des personnes trans » qui se sont suicidées ces derniers mois « parce qu’elles ne supportaient plus le rejet, la discrimination et le harcèlement ».

Il n’existe pas en France d’enquête nationale permettant d’évaluer l’ampleur du phénomène des « thérapies de conversion » qui peuvent prendre une grande variété de formes.

Lors d’une mission parlementaire de 2019, Laurence Vanceunebrock et l’Insoumis Bastien Lachaud ont évoqué une « centaine de cas récents », s’alarmant de « l’augmentation des signalements ».

Ils décrivent des traitements par « hypnose », « hormones » voire « électrochocs », des dérives « religieuses » entre « appels à l’abstinence » et séances « d’exorcisme » ou le recours aux « mariages forcés » hétérosexuels.

D’autres pays les ont déjà interdites explicitement : en Europe, Malte et l’Allemagne, et plusieurs provinces en Espagne. Au Canada, un projet de loi les interdisant a été adopté le 1er décembre par la chambre basse du Parlement. Il doit désormais être approuvé par le Sénat canadien.

Avec l’AFP