L'œuvre de Stephen Sondheim, génie du théâtre musical américain, en onze moments cultes

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Stephen Sondheim, mort le 26 novembre dernier à l'âge de 91 ans, était considéré outre Atlantique comme le plus grand auteur du théâtre américain. Il a révolutionné la comédie musicale, lui apportant une complexité et une profondeur inégalée.

Stephen Sondheim vers 1970 et l'affiche de « Follies », considérée comme une ses plus grandes réussites - Public Domain

Né en 1930, Stephen Sondheim, mort le 26 novembre dernier, dans sa maison de Roxbury (dans le Connecticut), était considéré outre Atlantique comme le plus grand auteur du théâtre américain.

Ses comédies musicales ne ressemblent à aucune autre. On l’a dit plus cérébral, il a parfois choisi des thèmes à des années-lumière des sujets habituels du théâtre musical.

Décrit comme introverti, Stephen Sondheim avait fait son coming out sur le tard et il bénéficiait d’une admiration sans borne de fans dans la communauté LGBTI+.  Ce n’est pas pour rien que de nombreux concerts de ses œuvres ont été au profit entre autres de la lutte contre le sida.

Nous avons choisi onze séquences culte pour rendre hommage à ce génie.

« West Side Story »

Passionné de Maurice Ravel, Stephen Sondheim a toujours voulu écrire et la musique et les paroles de ses comédies musicales. Pourtant, pour West Side Story, créé en 1957, il accepte d’être uniquement parolier et c’est Leonard Bernstein qui est en charge de la musique de cette adaptation moderne, sur fond de tension raciale, de Roméo et Juliette. Et cette œuvre, qui va révolutionner le genre, fera de lui un des auteurs phares de Broadway.

 

« Anyone Can Whistle »

Stephen Sondheim n’avait pas son pareil pour exprimer en peu de mots toutes les nuances d’un personnage. Comme ici avec cet air de Anyone Can Whistle (1964).

 

 

« A Little Night Music »

Avant d’écrire pour le théâtre, Stephen Sondheim créait des mots croisés très sophistiqués pour le New York Magazine. L’extrême sophistication de ses lyrics n’est peut jamais autant évidente que dans The Miller’s Son, extrait de A Little Night Music, en 1973, une adaptation du film d’Ingmar Bergman, Sourires d’une nuit d’été. Extrait :

It’s a very short road
From the pinch and the punch

To the paunch and the pouch and the pension
It’s a very short road
To the ten thousandth lunch
And the belch and the grouch and the sigh

 

« Pacific Overtures »

Stephen Sondheim n’avait peur d’aucun sujet. Pour A Funny Thing Happened (1962) on the Way To The Forum, il situe l’intrigue durant l’époque de l’empire romain. Pour The Frogs (1974), il adapte une ancienne comédie de l’auteur de la Grèce antique Aristophane et fait jouer ses personnages… dans une piscine. Cette prise de risque n’est jamais aussi vraie que pour Pacific Overtures (1976), où il expose le point de vue de Japonais sur l’occidentalisation de leur pays par les puissances impérialistes européennes et américaines à partir du milieu du 19e siècle. Comme dans There is No Other way, où Sondheim combine des éléments musicaux traditionnels et la forme du haïku pour les lyrics.

 

 

« Company »

C’est avec Company, créée en 1970, que s’ouvre pour Stephen Sondheim une décennie majeure marquée par sa collaboration avec le producteur et metteur en scène Hal Prince. Company se situe dans le New York contemporain. Bobby est un célibataire endurci (certains y ont vu un homme gay) qui a du mal à s’engager et l’œuvre est une suite de scènes sur la vie à deux. Jusqu’à cette scène de mariage où l’interprète ne doit pas manquer… de souffle.

 

« Sweeney Todd »

Cet humour grinçant vire à l’humour noir et à la critique sociale d’une société capitaliste qui détruit dans Sweeney Todd, l’histoire d’un barbier sanguinaire et de sa partner in crime, la charmante et très imaginative Mrs. Lovett, qui fabrique des tourtes à la viande. À ce propos, que faire de cet autre coiffeur dont Sweeney Todd vient de trancher la gorge ? Elle a sa petite idée…

 

« Sunday in the Park With George »

Stephen Sondheim obtient le prestigieux Prix Pulitzer pour Sunday in the Park With George, créé à Broadway en 1984. L’histoire fictionnelle du peintre pointilliste Georges Seuraut, en pleine composition en 1884 d’un de ses chefs d’œuvre (Un dimanche après midi sur l’île de la Grande Jatte) et, cent ans plus tard, de son arrière petit fils, un artiste contemporain cynique et en mal d’inspiration. La scène finale du premier acte, Sunday, est un enchantement.

 

 

« Assassins »

Tout aussi radical est Assassins (1990), son avant-dernière comédie musicale, sur un livret de John Weidman, qui présente plusieurs des auteurs d’assassinat ou de tentative d’assassinat de présidents américains, depuis Abraham Lincoln à Ronald Reagan, en passant bien sûr par John F Kennedy. La face sombre du rêve américain.

« Merrily We Roll Along »

Aujourd’hui reprises dans de très nombreux pays, les comédies musicales de Stephen Sondheim n’ont pourtant pas été de grands succès publics. Le flop des flops a été Anyone Can Whistle (neuf représentations) et Merrily We Roll Along a tenu 16 représentations seulement en 1981. C’est pourtant aujourd’hui une de ses œuvres les plus appréciées et qui contient des petits bijoux, comme Growing Up (ajouté plus tard par Sondheim).

« A Little Night Music »

Pourtant, certaines compositions sont devenues culte et ont bénéficié de multiples reprises comme Losing My Mind (extraite du sublime Follies) et plus encore Send in The Clowns, de A Little Night Music. Stephen Sondheim explique qu’il a choisi des mots très courts car l’interprète originale du rôle (Glynis Johns) n’avait pas une grande puissance vocale. Mais rarement le mariage entre paroles et musique n’a été aussi réussi.

« Passion »

Avant sa mort, Stephen Sondheim préparait une nouvelle comédie musicale inspirée des films de Luis Bunuel. Un autre film, Passione d’Amore, de l’italien Ettore Scola, donna naissance à une des plus belles pages de la sublime partition créée pendant près de sept décennies par Stephen Sondheim. En 1994, l’année de la création de Passion, Stephen Sondheim, pourtant très discret, confie qu’il est amoureux. Cela donne Loving You.

 

 

Nous aurions pu choisir dix, vingt, trente autres moments de l’œuvre de Stephen Sondheim, tant son art s’est déployé dans de multiples directions, avec une inventivité et une audace sans pareil. On le pensait immortel. Il l’est par son œuvre, unique, exigeante, éternelle.