La Ligue nationale de rugby veut plaquer l'homophobie

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Une ligne arc-en-ciel sur le terrain pour « faire bouger les lignes » : la Ligue nationale de rugby (LNR) réaffirme sa volonté de lutter contre l'homophobie par une initiative symbolique dans un sport où l'évolution des mentalités avance lentement.

campagne rugby idahot
La campagne contre les LGBTphobies de la Ligue nationale de rugby

« J’espère que dans dix ans ce ne sera plus un sujet tabou dans le sport et que les gens diront : et alors ? », disait en 2009 l’ex-international gallois Gareth Thomas, premier joueur de renom à avoir fait son coming out. L’Australien Dan Palmer l’a imité en octobre mais la parole met du temps à se libérer dans une discipline sportive véhiculant des clichés sur la virilité.

Une étude commandée par la Ligue nationale de rugby (LNR) en 2020 et menée par le cabinet Oliver Wyman auprès d’environ 385 joueurs et membres des staff de clubs pros montrait que près de 75 % d’entre eux estiment qu’il est difficile de parler d’homosexualité dans le milieu.

Alors qu’est célébrée lundi 17 mai la journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, et pour montrer «  le chemin à parcourir concernant le tabou de l’homosexualité », la LNR a choisi de tracer une ligne arc-en-ciel de 75 mètres de long sur le terrain lors du match de Pro D2 Montauban – Grenoble ce vendredi (18 heures 30) et de deux rencontres du Top 14 samedi, Bordeaux-Bègles – Castres (14 heures 45) et Clermont – Toulon (21 heures 05). Cette action symbolique sera suivie de la mise en place d’une trentaine d’ateliers de sensibilisation dans les clubs en septembre, animés par Têtu.

En football, les clubs de L1 et de L2 ont été invités à floquer ce week-end leurs maillots avec des numéros aux couleurs de l’arc-en-ciel.

La LNR avait lancé son plan de lutte contre l’homophobie l’an passé. Mais si « cela avance, il y a encore énormément de travail à faire », estime Marcus Hudson, vice-président des Gaillards Paris Rugby club. Créée en 2003, l’association parisienne « réunit dans une même équipe des joueurs sans distinction de genre, d’âge, d’orientation sexuelle d’origine ou de niveau sportif  ».

Hudson, 36 ans, d’origine américaine, raconte à l’AFP avoir commencé le rugby à son arrivée en France en 2009 dans un club de région Centre-Val de Loire. « Je ne connais aucun autre sport aussi fédérateur  », dit-il. Mais à l’époque, il n’assumait pas encore sa sexualité.

Quand il a fait son coming out à ses coéquipiers, Hudson a constaté « un traitement différent de (sa) personne avant et après  ». « Les potes ne me faisaient plus la bise, ne se changeaient plus dans les vestiaires et n’osaient plus prendre une douche  », explique le responsable associatif, qui a cependant gardé des contacts avec quelques joueurs de son premier club.

« Toutes les équipes ne sont pas forcément LGBT friendly »

En s’installant à Paris, Marcus Hudson se met à la course à pied mais le rugby lui manque. « Avec les Gaillards, ça a tout de suite accroché. C’était sans prise de tête  », souligne-t-il. « Réintégrer un club traditionnel aurait été plus difficile. Le ressenti n’aurait pas été le même. On peut le faire mais il faut être prêt à avoir des rejets », poursuit-il.

La stigmatisation peut aussi venir des adversaires. L’équipe des Gaillards est affiliée à l’Association France Folklo Rugby (AFFR), qui « prône la convivialité et le fair-play dans les rencontres  » où «  la “championnite” est totalement exclue  ».

Mais « toutes les équipes ne sont pas forcément LGBT friendly  », souligne Hudson, qui se souvient d’un match houleux. « Lors des rucks, ils nous traitaient de sales pédés ».

Néanmoins, « ça évolue dans le bon sens  », constate le vice-président des Gaillards. Il cite pour exemple le dernier poisson d’avril des Gaillards, qui avaient fait croire que le demi de mêlée international Baptiste Serin allait intégrer leur équipe sur les réseaux sociaux. « Il avait répondu : “À ce soir”. Le fait qu’il participe, ça montre que cela devient un non-sujet. Le plus important, c’est le jeu », conclut Marcus Hudson.

Avec l’AFP