L'Allemagne va-t-elle poursuivre cinq dirigeants tchétchènes pour crimes contre l'humanité ?

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Une ONG allemande accuse formellement cinq dirigeants de la « purge gay » tchétchène de crimes contre l'humanité.

Tchétchénie manif LGBT+
Tchétchénie manif LGBT+/Shutterstock

L’ONG allemande du Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR), ainsi que le Russian LGBT Network ont déposé une plainte pénale en février contre cinq dirigeants tchétchènes.

D’après le Guardian, ils font tous partie du cercle intime du dirigeant de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov. L’acte, qui s’étend sur plus de 90 pages, accuse ces cinq personnes de crimes contre l’humanité en raison de leur implication dans la « purge gay » qui a lieu dans le pays depuis quatre ans.

Dans la plainte, les deux organisations accusent l’armée tchétchène et le gouvernement de persécution, d’arrestations illégales, de torture, de violences sexuelles et d’incitation au meurtre d’au moins 150 personnes en raison de leur orientation sexuelle et leur identité de genre depuis février 2017.

« Dans un système imparfait de justice pénale internationale, avec une cour pénale internationale à compétence limitée, l’Allemagne tente de garantir que l’Europe n’est pas un refuge pour les criminels de guerre  », explique Wolfgang Kaleck, le fondateur de l’ECCHR. « Si aucune autre juridiction n’enquête, l’Allemagne est capable et doit être disposée à prendre en charge des tâches, représentant ainsi l’Europe et la communauté internationale  ».

Une action avait précédemment été intentée devant la Cour pénale internationale en 2017 mais avait échoué. Le Guardian affirme qu’elle « n’a pas gagné du terrain parce que la Russie s’est retirée de la juridiction du tribunal de La Haye ».

Violations des droits humains

Cinq dirigeants tchétchènes sont visés dans la plainte, dont Abuzayed Vismuradov, le vice-premier ministre tchétchène, et Ayub Katayev, chef de police et haut fonctionnaire au ministère russe de l’Intérieur. Ils ont tous deux été sanctionnés par l’Union européenne en mars dernier pour violations des droits humains. Le président du parlement de la Tchétchénie, Magomed Daudov, est également nommé dans la plainte pénale.

« Aucune enquête efficace n’a été menée au sujet de la purge anti-gay de 2017, lors de laquelle la police tchétchène avait détenu et torturé des dizaines d’hommes soupçonnés d’être homosexuels »

Si le procureur général de la Cour fédérale de justice allemande de Karlsruhe décide de prendre en charge cette affaire, les personnes accusées pourraient faire face à un mandat d’arrêt s’ils mettent les pieds en Allemagne. Leur détention relèverait de la «  compétence universelle pour les crimes contre l’humanité », avance le Guardian.

Le ministère russe de l’Intérieur, ainsi que les autorités tchétchènes réfutent toute accusation et nient l’existence d’une « purge gay ». Cependant, de nombreuses victimes ont témoigné de leur expérience, notamment en 2019 auprès de Human Rights Watch. L’organisation avait alors recueilli les témoignages de quatre hommes détenus dans un centre géré par le Département des affaires intérieures de Grozny entre décembre 2018 et février 2019, où ils font acte « d’arrestations illégales, de passages à tabac et d’actes humiliants à l’encontre d’hommes présumés homosexuels ou bisexuels ».

« Aucune enquête efficace n’a été menée au sujet de la purge anti-gay de 2017, lors de laquelle la police tchétchène avait détenu et torturé des dizaines d’hommes soupçonnés d’être homosexuels », explique Rachel Denber, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Regarder. « L’impunité pour la purge anti-gay de 2017 a conduit à une nouvelle vague de torture et d’actes humiliants en Tchétchénie ».