Pédocriminalité : démission dans l'Église allemande après un rapport accablant

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Des centaines de mineurs ont subi des violences sexuelles dans le diocèse de Cologne et plusieurs responsables religieux se sont tus, a établi un rapport accablant publié jeudi 18 mars qui a contraint un prélat à poser sa démission.

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Le pape accompagné de prêtres - haak78 / Shutterstock

Le rapport de quelque 800 pages conclut que 314 mineurs, en majorité des garçons âgés de moins de 14 ans, ont subi des violences sexuelles entre 1975 et 2018 de la part de 202 mis en cause dans le plus grand diocèse d’Allemagne, a déclaré l’avocat Björn Gercke lors d’une conférence de presse.

Environ 70 % des auteurs présumés étaient des membres du clergé, le reste des laïcs, a-t-il détaillé. Si ces derniers ont été sanctionnés, cela n’a pas été le cas des prêtres, a-t-il souligné.

« Cela me fait profondément honte », a réagi le cardinal Rainer Maria Woelki, annonçant dans la foulée la suspension avec effet immédiat de deux membres de son diocèse soupçonnés d’avoir couvert ces crimes.

Parmi les autres ecclésiastiques mis en cause pour négligence dans le traitement de ces cas – dont la majorité remonte aux années 70 – les deux prédécesseurs, aujourd’hui décédés, de Mgr Woelki à la tête du diocèse et l’actuel archevêque de Hambourg Stefan Hesse, ancien chef du personnel à Cologne.

Ce dernier a annoncé avoir demandé au pape François d’être « démis de ses fonctions avec effet immédiat », tout en rejetant catégoriquement toute faute. « Je suis toutefois prêt à porter ma part de responsabilité pour l’échec du système », a-t-il dit.

Aucune faute n’a pu en revanche être identifiée contre Mgr Woelki par les auteurs du rapport.

« Effrayant »

« L’ampleur des abus et des manquements par les responsables religieux à leur devoir  », telle que décrite dans le rapport, «  est effrayante », a réagi le commissaire du gouvernement pour les questions d’agressions sexuelles, Johannes-Wilhelm Rörig, saluant aussi sa publication après une « attente insupportable  ».

« L’ampleur des abus et des manquements par les responsables religieux à leur devoir est effrayante »

Mgr Woelki, un conservateur dans les rangs de l’église, avait provoqué un véritable tollé l’an passé en refusant de rendre public un premier rapport, pourtant commandé par ses soins à un cabinet d’avocats de Munich, invoquant des problèmes de protection des données.

Fuite en masse des fidèles

La décision avait suscité l’exaspération des victimes, la fuite en masse de fidèles dans son diocèse, et l’incompréhension de ses pairs. Sous pression, le cardinal a demandé ce nouveau rapport. La communication de Mgr Woelki est « un désastre », avait jugé le chef de l’assemblée des évêques Georg Bätzing, dans une critique inhabituellement dure.

La polémique est intervenue à un moment même où l’institution avait réalisé quelques progrès dans la reconnaissance de sa faute et l’indemnisation des victimes. En 2018, un rapport commandé par l’Église allemande avait dévoilé que 3 677 enfants ou adolescents avaient été abusés sexuellement depuis 1946 par plus d’un millier de membres du clergé dont la plupart n’avaient pas été sanctionnés.

Faute d’avoir eu accès à toutes les archives, les auteurs de l’étude avaient prévenu que le nombre des victimes était probablement plus élevé.

Dédommagement

Après s’être officiellement excusés, les évêques avaient fixé un dédommagement — jugé insuffisant par les victimes — « pouvant aller jusqu’à 50 000 euros » par personne, contre 5 000 euros jusqu’ici. Et chaque diocèse a entamé une enquête locale supplémentaire sous la surveillance d’une commission mixte.

L’affaire de Cologne a fragilisé en outre les chances de modernisation de l’Église actuellement en discussion dans le cadre d’un synode. Il s’agit aussi de retenir les fidèles, qui paient un impôt en Allemagne et contribuent à financer notamment les associations caritatives. Les membres de l’Église catholique, qui reste la plus grande confession du pays, sont tombés à 22,6 millions en 2019, soit 2 millions de moins qu’en 2010, année de la révélation des scandales de pédophilie.

Parmi les grands thèmes du synode, vu d’un oeil méfiant par Mgr Woelki et le Vatican : le célibat, les prêtres mariés, une place plus grande réservée aux laïcs et aux femmes.

Mais toute avancée devra recevoir la bénédiction du pape. Or mardi, ses services ont réaffirmé que l’homosexualité était « un péché », et ont confirmé l’impossibilité pour les couples de même sexe de recevoir les sacrements du mariage. Cette communication n’est pas un hasard, a estimé Thomas Sternberg, président du puissant comité central des catholiques, qui y voit une façon pour Rome de « perturber » le processus de réforme en Allemagne.

Avec l’AFP