Avec le philosophe Jean-François Braunstein, la transphobie a encore de beaux jours devant elle

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Professeur de philosophie à la Sorbonne, Jean-François Braunstein enfile les poncifs transphobes comme autant de clichés et de stéréotypes blessants.

La couverture de l'hebdomadaire Le Un consacré au genre

L’hebdo Le 1 est une revue plutôt intéressante fondée par l’écrivain et journaliste Éric Fottorino, ancien directeur du Monde. Sans remuer de vieux souvenirs, ce dernier n’a pas toujours été bien inspiré dans ces prises de position, notamment au sujet du mariage des couples de même sexe, comme le rappelait cette tribune sur Yagg en 2010.

Mais quelle mouche l’a donc piqué cette semaine pour qu’il invite dans les pages de la nouvelle édition du 1, consacrée au genre, Jean-François Braunstein, pour une tribune intitulée « L’oubli du sexe et du corps ».

Professeur de philosophie à la Sorbonne, Jean-François Braunstein enfile les poncifs transphobes comme autant de clichés et de stéréotypes blessants. Visiblement peu au fait des recherches et surtout des expériences des personnes trans, Jean-François Braunstein lance des formules qu’il imagine sans doute percutantes, pour marteler un message anti-trans assez rance. Le corps ne serait plus qu’un « assemblage de pièces détachées ». Changer de corps serait envisageable « depuis les progrès d’une chirurgie extrémiste ». Selon lui on a affaire à des « utopies transgenres », les personnes désireuses de vivre selon leur genre seraient animées d’une « pulsion prométhéenne ». On lit même que d’autres rêveraient de « puces électroniques implantées ».

Dans sa biographie, on apprend que dans La Philosophie devenue folle : le genre, l’animal, la mort, qu’il publie en 2018, Jean-François Braunstein critiquait notamment la pensée queer de Judith Butler. Selon lui, les philosophes américains apporterait les réponses « les plus absurdes et les plus choquantes » aux questions liées à l’identité de genre ou de race.

Il est d’ailleurs un des signataires d’une tribune parue dans Le Monde  en octobre dernier et qui apportait son soutien à Jean-Michel Blanquer dans sa dénonciation d’une mainmise (non documentée) de « l’islamo-gauchisme » à l’université.

À la fin de la lecture de cette tribune, on se dit que le philosophe a sans doute puisé, par manque de connaissances ou d’inspiration, dans le glossaire des TERFS, qui  développent un discours biologisant et hyper stigmatisant à l’égard des personnes trans.

Encore une fois, rappelons que le débat d’idées, la confrontation des points de vue, même les engueulades sur des sujets d’actualité ou sur des axes de de recherche, sont ce qui fait le sel de la vie en société et de notre rapport aux autres. C’est stimulant et enrichissant. Mais rappelons aussi que la transphobie n’est pas une opinion, pas plus que le racisme ou le sexisme.

Soyons francs. Le Un a pris soin de qualifier cette tribune de Jean-François Braunstein de contre-pied, dans ce numéro plutôt riche et titré : « Masculin-féminin 50 nuances de genre ? ». Mais est-ce suffisant pour dissiper le malaise voire la colère ?

Ce contrepied ressemble alors plutôt à une gifle.