Le Refuge : Élisabeth Moreno « prend acte » de la démission de Nicolas Noguier et Frédéric Gal suite à des dysfonctionnements

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Le président et directeur général du Refuge ont démissionné de l’association. Cette décision arrive à la suite de la publication du rapport de l’audit réalisé après les révélations d’une enquête de Mediapart.

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Le logo de l'association Le Refuge - Le Refuge

« Les dysfonctionnements observés au sein de la Fondation Le Refuge sont graves. Je prends acte de la démission de sa direction. La vocation de cette fondation, qui accueille les jeunes LGBT+ rejetés par leur cercle familial, impose une exemplarité qui a été entachée  », écrit Élisabeth Moreno, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, jeudi 18 février.

Têtu a révélé jeudi 18 février la démission de Nicolas Noguier et Frédéric Gal, respectivement président et directeur général du Refuge.

« Le Président de la Fondation, Nicolas Noguier, a présenté sa démission, dont le Conseil d’administration a pris acte  », écrit Le Refuge dans un communiqué. « Un cabinet de recrutement sera mandaté pour proposer des candidat.e.s pour la présidence. Pendant cette période, les fonctions du Président seront assurées collégialement par le Conseil d’administration ».

Le 15 décembre 2020, Mediapart a publié une enquête accablante sur la direction de l’association. Sa gestion, ses méthodes de management, les relations avec les bénévoles, le comportement de ses dirigeants vis-à-vis des jeunes hébergé.e.s, sa trésorerie très confortable (un excédent de plus de 800 000 euros et une trésorerie de près de deux millions d’euros en 2019). Tout avait été passé au crible dans cet article écrit par David Perrotin et Youen Tanguy, qui ont interrogé une cinquantaine de personnes, la plupart anonymes.

Un mois plus tard, de nouveaux témoignages ont été recueillis par Florian Bardou et publiés dans Libération.

Une situation « alarmante » au Refuge

À la suite de ces révélations, le CA de l’association a demandé au Boston Consulting Group (BCG) de réaliser un diagnostic de situation, dont le rapport a été rendu public ce jeudi. Le cabinet a contacté 2800 personnes et a reçu 1400 réponses, un taux « exceptionnel pour ce type d’exercice, surtout en tenant compte des possibles difficultés techniques  ». Dans l’introduction de son rapport, le BCG révèle qu’on leur a fait part d’un « certain nombre de faits graves » et qu’un signalement a été effectué au Procureur de la République de Montpellier.

Au sein du Refuge, seules 29 personnes sont salariées et 450 personnes sont employées en tant que bénévoles. En 2019, le total des ressources de l’association s’élevait à 3,3 millions d’euros. 

Le BCG relève une situation « alarmante », qui « ne correspond pas à une situation normale dans une structure associative ». La moitié des personnes interrogées estime que la charge de travail n’est pas soutenable et 60 % d’entre eux et elles « ne se disent pas heureux au travail ». Le rapport note un taux de turnover important : 65 % du personnel salarié sur les cinq dernières années. Il déplore des « parcours de formation très insuffisants, qui entrainent un manque de personnel formé et qualifié sur l’ensemble des fonctions ». Il préconise notamment une mise en place de formations pour tou.te.s les salarié.e.s sur les « sujets critiques  », comme la transidentité ou la prise en charge des demandeur.euse.s d’asile.

Le groupe déplore l’absence d’un.e directeur.trice des ressources humaines, ce qui a entraîné « une “ culture du silence ” dans certaines délégations  ». Trente pour cent des personnes employées au Refuge « estiment ne pas savoir à qui s’adresser pour prendre une décision ».

La gouvernance de la Fondation est qualifiée d’« inopérante » et la concentration des prises de décision entre les mains de Nicolas Noguier et Frédéric Gal, ainsi que l’« omniprésence » de ce dernier, sont fortement dénoncées. Le BCG en conclut que cela « pourrait en partie expliquer le mal-être déclaré par certaines parties prenantes ».

Quant à la communication, 60 % des salarié.e.s du Refuge s’en disent fier.e.s. Néanmoins, la ligne éditoriale de certains formats, dont le Facebook Live, « n’est pas adaptée à une Fondation d’utilité publique et suscite un malaise de la part de certains jeunes et personnels ». De plus, 28 % des jeunes interrogé.e.s « estiment que leur consentement n’est pas systématiquement demandé pour utiliser leur image sur les réseaux sociaux ».

Le rapport note que une présence importante d’incidents, en particulier concernant les jeunes. 85 % d’entre eux et elles « ayant subi des comportement perçus comme trop familiers de la part de certains salariés ou bénévoles estiment que le Refuge n’a pas pris les mesures adaptées ». La moitié des salarié.e.s témoignent de l’absence de procédure au sein de la Fondation pour gérer les « faits graves ».

Le BCG préconise une transformation urgente afin de résoudre les dysfonctionnements. Le rapport révèle que « 30 % des actuels salarié.e.s et 75 % des anciens salarié.e.s estiment qu’il n’est pas possible d’exprimer ses opinions au Refuge  ». Environ 20 % d’entre eux et elles témoignent avoir été soumis.es à des pressions.

Des « dysfonctionnements structurels »

Dans son communiqué, le Refuge présente ses excuses à « toutes les personnes, jeunes, bénévoles, salarié.e.s, qui ont pu se sentir blessé.e.s, mal accueilli.e.s, ou mal considéré.e.s ». Prenant compte des 10 préconisations du BCG, le Conseil d’administration a décidé d’acter des modifications pour pallier les « dysfonctionnements structurels ».

Il propose aux différentes associations LGBT+ de mutualiser leurs moyens, afin d’améliorer la qualité du service d’écoute. Il accepte la demande de formations sur les « sujets critiques », en particulier la transidentité. La Fondation s’engage à employer un.e travailleur.se social.e dans les délégations qui n’en disposent pas, ainsi qu’à un.e directeur.trice des ressources humaines et un.e directeur.rice administratif.ve et financier.e.

Pour répondre aux problèmes de communication, le Refuge va co-construire une nouvelle charte du droit à l’image et de la représentation des jeunes. Enfin, la Fondation va nommer un.e « médiateur.rice externe et reconnu.e pour son indépendance » pour prendre en charge les incidents, concernant les employé.e.s et les jeunes. 

« Au-delà de ces décisions d’urgence, nous avons conscience que la transformation de notre fondation vers une organisation plus professionnelle et plus accueillante prendra du temps », conclut le Refuge. « C’est pourquoi nous mettrons en place d’ici quinze jours un comité de suivi des mesures, constitué de personnalités indépendantes et d’un représentant de nos tutelles. Il devra rendre compte de manière publique et transparente de l’avancée des travaux  ».