Face à un pouvoir hongrois de plus en plus LGBTphobe, l'Europe reste tragiquement impuissante

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« Va-t-on laisser sacrifier des populations entières en Hongrie, qui ne vivront de fait pas sous le même régime d'égalité que le reste de la population du pays ? ».

Le premier ministre hongrois, Viktor Orbán - photocosmos1 / Shutterstock
Le premier ministre hongrois, Viktor Orbán - photocosmos1 / Shutterstock

L’Histoire nous apprend que les droits des groupes minoritaires ou marginalisées ne sont pas forcément acquis pour toujours et que, malheureusement, des retours en arrière sont possibles. Ça a été le cas en Europe dans les années 30 et jusqu’aux années 70.

Aux États-Unis, durant les quatre années de présidence Trump, l’administration a multiplié les actions contre, en particulier, les personnes trans et il faut espérer que Joe Biden, son successeur, appliquera tout son programme en faveur des personnes LGBT+, afin de rétablir des droits fondamentaux piétinés par Donald Trump.

Mais pas besoin d’aller loin pour constater qu’un gouvernement populiste et autoritaire, celui de Viktor Orban, en Hongrie, réaffirme son attachement aux « valeurs morales » en s’en prenant aux droits des personnes LGBT+.

Cette semaine, le Parlement hongrois a en effet voté plusieurs dispositions qui mettent à mal l’égalité entre les citoyen.ne.s de ce pays de près de 10 millions d’habitants.

« La mère est une femme, le père est un homme », décrète ainsi un amendement à la charte fondamentale approuvé grâce au soutien massif des députés de la majorité.

Ce texte définit le sexe comme étant uniquement celui de la naissance, et ajoute : « L’éducation est assurée conformément aux valeurs fondées sur l’identité constitutionnelle et la culture chrétienne » du pays. Cela exclut la possibilité pour les personnes trans de faire un changement de genre.

Adoption limitée aux couples mariés

Le Parlement a en outre voté une loi autorisant les seuls couples mariés à adopter des enfants, ce qui exclut en pratique les personnes gays et lesbiennes qui n’ont pas le droit de s’unir légalement en Hongrie.

Avant le retour au pouvoir de Viktor Orban en 2010, la Hongrie était l’un des pays les plus progressistes de l’Europe post-communiste : l’homosexualité y avait été dépénalisée dès le début des années 1960 et l’union civile entre conjoints de même sexe reconnue dès 1996. Avant même la France !

On ne peut que souligner le cynisme du pouvoir hongrois. Ces mesures LGBTphobes ont été votées quatre jours après l’adoption du plan de relance européen de quelques 750 milliards d’euros pour lutter contre les effets de la crise de la Covid-19. Pologne et Hongrie ont en effet obtenu que le mécanisme de sanctions éventuelles pour non respect de l’état de droit soit limité. Ces deux pays ont donc pu crier victoire puisqu’en effet les questions de société, dont les droits LGBT+, et les politiques migratoires sont excluent du dispositif. En clair, on va pouvoir continuer tranquillement de promouvoir des « zones sans idéologie LGBT » en Pologne, et s’attaquer aux droits des personnes LGBT+ en Hongrie.

Faillite morale et politique

Pour l’Europe, c’est une faillite morale et politique. Va-t-on laisser sacrifier des populations entières, qui ne vivront de fait pas sous le même régime d’égalité que le reste de la population du pays et de la plupart des grands pays européens, dans lesquels le mariage et l’adoption, entre autres, sont ouverts aux couples de même sexe et où les droits des personnes trans sont (en partie parfois) reconnus ? Comment ne pas voir que le projet européen de libre circulation et d’installation est mis à mal. Qui en effet aurait envie de s’installer et de vivre sous un régime bafouant ses droits ?

Il y a quelques jours, un militant LGBT déclarait à propos des mesures prises en Hongrie : « Il n’y a pratiquement plus d’immigrés en Hongrie donc ils s’en prennent à nous les LGBT. » Le vote au Parlement hongrois s’inscrit dans une attaque en règle des droits des personnes LGBT. En Pologne, les droits des femmes sont aussi piétinés.

Certes, au Parlement européen et à la Commission européenne, des paroles fortes ont été prononcées contre ces mesures discriminatoires. Mais cela ne suffit pas. Il faut agir maintenant. Jusqu’à quand l’Europe va-t-elle rester impuissante ?