Croatie : le documentaire « Nun of your business » raconte l'histoire d'amour de deux nonnes

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Marita était nonne sur une île croate quand elle a rencontré Fani, la religieuse qui allait devenir son grand amour. « J'ai simplement écouté mon cœur », explique celle qui a depuis quitté l'Église catholique, tout comme son amie.

Image extraite du documentaire « Nun of your business », de la réalisatrice Ivana Marinic Kragic - Capture d'écran / Youtube

Leur vie est le sujet d’un documentaire qui vient d’être montré pour la première fois au festival international du film ZagrebDox, raflant le prix des spectateurs en Croatie. « C’est l’histoire d’un amour inattendu et inhabituel mais je me suis davantage concentrée sur la question de la liberté individuelle », explique à l’AFP la réalisatrice Ivana Marinic Kragic.

Nun of your business, dont le titre en anglais joue avec le mot « nun » (nonne) et l’expression « None of your business (ça ne vous regarde pas) », raconte la vie des deux femmes, de leur enfance dans des coins reculés de la Croatie à leur décision de rentrer dans les ordres et leur histoire qui dure depuis 10 ans.

« Elles ont trouvé la force de lutter pour leur amour, ce qui n’est pas généralement accepté dans notre société », ajoute la réalisatrice. Et d’expliquer qu’elle n’a pas voulu provoquer mais susciter l’empathie dans une société conservatrice, où les personnes LGBT+ sont victimes de discriminations et où l’influente Église catholique considère l’homosexualité comme un « handicap  » et une « perversion  ».

Marita Radovanovic, cheveux courts et mèches rose, avait 18 ans en entrant au couvent sur son île natale de Korcula, dans le sud de la Croatie. Inspirée par son désir d’aider les autres, elle est allée contre les souhaits de sa famille qui voulait qu’elle ait une vie « normale ».

Désillusion en Croatie

Elle a rencontré pour la première fois la brune Fanika Feric, dite Fani, au séminaire. Mais la relation d’amitié qui s’est nouée au départ entre les deux femmes n’est devenue romantique que des années plus tard, après l’adieu de Marita à l’Église.

C’est au couvent que Marita, 36 ans aujourd’hui, prit conscience de son homosexualité et eut sa première relation avec une femme.

Fani, 40 ans, a toujours su pour sa part qu’elle était gay mais avait peur de le dire dans son petit village de l’est de la Croatie. Ouvrière à l’usine, elle explique avoir été attirée par la vie religieuse en entendant chanter des sœurs et des enfants de chœur. À 23 ans, elle devint nonne. «  Je n’ai pas pensé à où j’allais. Dans un couvent, il y a beaucoup femmes », sourit-elle.

Mais désillusion est venue pour chacune des deux femmes.

Marita a réalisé que la communauté religieuse n’était pas exempte du harcèlement et des mesquineries en cours dans les autres communautés humaines. « Avant, j’idéalisais tout mais je me suis rendu compte que le cadre [de l’Église] ne me convenait pas », déclare-t-elle à l’AFP. « Le mot d’ordre de mon ordre c’était “ Veritas ”. Au bout d’un moment, j’ai décidé d’être honnête avec moi-même et avec Dieu, qui est amour ».

« Étoile filante »

« C’est difficile quand on ne rentre pas dans les cases car on est différent », renchérit Fani. « Chez les catholiques, l’homosexualité est un péché majeur. Je priais Dieu pour qu’il me guérisse de ma “ maladie ”. Mais plus tard j’ai réalisé que si Dieu m’avait faite ainsi, il n’y avait rien à guérir ».

Les deux femmes se mirent à se parler régulièrement au téléphone après que Marita eut renoncé à ses habits pour étudier à Split, dans le sud de la Croatie, en 2009. « Je pensais à elle plus qu’à la Bible », plaisante Fani, qui habitait alors Zagreb. Après une visite fatidique de Marita, Fani demanda au couvent quelques jours pour réfléchir à sa voie.

« Jeune fille, quand je voyais une étoile filante, je me disais toujours, “ Dieu, s’il-te-plaît, envoie moi quelqu’un comme moi ”. Maintenant elle était là, alors j’ai abandonné le couvent ».

La réalisatrice Ivana Marinic Kragic a mis sept ans pour tourner son film. Il lui a fallu gagner la confiance des deux jeunes femmes et que celles-ci se sentent à l’aise dans leur nouvelle vie « civile ».

Après quelques années à Zagreb, l’une travaille dans le tourisme, l’autre dans la restauration et elles vivent sur Korcula, où elles ont trouvé l’acceptation de la famille de Marita.

Si elles ont perdu foi dans l’institution religieuse, elles ont gardé la leur et espèrent convaincre d’autres de suivre leur propre voie. « C’est ce que j’ai fait, à la fois au couvent quand j’ai réalisé que ce n’était pas pour moi, et concernant Fani », dit Marita.

 


Avec l’AFP