La décision de la Mairie de Paris de supprimer la plaque pour Guy Hoquenghem fait débat

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Frédéric Martel, auteur d'un essai sur les luttes homosexuelles, parle d'inculture de la part de la Mairie. Le président d'Act Up-Paris aussi a réagi. Quand à Antoine Idier, auteur d'un essai sur Guy Hocquenghem, il critique « l'effacement d'une des rares traces des luttes LGBT ».

Guy Hocquenghem sur la plateau de l'émission « Apostrophes », en 1979 - capture d'écran / Ina

La décision de la Mairie de Paris de ne pas remettre en état et de réinstaller la plaque commémorant le militant homosexuel, écrivain et philosophe Guy Hocquenghem (1946-1988) a suscité de nombreuses réactions ces derniers jours.

 

Si le groupe féministe Les Grenades s’est réjouit de cette décision, nous nous arrêtons dans cet article sur les réactions de personnalités gays pas forcément à l’aise avec ce choix.

« C’est la figure clef des années 1970, comme Daniel Defert et les militants d’Act Up vont l’être dans les années 1980. »

Frédéric Martel auteur du Rose et le Noir, les homosexuels en France depuis 1968 (première édition en 1996), affirme dans Têtu que la Mairie de Paris a, en enlevant la plaque honorant Guy Hocquenghem, « commis une erreur par inculture ». Martel (dont l’essai sur l’histoire des homosexuels ne lui a pas valu que des louanges) affirme que Guy Hocquenghem est une figure qu’il aime beaucoup : « C’est la figure clef des années 1970, comme Daniel Defert et les militants d’Act Up vont l’être dans les années 1980. » Mais l’auteur du récent Sodoma sur l’homosexualité dans l’église catholique admet que la défense de la pédophilie par Hocquenghem est indéfendable  : « Tout le monde qui a un peu de culture historique sait que Guy Hocquenghem a défendu la pédophilie. La municipalité aurait pu choisir de commémorer le FHAR, par exemple, sans que ce soit personnalisé sur Hocquenghem. Ils auraient pu mettre en avant certains textes plutôt qu’inaugurer une plaque. »

« La ville choisit en effet d’effacer de l’espace public une des rares traces des luttes LGBT »

De son côté, Antoine Idier, auteur en 2017 des Vies de Guy Hocquenghem. Politique, sexualité, culture, analyse dans un long texte sur Mediapart les écrits de nombreux et nombreuses militant.e.s féministes et LGBT+ dans les années 70, sur la sexualité, la dépénalisation de l’homosexualité, sur le consentement et sur la pédophilie. Il affirme que la Mairie a eu tort de supprimer la plaque commémorant Guy Hocquenghem. Selon lui, « la ville choisit en effet d’effacer de l’espace public une des rares traces des luttes LGBT, un des rares signes témoignant de la conquête des libertés opérée par les minoritaires sexuels. Et donc de contribuer davantage encore à l’invisibilisation des luttes et des cultures LGBT ». 

Selon Antoine Idier, il est facile de trouver des écrits contre Guy Hocquenghem, qui était un polémiste avant tout. « Il n’a pas hésité à manier la caricature, l’insinuation (quelques fois antisémite ou misogyne), l’injure, y compris envers ses propres amis et proches, y compris envers lui-même », explique l’essayiste.

Antoine Idier invite à relire les textes de l’époque, qu’ils soient écrits par des militantes féministes ou LGBT, par des philosophes ou des penseurs. « À moins d’assumer le révisionnisme, on ne peut pas aujourd’hui voir ces textes autrement que ce qu’ils sont : la manière dont, à une époque, des énergies progressistes ont tenté de lever un certain nombre de répressions, de politiser le personnel et la vie privée. Et si l’on se donne la peine de les lire vraiment, on ne peut pas ne pas voir qu’à aucun moment les signataires ne nient l’existence de violence, de viols, d’abus, de relations sexuelles non-consenties et consentantes. Mais ils rappellent qu’il existe aussi des relations consentantes et consenties, que la loi se contente de considérer comme illégales, et dont elle réprime les protagonistes. »

« Je me rends compte que nous sommes tous à la fois désemparés et déboussolés pour générer une pensée pourtant nécessaire. »

Dans un post Facebook, Marc-Antoine Bartoli, président d’Act Up-Paris, s’en prend lui « aux féministes bourgeoises ultra sécuritaires, proche de l’extrême-droite, anti tout et pro LMPT », sans que l’on sache très bien qui il vise en particulier. Sur Guy Hocquenghem, il explique qu’il faut examiner tout l’héritage du militant et « critiquer ce qui est critiquable ». « Hocquenghem a souvent réveillé en nous des vocations, des souvenirs, une prise de conscience sur notre rapport à la morale, aux désirs, à l’enfance, aux fantasmes, à la sexualité interdite. Je me rends compte que nous sommes tous à la fois désemparés et déboussolés pour générer une pensée pourtant nécessaire. »

Selon nos informations, la Mairie de Paris doit encore se prononcer sur l’abandon définitif de cette plaque.
Le débat n’est donc pas clos.