Taïwan : la ministre trans Audrey Tang fait de son identité de genre un atout

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Audrey Tang, ministre à Taïwan, est la première membre d'un gouvernement ouvertement trans. Pour elle, son identité de genre représente un atout.

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La marche des fiertés de Taïwan de 2019 - Patcharaporn Puangsombat / Shutterstock

La ministre du Numérique de Taïwan Audrey Tang est la première femme membre d’un gouvernement au monde à se déclarer ouvertement trans, une identité de genre qui, à ses yeux, est un atout.

« Je pense que c’est plus facile pour nous car nous n’avons pas de vision binaire », a expliqué à l’AFP Audrey Tang, 39 ans, à quelques jours de la Marche des fiertés qui doit se tenir dimanche 28 juin à Taipei.

« Nous ne pensons pas qu’il y a la moitié de la planète qui est différente de nous », estime la ministre du Numérique.

Depuis son plus jeune âge, son parcours est singulier : après avoir quitté l’école à l’âge de 14 ans, elle ouvre deux ans plus tard une société de programmation informatique.

Cette autodidacte, qui se qualifie d’« anarchiste conservatrice », est ensuite partie faire carrière dans la Silicon Valley et c’est en tant que ministre du Numérique qu’elle est retournée à Taïwan. Le gouvernement de la présidente Tsai Ing-wen, du Parti démocratique progressiste (PDP), a fait appel à elle en 2016. Elle a été séduite par son absence d’appartenance politique et son approche iconoclaste.

C’est peu après ses vingt ans qu’elle a changé ses noms anglais et chinois et a adopté le pronom « elle ». Cependant, sur les documents administratifs, elle écrit qu’elle n’a pas de genre.

Selon elle, avoir vécu sous deux identités différentes lui permet d’avoir différents points de vue.

Forte de ses « sentiments mêlés » et de ses «  expériences de vie  », elle dit « avoir plus d’empathie pour les personnes qui souffrent d’appartenir à des minorités  ». « Je ne prends aucun parti pris particulier. Je prends tous les partis ».

Dans ses fonctions de ministre, Audrey Tang sort également des sentiers battus. Elle se rend au travail à pied ou prend des selfies avec les habitants qui lui soumettent des propositions. Elle a choisi de ne pas avoir de ministère physique, préférant se rendre d’un ministère à l’autre pour résoudre les problèmes et dispenser ses conseils.

Taïwan, « sur la voie de l’intégration »

Les problématiques les plus récentes auxquelles son équipe a été confrontée sont les fausses informations et la manière d’utiliser les technologies pour répondre à l’épidémie de coronavirus. Le gouvernement taïwanais a géré de manière très efficace l’épidémie en dépit de sa proximité avec la Chine, où les premiers cas sont apparus. Taïwan (plus de 23 millions d’habitants) a recensé 440 cas et sept morts.

En tant qu’« anarchiste conservatrice », Audrey Tang estime travailler ni pour le gouvernement ni pour le peuple, mais servir de courroie de transmission entre les deux. Elle considère qu’il faut changer la manière de gouverner.

Dans un monde où des vidéos virales peuvent déclencher des mouvements comme le Printemps arabe ou Black Lives Matter, elle affirme que « la démocratie elle-même est en train de se démocratiser  ».

Elle est pour une participation directe de la population à la politique gouvernementale et aspire à plus grande implication des personnes aux parcours politiques peu conventionnels.

Sous le mandat de Tsai Ing-wen, la Chine a accru sa pression économique, militaire et diplomatique sur Taïwan qu’elle considère comme une de ses provinces et a juré d’en reprendre un jour le contrôle, par la force si nécessaire.

Le succès de sa lutte contre le coronavirus a valu à l’île une reconnaissance internationale. Pour Audrey Tang, le système démocratique de Taïwan est sorti encore plus fort de la pandémie par rapport au modèle chinois « plus contraignant ».

« Je pense que la pandémie a servi d’amplificateur à ces deux différents modes de gouvernance », a-t-elle souligné.

Bien qu’elle soit l’une des personnalités politiques trans les plus en vue de la planète, elle affirme que Taïwan, qui est depuis l’an dernier le premier pays d’Asie à avoir légalisé le mariage pour tou.te.s, doit en faire d’avantage en matière de progrès social.

Audrey Tang souhaiterait notamment qu’à Taïwan, le fait d’être trans soit reconnu sur la carte d’identité nationale. Optimiste, elle veut croire que « Taïwan est résolument sur la voie de l’intégration ».

Avec l’AFP