« Élue sur un programme », Marie Cau, maire et trans, veut « réveiller son village »

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Marie Cau est devenue samedi la première maire trans en France. À Tilloy-lez-Marchiennes dans le Nord, sa liste veut « réveiller le village », en mettant l'accent sur l'écologie et le lien social.

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Marie Cau, la maire de Tilloy-lez-Marchiennes - Capture d'écran / Facebook

« Ce qui est étonnant, c’est que ce soit étonnant ! », sourit Marie Cau, devenue samedi, à Tilloy-lez-Marchiennes (Nord), la première maire trans en France. Largement élue, «  d’abord sur un programme », elle entend « réveiller le village  » en développant écologie et lien social.

« Félicitations, Madame le maire, on vous souhaite du courage !  », lance un quinquagénaire enthousiaste, dans la rue principale de ce village de 550 habitants. « Du plaisir à travailler, pas du courage ! », réplique en riant Marie Cau, écharpe tricolore ceinte, devant la petite mairie de briques.

Marie Cau, première maire trans de France

Aux élections municipales du 15 mars, sa liste « apolitique  », baptisée « Décider ensemble », a remporté entre 63,5 % et 73,1 % des suffrages en fonction des candidats, avec un taux d’abstention de seulement 32 % (plus de 55 % au niveau national).

« Toute la liste a été élue  », se réjouit-elle, le regard bleu et assuré et «  pas du tout surprise du résultat ».

« Ils n’ont pas voté pour moi parce que je suis transgenre, ni contre, ils ont voté pour un programme et des valeurs  »

Lassés par 20 ans d’immobilisme et « un village un peu endormi, où le lien social avait disparu, les habitants voulaient du changement », analyse-t-elle. « Ils n’ont pas voté pour moi parce que je suis transgenre, ni contre, ils ont voté pour un programme et des valeurs  ».

Ingénieure, titulaire d’un diplôme de technicien agricole et d’un BTS horticole, Marie Cau se décrit avant tout comme une cheffe d’entreprise « à la fibre agricole et environnementale ».

Et dans cette commune rurale, les habitants « ont été sensibles à la volonté de préserver au maximum l’environnement, développer l’agriculture durable, la solidarité, l’économie locale à travers les circuits courts, les emplois de proximité… », détaille-t-elle.

Jamais élue auparavant, l’édile « démarre avec une feuille blanche, un budget quasi-nul, une école pas encore rouverte et beaucoup d’autres défis liés au coronavirus. Mais avec une “ dream team ” » d’une « grande mixité d’âge, d’origine, et de genre ».

« Visibilité dans l’espace public »

Son genre à elle, « ça n’est pas l’important ! Elle vit ici depuis 20 ans, on voit comment elle travaille. S’ils réussissent à recréer du lien, de l’animation, c’est tant mieux pour Tilloy ! », commente Hervé Fontanel, un habitant. « Ça crée du renouveau et on parlera plus du village ! », renchérit sa voisine Marie-Josée Godefroy.

Depuis le début de sa transition il y a 15 ans, Marie Cau n’a vécu ici « ni discrimination, ni brimades » : c’est rare, les gens sont bienveillants, malgré quelques maladresses, confie-t-elle. Si elle doit encore accomplir les démarches administratives pour modifier son état civil, elle utilise déjà couramment son troisième prénom de naissance « et les gens le respectent ».

De nature discrète, «  pas militante », « elle n’a pas eu de tabou, a parlé d’elle aux habitants qui posaient des questions » pour clore le sujet et « se concentrer sur l’action municipale », explique sa compagne et conseillère municipale Nathalie Leconte, «  surprise de l’énorme médiatisation de l’élection  ».

« Cette situation devrait être dans la normalité, puisque les gens votent pour une équipe et un projet », juge Marie Cau, attendant impatiemment « le jour où ce sera devenu un non-événement ».

Elle reconnaît toutefois que son élection peut contribuer à « banaliser les choses », montrer « que les personnes transgenres peuvent avoir une vie sociale et politique normale ».

« La visibilité trans, et donc la lutte contre la transphobie, passe aussi par l’exercice de responsabilités politiques ou publiques. Félicitations à Marie Cau ! » a tweeté dimanche la secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes Marlène Schiappa.

Plusieurs associations ont aussi salué une « première » qui, selon la co-présidente de SOS Homophobie Véronique Godet, va « marquer l’histoire des personnes trans et de la politique française ».

« On note aujourd’hui que beaucoup de personnes trans sont dans un processus d’émancipation, commencent à occuper des espaces publics dans lesquels elles étaient autrefois niées, avec la volonté de rendre progressivement invisible le genre, pour qu’on voit ce qu’elles apportent au collectif », s’enthousiasme la présidente d’Acceptess-T, Giovanna Rincon.

Elle espère «  voir ce type de progrès se démultiplier, jusqu’à ce qu’on élise un maire trans dans une grande ville comme Paris ».

« Le rêve » de Marie Cau serait «  plutôt de bâtir un village exemplaire, démontrer que de simples citoyens peuvent faire ici des choses qu’un gouvernement tout en haut n’arrive pas à faire ».

Avec l’AFP