« Je suis une sur deux » : Giulia Foïs balance son viol

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Chaque semaine avec « Pas son genre », elle partage avec invité.e.s et auditeur.trice.s un regard aiguisé sur notre société. Avec ce récit intime et porté par une force dingue, Giulia Foïs offre un texte généreux, implacable et inspirant.

Giulia Foïs
Giulia Foïs - Christophe Abramowitz / Radio France

Une femme sur deux sera au cours de sa vie victime d’un acte relevant de la violence sexuelle. Journaliste impliquée sur les sujets féministes et relatifs au genre sur les ondes de France inter, Giulia Foïs le sait très bien. Elle l’a vécu. Femme engagée, elle sera l’une des premières figures médiatiques à nourrir le mouvement #Balancetonporc sur Twitter en octobre 2017. Suite à des réactions nombreuses, diverses, mais essentiellement violentes, et à la confiscation de la parole par les médias et les hommes, elle écrira une chronique, sous forme de lettre ouverte à Twitter, qui énumérait avec intelligence, humour et profondeur, les raisons et vertus de la libération de la parole.

Une parole qui ne se libère pas par magie comme le sous-entendent les formulations toujours passives donc sans sujet (la parole est libérée) ou pronominales et autoréalisatrices (la parole se libère) qui tentent d’invisibiliser une fois de plus celles qui en sont les instigatrices. 

Si, avec ce livre, Je suis une sur deux, on retrouve le ton, l’esprit et l’honnêteté de Giulia Foïs, la journaliste s’y livre sans faux-semblants sur le viol dont elle a été victime il y a plus de 20 ans. Elle raconte tout, le crime lui-même, la façon dont le piège se referme si vite, la souffrance du moment et celle qui dure après, le regard des autres, le commissariat, la famille, la justice ou son simulacre. 

Giulia Foïs dissèque avec une lucidité froide ce moment de bascule dans sa vie.

En décrivant les sensations physiques, psychiques, les odeurs de sueur, le goût de la douleur dans la bouche, l’effroi, Giulia Foïs dissèque avec une lucidité froide ce moment de bascule dans sa vie. Et tout ce qui suivra : les non-dits, les années pendant lesquelles l’événement est caché sous un lourd couvercle censé le tenir à distance, la vie avec les « tac tac » angoissants des pas derrière soi le soir dans la rue et, la douleur du verdict qui, faute de preuves, sur le mode du parole contre parole, innocente le violeur parce que « bon contribuable, blanc et footeux, ça rentre pas dans la case ».

Héritages d’une société patriarcale

En faisant ce récit, ce #Balancetonviol puissant et détaillé, Giulia Foïs pointe du doigt les héritages encore présents d’une société patriarcale qui confond tout, le désir et des pseudo-pulsions, céder et consentir, le sexe et le crime, et va toujours chercher ce que la victime aurait mal fait ou pas anticipé. Une société qui n’écoute pas les femmes, les invisibilise, les infantilise ou les sexualise sans jamais se demander ce qu’elles pensent, vivent ou ressentent. Parce qu’il faut dire pour grandir, ce récit est un acte de partage fort, implacable et inspirant, un texte à la fois intime et altruiste, personnel et généreux, engagé et exemplaire. 

« Je suis une sur deux », par Giulia Foïs, Flammarion, 190 pages, 16 euros.