États-Unis : les travailleur.se.s du sexe seul.e.s face au coronavirus

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Aux États-Unis, comme en France, les travailleur.se.s du sexe ont vu leur activité réduite à néant et ne peuvent prétendre à aucune aide. Témoignages.

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Bruno ne prend aucun risque avec le coronavirus et a cessé de voir ses clients depuis près d’un mois : c’est un travailleur du sexe et la pandémie le laisse sans revenus et sans recours.

« Se prostituer a toujours été une option en temps de crise… Jusquà présent », sourit le jeune homme de 33 ans, qui a demandé à l’AFP de changer son prénom pour préserver sa vie privée.

Bruno a commencé cette activité voici environ deux ans dans la région de Los Angeles, justement parce qu’il ne parvenait pas à décrocher un emploi stable et bien payé, explique-t-il.

Son activité s’est effondrée avec la propagation du coronavirus et il s’étonne même de recevoir encore quelques appels de clients « quand on voit ce que le virus fait ».

Contrairement à la plupart des Américain.e.s qui se retrouvent au chômage, le jeune homme ne peut pas prétendre à une aide fédérale.

Celles et ceux qui fournissent « des produits ou services de nature ouvertement sexuelle » ne sont en effet pas éligibles aux prêts d’urgence destinés aux PME victimes de la crise sanitaire. On estime qu’ils et elles sont environ un million au total aux États-Unis.

« Le refus de notre gouvernement de reconnaître les travailleurs du sexe comme une forme d’emploi non-criminelle signifie que beaucoup d’entre eux risquent rapidement de se retrouver dans une situation financière désespérée », écrit Molly Simmons, elle-même travailleuse du sexe à New York, pour le Huffington Post.

Cette situation pourrait forcer certains d’entre eux à « accepter des clients à risque ou à s’exposer à des agressions ou un viol parce qu’ils doivent se nourrir, eux ou leurs enfants, et payer l’électricité », prévient-elle.

L’écrasante majorité d’entre eux n’a pas les moyens de se payer une assurance santé privée, relève la militante.

« Courir le risque »

Bien qu’il craigne de contracter le Covid-19, qui a déjà tué plus de 16.000 personnes aux Etats-Unis, Bruno envisage de reprendre le travail.

« Je vais devoir courir le risque, c’est le seul moyen pour moi de gagner de l’argent », estime Bruno, qui a bien conscience que son activité l’expose déjà dangereusement aux maladies sexuellement transmissibles.

Desert AIDS Project, une ONG spécialisée dans la lutte contre le sida en Californie, a émis des recommandations à destination des travailleur.se.s du sexe durant la pandémie.

« Lorsque vous négociez vos services, vos prix et que vous établissez les conditions, pensez aussi au coronavirus », conseille l’association, qui suggère notamment le port de gants.

« Mais comment être sûr que la personne fait attention ? », demande Bruno, perplexe.

D’autres organisations déconseillent purement et simplement toute rencontre durant la pandémie. Certaines ont appelé les clients réguliers à faire des dons ou à payer à l’avance pour des services, comme c’est déjà le cas pour de nombreux commerces classiques, restaurants notamment.

D’autres travailleur.se.s du sexe tentent de gagner leur vie depuis leur domicile, via des performances en webcam ou au téléphone avec des clients. C’est déjà le cas de certains amis de Bruno qui gagnent jusqu’à 3.000 dollars par mois.

Mais le jeune homme craint de dévoiler son identité. « Je ne critique pas, mais ce n’est pas mon truc. Je ne veux pas que mes difficultés financières me coûtent ma vie privée », tranche-t-il.

Avec l’AFP