Avec son exposition et son livre sur les tasses, le photographe Marc Martin redore le blason des pissotières

Publié le

Les badauds de tous horizons défilent en continu pour découvrir, ou redécouvrir, l’histoire particulière des pissotières de Paris dans cette expo de Marc Martin qui fait date. Visite guidée avec l'artiste.

les tasses
Marc Martin, « Merci, monsieur », 2018. Dans le cadre Art Nouveau des anciennes toilettes souterraines du métro, grâce au soutien du service patrimoine de la RATP. La connivence entre la gardienne immobile derrière son comptoir et les hommes qui passent à l’urinoir a été inspirée par une affaire de mœurs à Paris au début des années 1980 compromettant une gardienne, station Chaussée d’Antin, qui louait des cabines pour abriter les rencontres homos de ses clients.
Article Prémium

Au Point Ephémère, à l’occasion de l’exposition Les Tasses, toilettes publiques affaires privées, les badauds de tous horizons défilent en continu pour découvrir, ou redécouvrir, l’histoire particulière des pissotières de Paris. En fond musical, des tubes crypto-gays, YMCA, It’s Raining Men ou encore Where is My Man accompagnent la visite et enveloppent l'ensemble d'un air de légèreté.

« C’est toute ma jeunesse à Paris ! », s’écrie Paul*, 88 ans, que nous rencontrons lors de notre visite au Point Éphémère. Paul n’a pas l’habitude de trainer dans ce quartier mais, sur le conseil d’un ami, il s’est déplacé au nord de Paris. Arrivé d’Allemagne au début des années 1960, il a été ce jeune gay débarqué dans un pays étranger, à la recherche de relations, intimes et amicales. « Les tasses [urinoirs publics exclusivement destinés aux hommes, ndlr] étaient au milieu de notre sexualité et de notre quotidien, se souvient-il. J’ai connu des gens célèbres, pas célèbres. On se reconnaissait. À part les tasses, on n’avait rien. » Des étoiles dans les yeux, il raconte ces « gens qui jetaient des coups d’œil » et ces « mal-mariés » qui venaient pour quelques instants d’intimité, mais aussi des présentateurs de la télé, aperçus dans la tasse du square derrière Notre Dame. Paul pouvait passer dans deux ou trois pissotières différentes à la nuit tombée, « pour dormir mieux », sourit-il. Parfois, l’échange se poursuivait en-dehors, autour d’un café ou d’un verre.

Sur les murs du Point Éphémère, photos d’époque, coupures de journaux et œuvres du photographe et plasticien Marc Martin, à l’origine de cet événement et auteur du livre Les Tasses (paru le 7 novembre 2019), reconstituent le puzzle de la vie de ces milliers d’hommes qui se sont côtoyés, comme Paul, au détour des vespasiennes parisiennes. Il en existait 4000 à Paris au début du 20e siècle !

Isolés par les parois des tasses, et pourtant exposés au milieu des villes, les hommes, jeunes et vieux, de toutes origines, bandaient en silence. Sans échange verbal ou presque, le sexe sorti, les regards échangés, l’affaire était rapidement conclue.

Outrage public à la pudeur

Pour continuer la lecture de cet article :

Vous avez déjà un accès ?

Identifiez-vous

Centre de préférences de confidentialité