RIC, débat national et « re-légitimisation » : et si on laissait le mariage pour tous tranquille ?

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ÉDITO. Pas un jour ne passe sans que soit fait mention du mariage pour tous autour du RIC. Mais s'il vous plaît, peut-on arrêter de tout le temps remettre cette avancée des droits sur le tapis ?

5 ans du mariage pour tous : première danse couple d'hommes fraîchement marié
5 ans du mariage pour tous : les réseaux sociaux entre célébration et revendications - Rawpixel.com/Shutterstock

Et si on lâchait la grappe au mariage pour tous et toutes ? Pourtant votée en 2013 après un très, très, long débat, la loi Taubira revient régulièrement sur le devant de la scène. Dernier exemple en date, le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) et les interminables discussions pour savoir si l’ouverture du mariage aux couples de même sexe pourrait être remise en cause par cette mesure. Oui, l’exercice intellectuel est intéressant. Oui, on a bien entendu les arguments (légitimes) des pro et anti-RIC, on en a même tiré un papier. Mais s’il vous plaît, peut-on arrêter de tout le temps remettre cette avancée des droits sur le tapis ?

C’est quoi le problème ? Alors que l’on parlait pouvoir d’achat, le mariage pour tous et toutes s’est retrouvé encore une fois au cœur d’une polémique. Et tout le monde y est allé de son avis. Il y a ceux et celles qui pensent que l’on pourrait refaire voter les Français.e.s dessus. Il y a aussi ceux et celles qui estiment qu’il ne faut pas avoir peur de la majorité. N’oublions pas non plus Alexis Corbière, fumant député Insoumis qui estime que le mariage pour tous et toutes pourrait même se retrouver « re-légitimé » si les électeurs et les électrices votaient à nouveau à ce sujet. Après tout pourquoi pas. Peut-être devrait-on re-voter sur la loi Taubira tous les deux ans ? Ou même tous les six mois ? Mais si, juste pour être sûr.e.s. On croit rêver.

Peut-on passer à autre chose ?

On se passera bien de re-légitimer quoi que ce soit. Parce que oui, la loi ouvrant le mariage aux couples gays et lesbiens est tout à fait légitime. Elle n’est plus toute jeune (presque six ans déjà), a été longuement débattue et s’est largement installée dans le quotidien des habitants et habitantes de la France. Les mariages de couples de même sexe représentent 3 % de tous les mariages. Et les sondages donnent un taux d’adhésion de la population qui oscille entre 65 % et 70 %. Même Alain Juppé et le plateau de fruits de mer ne sont pas aussi populaires. Le consensus national semble être clair : la mesure est acceptée et la population est passée à autre chose.

Et pourtant, les politiques et les journalistes n’ont, semble-t-il, que ce terme là à la bouche. Comme si un vote sur l’ISF, la privatisation de la SNCF ou la politique vélo du gouvernement n’était pas plus intéressante. Comment l’expliquer ? La Manif pour tous, et les organisations nébuleuses qui lui tournent autour, a sûrement sa part de responsabilité : le sujet n’est jamais sorti de l’actualité parce que l’association mène une campagne perpétuelle contre le sujet. En témoigne l’arrivée en tête de l’abrogation du mariage pour tous et toutes sur la récente consultation du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Mais les journalistes ont aussi leur part de responsabilité.

« Chers confrères, chères consœurs, vous faites croire que la mesure est encore clivante »

Oui, chers confrères, chères consœurs, vous avez aussi votre rôle à jouer. Les propos d’Alexis Corbière ont beau être ineptes, il ne les a prononcés que parce qu’il était interrogé à ce sujet par une journaliste. Quand vous multipliez les sujets polémiques sur la loi Taubira, lorsque vous posez sans cesse cette même question aux politiques et aux gilets jaunes, vous faites croire que la mesure est encore clivante, qu’elle n’est pas acceptée par une grande partie de la population. C’est violent pour les personnes LGBT+ (voir ses droits sans cesse être remis en question n’est pas des plus agréables, il faut bien en convenir). Pire, vous participez à l’idée que l’on peut sans cesse remettre sur le tapis les droits des minorités. Non, le mariage pour tous et toutes n’est pas « le bon exemple » que vous pouvez brandir comme vous voulez, il n’est pas un joujou, ni un droit accessoire qu’on pourrait discuter. La mesure est fondamentale pour les personnes LGBT+ de ce pays.

On voit bien, d’ailleurs, comment le fait que le débat entourant le RIC se focalise autour du mariage pour tous et toutes (et de la peine de mort), arrange bien le gouvernement. Il est tellement plus simple d’aller s’indigner dans les médias en disant, la main sur le cœur, que promis, « on ne revotera pas sur la loi Taubira » que de faire preuve de courage politique. Vraiment, c’est trop aimable, mais nous attendons plutôt la PMA pour les couples lesbiens, les femmes célibataires et les hommes trans, ainsi qu’une politique de lutte contre les LGBTphobies digne de ce nom.

Rappelez-vous juste que les personnes LGBT+, pour peu que vous vous souciez d’elles, se portent mieux quand elles ne sont pas le focus d’un incessant débat politico-médiatique. Merci.

  • phil86

    Et si on militait pour la suppression du mariage tout court ? Ce machin ne veut plus rien dire tout le monde divorce au bout de quelques années.