3 questions à Fred Navarro, militant d'Act Up-Paris séropositif depuis 1986, sur les traitements antirétroviraux

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« On ment aux nouvelles générations en leur racontant que c’est une maladie chronique comme une autre ! Comme si c’était pareil que le diabète de mémé ou le cholestérol de pépé, au pire quelques pilules et le tour est joué ! »

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3 questions à Fred Navarro, militant d'Act Up-Paris séropositif depuis 1986, sur les traitements antirétroviraux - Tuttoo / Shutterstock

Fred Navarro, militant d’Act Up-Paris (président de l’association de 2012 à 2013), a découvert sa séropositivité en 1986. Depuis ces 32 années écoulées et à l’approche de la trentième Journée mondiale de lutte contre le sida, l’activiste dresse le bilan des traitements et questionne les politiques de santé publique sur la question du VIH.

Komitid : Comment avez-vous vécu l’arrivée des traitements antirétroviraux ? 

Fred Navarro : Les trois ou quatre premières années, je les ai perdues à faire le deuil de ma vie. Les premiers traitements étaient alors très lourds : je devais faire sonner mon réveil toutes les quatre heures ! J’avalais, jours et nuits, 36 gélules au total. Que dire si ce n’est de parler des effets indésirables hallucinants que cela provoquait… Je ne dormais quasi plus et passais mon temps la tête dans la cuvette pour vomir mes tripes, ou dessus pour me vider par diarrhées irrépressibles et incontrôlables.
« J’avalais, jours et nuits, 36 gélules au total »
Bien sûr, je dépérissais car après avoir avalé tout cela, je n’avais plus d’appétit. Je vous passerais aussi les douleurs dues aux neuropathies, les lipodystrophies, les envies de mort subites qui me trottaient en tête, les angoisses du lendemain, la liste des pertes d’ami.e.s qui s’allongeaient au fil des jours, etc. Puis vint le temps de reperdre trois années à faire le deuil de mon deuil. Dans une vie d’humain, ce n’est pas très sensé.

Quel état des lieux feriez-vous de la question des traitements en 2018 ?

Le temps passant et les différentes combinaisons d’antirétroviraux se succédant, la survie est devenue plus simple. Aujourd’hui, même si je ne fais toujours pas de projets à long terme, je n’ai plus qu’une gélule par jour et oui, ça change la vie ! Mais malgré le fait que cela soit moins violent, je tiens à dire que bientôt 35 ans après le début de l’épidémie, il y a toujours en France, rien que sur l’Hexagone, quelques milliers de personnes qui ne connaissent pas leur statut sérologique et qui, du coup, continuent à dispatcher le virus…

« On ne fait que survivre »

En tant qu’activiste militant au sein d’Act Up-Paris, je trouve que cette épidémie est et reste une épidémie politique à cause des mauvais traitements des dispositions prises par les responsables politiques qui se sont succédé.e.s. Sans compter que l’on ment aux nouvelles générations en leur racontant, eux qui ont eu la chance de ne pas traverser ni connaitre ces années noires d’hécatombes, que c’est une maladie chronique comme une autre. Comme si c’était pareil que le diabète de mémé ou le cholestérol de pépé, au pire quelques pilules et le tour est joué ! Non, on ne fait que survivre.

Pour cette trentième Journée mondiale de lutte contre le sida, quel message avez-vous envie de faire passer ?

Le sida, une fois suffit pour l’attraper. À quoi bon risquer la roulette russe pour une partie de plaisirs ? Et pourquoi préfère-t-on promouvoir des traitements, plus proches des chimiothérapies que des cachets d’aspirine et qui ont des effets secondaires terribles pour les os et les reins ? En un an et demi de Truvada — le médicament aussi prescrit pour la PrEP — j’ai été diagnostiqué à un stade d’ostéoporose critique ! On continue de mourir du sida, certes moins rapidement mais quand même, les facteurs de co-morbidités font que nos organes vieillissent pour beaucoup plus vite que la moyenne et imaginez des corps constamment en inflammations, ça use.
«  Des traitements plus proches des chimiothérapies que des cachets d’aspirine »
Et quid d’un vaccin curatif, après un vaccin préventif, qui ne sont toujours pas à l’ordre du jour ? Je ne rêve que de ça, qu’un chercheur entre enfin dans l’histoire, comme Pasteur en son temps, et trouve ce vaccin curatif, pour que je puisse recommencer ma vie au moment où ce virus intelligent s’est invité dans ma vie, sans me demander mon avis.
  • phil86

    Respect à ce grand combattant pour la vie. Mon parcours avec le vih a été moins lourd que le sien mais j’ai subi les lipodystrophies et elles m’ont obligé à cesser de travailler ce que certaines personnes de mon entourage ne sont pas parvenues à comprendre. Bilan je suis en retraite fortement anticipée avec 50% de perte de revenu et encore je suis fonctionnaire ça m’a protégé du chômage et AAH. Les traitements sont moins toxiques aujourd’hui mais bon ça génère diabète et problèmes cardio vasculaire. Il vaut mieux vivre sans le vih ! La prep même si c un médoc pas innocent c mieux que de devenir séropo et sans elle beaucoup auraient été contaminés. Donc il faut peser les bénéfices et les inconvénients. Faites vous dépister surtout parce que si vous êtes séropo sans le savoir vous risquez de tomber très gravement malade et de contaminer les autres.