3 questions à Jonathan Thibodeau Lacasse, fondateur des spectacles « Les Drags Te Font Signe » à Montréal

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À Montréal, voici déjà trois ans que des soirées drag se font entièrement accessibles pour les personnes sourdes et malentendantes. Rencontre.

L'interprète langue des signes Mahée Blais-Bernatchez et la drag queen Tracy Trash pour Les Drags Te Font Signe - Daniel Gomez-Santiago
Jonathan Thibodeau Lacasse, drag queen à ses heures et organisateur d’événements queer par et pour les personnes sourdes et malentendantes au Québec vient de boucler la troisième édition de ses soirées « Les Drags Te Font Signe » à Montréal. Il nous raconte le pourquoi du comment de ces manifestations drag flamboyantes… et accessibles.

Quel est le principe des soirées « Les Drags Te Font Signe » ?

Les Drags Te Font Signe c’est un organisme sans but lucratif qui produit des spectacles accessibles en Langue des Signes Québécoise et dont les fonds amassés les soirs de spectacles sont versés à une organisation qui œuvre auprès de la communauté sourde. Pour l’instant, nos spectacles sont essentiellement des shows de drag queens au Cabaret Mado à Montréal, et nous en sommes déjà à notre troisième édition.

« Les fonds amassés les soirs de spectacles sont versés à une organisation qui œuvre auprès de la communauté sourde »

À quoi ressemble un spectacle accessible ? Il y a en fait deux types de numéros : une artiste drag queen qui fait sa performance et un.e artiste interprète qui l’accompagne sur le côté, ou alors, un.e artiste se déguise en drag queen et interprète elle-même ou lui-même, la chanson.

Les interprètes des chansons peuvent être des personnes sourdes. C’est une de nos valeurs de permettre plus de représentation des personnes sourdes sur scène. À ce moment-là, la personne sourde aura dans la salle un.e interprète entendant.e, qu’on appelle un miroir, pour suivre le rythme de la chanson interprétée. D’ailleurs, les paroles des chansons jouées lors du spectacle sont toujours projetées sur un écran pour permettre une meilleure accessibilité pour tou.te.s.

Depuis quand ce projet existe-t-il et pourquoi l’avoir lancé ?

L’idée de ce spectacle a démarré lorsque j’étudiais l’AEC (diplôme d’enseignement technique, ndlr) en Communication et Surdité (maintenant Communication et Études sourdes) au Cégep du Vieux-Montréal. À la première session, j’ai exécuté un travail de recherche sur ce qui était accessible pour les personnes sourdes au niveau culturel et je me suis rendu compte qu’il n’y avait rien. Ainsi, à la deuxième session, j’ai décidé de mobiliser ma cohorte à créer un évènement accessible pour elles, et par le fait même, récolter de l’argent pour un organisme qui travaille auprès des concerné.e.s. C’était aussi une façon de festoyer notre fin de programme et de mettre à profit nos acquis.

« Nous avons amassé 2 232 euros pour le Centre des Loisirs des Sourds de Montréal »

Drôlement par ailleurs, il y a plusieurs personnes sourdes, malentendantes ou alliées – des interprètes, entre autres – qui font aussi partie de la communauté LGBTQ+, alors j’ai conclu qu’un show de drag queen au Cabaret Mado serait le lieu idéal. Lorsque j’ai développé cette idée pour la première fois, j’étais loin de me douter qu’il y aurait d’autres éditions ! Nous venons tout juste de terminer la troisième qui était cette année sur deux soirs et nous avons amassé 3 395 dollars (environ 2 232 euros, ndlr) pour le Centre des Loisirs des Sourds de Montréal. L’entreprise a été enregistrée en mars 2018 pour nous permettre le développement et entre autres, octroyer des salaires, car tous les acteurs et actrices du projet sont bénévoles pour l’instant.

Quels sont les retours que vous avez dans les communautés sourdes, malentendantes et queer à propos de vos événements ?

Le retour que nous avons jusqu’à présent est positif. Les sommes récoltées sont très intéressantes chaque année. Les organismes de personnes sourdes et malentendantes nous sollicitent pour d’autres spectacles de levées de fonds. Les spectateurs sont fidèles et nous partagent leur bons commentaires.
« Nous avons rendu un lieu culte LGBTQ+, le Cabaret Mado, accessible pour la première fois en 2016 »
Certains spectateurs et certaines spectatrices se déplacent durant plus de 3 heures de route pour assister au show, car ils et elles ont de l’intérêt envers ce type de soirée, mais aussi parce qu’ils et elles n’ont que très peu d’événements culturels accessibles. Ils et elles ne veulent pas les manquer lorsqu’il y en a ! Nous avons rendu un lieu culte LGBTQ+, le Cabaret Mado, accessible pour la première fois en 2016 lors de la toute première édition et c’est très apprécié de la communauté sourde.