L'athlète Caster Semenya sera-t-elle à nouveau empêchée de participer aux compétitions ?

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La championne olympique sud-africaine, mais aussi d'autres sportives, devront se soumettre à un traitement hormonal si elles veulent continuer à avoir leur place dans les compétitions de haut-niveau.

Caster Semenya aux JO de Londres en 2012 - Citizen 59 / Flickr
Caster Semenya aux JO de Londres en 2012 - Citizen 59 / Flickr

C’est L’Équipe qui a révélé cette semaine la menace qui risque de peser lourd pour certaines sportives de haut-niveau : l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF) va imposer de nouvelles règles qui remettront en cause la capacité des athlètes ayant une « différence de développement sexuel » à concourir dans la catégories Femmes. Sont donc visées les sportives dites hyperandrogènes, dont le corps sécrètent un excès de testostérone, ce qui influencerait leurs performances. Pour pouvoir participer aux compétitions de haut-niveau, elles devront s’astreindre à un traitement en vue de faire baisser leur production naturelle d’androgènes.

Caster Semenya, toujours dans le collimateur de l’IAAF

D’emblée, c’est la coureuse sud-africaine de 27 ans Caster Semenya qui a été désignée comme directement visée par cette nouvelles mesure. En 2009 lors des championnats du monde de Berlin, elle avait fait l’objet d’une enquête d’expert.e.s missionné.e.s pour vérifier son genre et lui faire passer un test de féminité. Accusée d’être un homme, dénigrée dans les médias, elle avait subi une véritable chasse aux sorcières et diverses accusations. Une humiliation pour la championne. Intersexe, Caster Semenya est née avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions typiques du masculin et du féminin (selon la définition du Collectif Intersexes et Allié.e.s). Elle avait finalement pu réintégrer la compétition en 2010. En 2016 à Rio, remportant la finale du 800 mètres, la coureuse a pris sa revanche, et s’est encore imposée aux derniers jeux du Commonwealth en remportant la médaille d’or dans deux disciplines. Mais Caster Semenya n’est pas la seule dans le viseur de l’IAAF : on compte aussi la coureuse indienne Dutee Chand, empêchée de participer aux jeux du Commonwealth en 2014, ou encore Pinki Pramanik, elle aussi forcée de subir un test de féminité et traînée dans la boue en 2012.

Caster Semenya a en tout cas réagi sur les réseaux sociaux, non sans une certaine ironie :

L’IAAF se défend évidemment de toute intention de stigmatiser les sportives et affirme avoir « pour seul objectif de garantir l’équité des compétitions dans la catégorie féminine, pour le bénéfice de l’ensemble des athlètes féminines. Il ne s’agit en aucun cas de porter un jugement ou de remettre en question le sexe ou l’identité de genre d’un athlète. » Toutefois cette nouvelle restriction, qui prendra effet en novembre prochain, sonne comme une redite. En 2011, l’IAAF avait déjà tenté de la mettre en œuvre avant que le Tribunal arbitral du sport (TAS) ne la fasse annuler. En sera-t-il de même  avec cette nouvelle mesure ?

Une décision très critiquée

Pour l’African National Congress, parti au pouvoir en Afrique du Sud, cette décision n’est ni plus ni moins qu’une « atteinte aux droits humains des athlètes » : « Ces connotations racistes ne peuvent rester inaperçues. Ces règles sont un rappel pénible de notre passé où un gouvernement injuste a légiféré tout particulièrement pour que certains activistes ne puissent exprimer leur combat contre un système injuste. »

Interrogé par Le Monde, l’entraîneur Pierre-Jean Vazel souligne les nombreux problèmes que posent la décision de l’IAAF. Pour lui, la corrélation entre la performance et le taux élevé de testostérone est bien plus complexe que ce que l’IAAF affirme  : « Ce sont des idées préconçues parce que cette ligne ne regarde la performance que par le prisme de la testostérone. Aujourd’hui, on sait que ce n’est pas juste. […] On oublie aussi de rappeler que toutes les femmes hyperandrogynes ne bénéficient pas de qualités physiques exceptionnelles. Toutes ne sont pas athlètes de haut niveau même si, à Rio, le podium du 800 m était composé exclusivement de ces athlètes. C’est très rare. Le syndrome n’est pas nouveau, il a toujours existé. Toutes ne font pas des podiums. »