Robert Badinter : « Ce n’est pas parce que c’est terminé ici que ce fléau de la répression de l’homosexualité doit subsister »

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L'association française des avocats LGBT+ organisait jeudi 22 juin une conférence sur les 40 ans de la loi de 1982 qui allait dépénaliser l'homosexualité en France.

Robert Badinter est intervenu en vidéo à la Conférence organisée par l'Association des avocats LGBT+, le 22 juin 2022, à Paris - Christophe Martet pour Komitid
Robert Badinter est intervenu en vidéo à la Conférence organisée par l'Association des avocats LGBT+, le 22 juin 2022, à Paris - Christophe Martet pour Komitid

L’Association française des avocats LGBT+ organisait jeudi 22 juin une conférence sur les 40 ans de la loi de 1982 qui allait dépénaliser l’homosexualité en France.

A cette occasion, Robert Badinter, ex-Garde des Sceaux, à la manoeuvre pour faire passer cette loi au Parlement, est intervenu en vidéo (prévention du Covid oblige) devant 250 personnes dont beaucoup de jeunes juristes.

L’ardent défenseur des droits humains, l’auteur d’une pièce magnifique sur Oscar Wilde (C.3.3.,), a fait revivre dans son témoignage les moments forts de la discussion parlementaire en 1981 et 1982.

Il a rappelé que c’est l’avocate Gisèle Halimi qui a défendu le texte en tant que rapporteur des lois en décembre 1981, devant un hémicycle quasi vide. « Nous avions un créneau dimanche après midi en décembre, 15-17 députés étaient présents mais les tribunes étaient pleines. » Robert Badinter rappelle un moment savoureux de son discours quand il s’est interrogé malicieusement : « Et si le soldat inconnu était homosexuel ? »

Comme il l’a souligné, « Ce n’est pas au législateur de faire la police des mœurs. Pour moi c’était évident. »

Au Sénat, majoritairement à droite, l’opposition est farouche. « Trois fois, ils ont refusé. »

C’est finalement le 27 juillet 1982 que la loi est votée. Mettant fin à des dizaines d’années de répression depuis que le régime de Vichy avait mis en place ces articles de loi discriminatoires (et qui ne seront pas abandonnées à la libération…).

Après ses souvenirs, Robert Badinter, très en verve, a interpellé les « gays des pays occidentaux ». 

« Je ne suis pas content parce que les gays des pays occidentaux qui bénéficient de ces lois qui s’imposent et bien ont obtenu le pacs, le mariage, je trouve qu’ils ne sont pas assez mobilisés pour les communautés homosexuelles discriminées. Je trouve qu’il n’y a pas assez de sensibilité aux autres. Parce qu’on a réglé le problème ici on est indifférent aux problèmes des autres ? J’en appelle à cette mobilisation. Gays de tous les pays mobilisez vous ! Ce n’est pas parce que c’est terminé ici que ce fléau de la répression de l’homosexualité doit subsister. »

Régis Schlagdenhauffen à la Conférence organisée par l'Association française des avocats LGBT+

Régis Schlagdenhauffen intervient à la Conférence organisée par l’Association française des avocats LGBT+ – Christophe Martet pour Komitid

Cette conférence a eu d’autres moments forts, notamment lorsque Régis Schlagdenhauffen, maître de conférence à l’EHESS, a présenté ses travaux sur la quantification de la répression de l’homosexualité en France, entre 1942 et 1982. Il a pu en effet, à partir du Compte général de la justice, avancer le chiffre de 10 000 condamnations durant cette période avec des personnes plutôt jeunes (99 % d’hommes).

Un autre chiffre, qui est révélé en exclusivité hier et qui nécessite une consolidation, est celui des condamnations pour outrage public à la pudeur. Régis Schlagdenhauffen estime qu’il y aurait eu 70 000 condamnations de personnes de même sexe.

La conférence s’est conclue par le témoignage de Michel Chomarat, militant gay de la première heure, et qui fait partie des derniers condamnés pour homosexualité. Né en 1948, il a rappelé son arrestation dans le bar avec backroom Le Manhattan, au printemps 77, avec plusieurs autres clients ainsi que le patron du bar. L’accusation d’outrage public à la pudeur (dans un lieu privé et filtré) est incompréhensible pour lui et il ira jusqu’à le Cour de cassation pour faire annuler (sans succès) sa peine (de 500 francs).

Il a aussi rappelé que, au delà des peines (dans ce cas mineures), ces procès étaient souvent médiatisés et Michel Chomarat n’a pas manqué de dire qu’il a connu des gays qui se sont suicidés suite à des articles de presse les jetant en pâture.

Celui qui a créé, en 2005, le Centre de ressources documentaires gay et lesbiennes à la Bibliothèque municipale de Lyon, est aussi à l’origine avec têtu de la pétition réclamant la réhabilition des victimes de la répression.

  • phil86

    Le milieu associatif LGBT a tout fait pour empêcher l’émancipation des gays et des lesbiennes du modèle hétéro patriarcal je ne vois pas comment cela pourrait être un progrès

  • phil86

    Pas loin de 10 ans après l’adoption de la loi sur le mariage pour tous il est peut-être temps de faire un bilan de la situation qui en découle et force de constater que ce bilan n’est pas reluisant disons qu’il y a eu 30 % d’effets bénéfiques et 70 % d’effet néfaste en effet si la loi a permis l’égalité de droit elle a aussi déboucher sur une flambée d’homophobie qui dure et cela devrait nous interroger on aurait en effet pu éviter cet effet néfaste indéniable et conserver simplement l’effet positif de l’égalité de droit si cette loi avait été votée de façon plus saine les politiques et les associations LGBT en ont fait tout un drame ce qui a eu comme conséquence d’exciter les homophobes il aurait mieux valu que cette loi soit votée de façon plus naturelle et plus simple et en même temps que les associations proposent autre chose au gay et aux lesbiennes que de se marier et de faire des gamins ce qui ne peut que faire perdurer l’assignation des LGBT au modèle hétérocentré et hétéro patriarcale et cela ne me semble pas du tout positif bien au contraire surtout que l’on voit que ça a débouché sur toujours plus d’homophobie. Malheureusement le milieu LGBT ne me semble pas disposer à faire son auto bilan. Il est en grande partie responsable de la montée de l’homophobie. En faisant de cette loi une disposition idéologique il n’a fait qu’exacerber l’homophobie du camp d’en face si bien que aujourd’hui ces deux positions idéologiques radicalement opposées sont devenues les deux faces d’une même médaille. On ne peut que constater l’échec patent du milieu associatif LGBT pour émanciper les gays et les lesbiennes du modèle hétéro normé hétéro patriarcal puisque il n’a fait que rendre cette émancipation impossible en enfermant les gays et les lesbiennes dans un modèle foncièrement homophobe