Témoignage : « Tout a commencé juste après la mise en place des nouvelles lois de Trump… »

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Citoyen français résident aux Etats-Unis depuis 15 ans, Jérôme Roux doit faire face à une administration américaine qui lui aurait retiré sa green card et son droit de résidence en octobre 2021. Jérôme craint depuis d'être séparé de son enfant né par GPA il y a six mois. Témoignage.

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Jérôme Roux - DR

Jérôme Roux est un citoyen français vivant aux Etats-Unis depuis 15 ans et qui est papa d’un enfant né par GPA. Mais depuis plusieurs années, Jérôme doit faire face à une administration américaine qui lui aurait retiré sa green card et son droit de résidence en octobre 2021. Jérôme craint aussi d’être séparé de son enfant né par GPA il y a six mois. Comment en est-on arrivé là ? Komitid a recueilli son témoignage.

Komitid : Pouvez-vous nous dire quel est votre travail aux Etats-Unis ?

Jérôme Roux : Je suis marketeur et ai travaillé essentiellement dans les industries de la beauté et la mode. Mais ces deux dernières années ont été très compliquées professionnellement au regard des problèmes que l’Immigration américaine m’ont causés sans aucune raison valable. Notamment un gel de mon droit de travailler pendant des mois en 2020, qui a eu des conséquences directes sur ma carrière.

Depuis combien de temps y êtes-vous installé ?

Cela fait 15 ans que je vis aux Etats-Unis. J’ai passé 13 ans à New-York, et cela fait plus de deux ans que je suis installé à Los Angeles. C’est donc en Amérique que j’ai construit la majorité de ma vie d’adulte, ma carrière, mon réseau, et un mode de vie. Par ailleurs, c’est symboliquement le pays où je suis également devenu papa il y a six mois.

Votre enfant est né aux Etats-Unis par GPA. Etait-ce un projet commun avec votre ancien époux américain ?

Mon fils a effectivement été conçu par GPA en Californie. Le projet de parenté avec mon ex-mari était une adoption à l’époque. Un projet que nous avions commencé ensemble il y a sept ans, mais qui a été avorté un an après car il ne souhaitait plus devenir père à ce moment. N’ayant au final toujours pas changé sa position sur le sujet quatre ans plus tard, ce différend est devenu le point culminant de notre rupture. Me retrouvant homme célibataire et de surcroît gay, les chances d’adoption se réduisent d’autant plus dans un tel contexte. J’ai par conséquent pris la décision de m’orienter seul vers une GPA suite à notre divorce.

Depuis quand êtes-vous sous le coup d’une procédure d’expulsion ?

Les menaces d’expulsion des services d’Immigration ne se sont encore pas encore officialisées par une procédure active de déportation (le nom utilisé par les autorités étasuniennes, ndlr). Les officiers en charge de mon cas mettent néanmoins tout en place pour en arriver à ce stade depuis que Trump a imposé des lois de réduction substantielle d’octroi et de renouvellement de statut de résidence, ainsi que des mesures anti-immigrants LGBTQI+.

« Après une série de refus systématiques de l’extension de ma résidence permanente, un agent m’a physiquement confisqué ma green card »

Quels sont les motifs avancés pour justifier cette procédure ?

Toutes leurs démarches sont couvertes sous de fausses allégations de mariage blanc, qui avaient d’ailleurs été amorcées avant mon divorce. Et ce, malgré une multitude de preuves indéniables, ainsi qu’une trentaine de déclarations sous serment de mon ex-mari, sa famille, notre entourage, et de professionnels. Après une série de refus systématiques de l’extension de ma résidence permanente, un agent m’a physiquement confisqué ma green card, puis les menaces d’expulsion ont commencé quelques mois plus tard. Le mariage frauduleux est un crime fédéral passible d’expulsion ou jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 250 000 dollars (220 000 euros environ).

Je ne connais pas précisément le droit des étrangers aux Etats-Unis, mais si vous aviez obtenu la green card par le mariage avec un citoyen américain, cette autorisation de résidence n’est-elle pas annulée en cas de divorce ?

Généralement non mais cela dépend des cas, et / ou des officiers en charge de votre dossier. Une chose est sûre et indiquée dans leurs procédures, l’autorisation de résidence n’est pas remise en cause si le mariage a au moins duré deux ans. Mon divorce a eu lieu quatre ans après le mariage donc mon statut d’immigration n’était donc pas censé être à risque à la base. Par ailleurs, les officiers ont émis leurs premiers refus d’extension de ma résidence avant même le divorce. Tout a commencé juste après la mise en place des nouvelles lois et directives de Trump dont la nomination de certains dirigeants anti-immigrants et homophobes à la tête des services d’immigration, comme les médias l’ont fortement décrié.

Quelles démarches avez-vous déjà effectuées auprès des autorités étasuniennes ? Avez-vous dû faire appel ?

Les avocats ont déjà fait tout ce qu’il est possible de faire. Lors d’un nouvel entretien requis par l’Immigration pendant lequel les dernières menaces d’expulsion m’avaient été relayées, j’ai été informé que l’intervention d’avocats ne changerait rien à la décision finale des officiers à ce stade du processus. Ayant épuisé les recours d’ordre juridique, j’ai plus récemment eu la chance d’être mis en relation avec trois entités politiques, dont le Congrès Américain. Ils continuent à mettre la pression sur les services d’Immigration en leur demandant notamment d’arrêter de nouvelles investigations avancées qu’ils ont initiées pour mon cas en fin d’année dernière. Depuis que j’ai atteint ces sphères politiques élevées, j’ose espérer que justice finira par être faite et prochainement car cela fait bien trop longtemps que ces problèmes perdurent.

Pour votre enfant, quelles démarches avez-vous effectuées auprès des autorités consulaires françaises pour faire reconnaître vos droits, en tant que parent de cet enfant ?

J’ai eu un premier rendez-vous en personne pour discuter de la constitution du dossier, et tout était clair pour la continuité du processus ayant pour but d’obtenir sa nationalité et son passeport français. Un acte de reconnaissance m’avait d’ailleurs été délivré à cette occasion, et un second rendez-vous de suivi avait également été planifié en même temps. Il fut néanmoins annulé quelques semaines plus tard en invoquant qu’entre temps, le procureur de la République a demandé au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères de suspendre toute transcription d’acte de naissance étranger dans le cadre d’une GPA ou d’une PMA. Il m’avait été demandé de faire appel à un avocat. Ces décisions sont prises de manière aléatoire et semblent toucher plus particulièrement les parents et enfants ne résidant pas en France. J’ai récemment trouvé un support alternatif qui j’espère m’aidera à régler cette situation. Dans le cas inverse, mon cas devra passer en Justice.

« Je réclame tout simplement le respect de la démocratie ainsi que l’égalité pour tous les enfants conçus par GPA »

Avez-vous rencontré les autorités françaises sur place ? Et si oui, que vous ont-elles dit ?

Non pas en France car ma situation avec l’Immigration américaine ne me permettait pas de quitter les Etats-Unis à cette période. Mon fils n’a pas encore reçu son passeport américain et ne peut donc pas non plus voyager en dehors du territoire.

Qu’attendez-vous maintenant des autorités françaises ?

Je réclame tout simplement le respect de la démocratie ainsi que l’égalité pour tous les enfants conçus par GPA. Sans exceptions, sans discriminations aléatoires. Bien que la GPA ne soit pas autorisée en France* (il ne s’agit pas du sujet), le droit du sang est le droit humain immédiat le plus basique, et ne devrait donc être en aucun cas enfreint. Par ailleurs, oser demander à des parents de devoir payer sans aucune garantie des avocats pour ce droit fondamental à la citoyenneté, est une hérésie absolue. Il est temps que ces mesures abusives cessent pour tous les membres de cette communauté.

*« Une GPA légalement faite à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la transcription de l’acte de naissance des enfants désignant le père biologique et le père d’intention », a confirmé la Cour de cassation en décembre 2019.