Malgré des lois tolérantes LGBTI+, l'Afrique du Sud peut être un rêve brisé pour les réfugié·es queer

Publié le

Avec ses lois parmi les plus progressistes au monde, l'Afrique du Sud attire des migrants LGBTI+ de tout le continent, qui fuient les persécutions et l'homophobie.

La Pride March de Johannesbourgh en 2019 - canyalcin / Shutterstock

Son frère l’a surpris au lit avec un homme. Pendant ses sept jours de fuite en bus vers l’Afrique du Sud, loin de sa famille et du Kenya qui le considère comme un criminel, Pallo Mandela, désormais demandeur d’asile, rêve de liberté.

Armé d’une bouteille, son frère a tenté de le frapper à la tête : « Il est devenu très agité, comme fou. Il a dit qu’il allait me tuer ». La police vient arrêter le jeune homme de 27 ans, en raison de son orientation sexuelle. Sans l’aide de militants et quelques pots-de-vin pour l’aider à « disparaître », il serait derrière les barreaux.

Depuis un an, il vit dans une petite maison de la banlieue de Pretoria. Il a choisi l’Afrique du Sud car « c’était le seul endroit où je savais que le gouvernement accueillait les personnes queer », raconte-t-il à l’AFP. Mais ses espoirs ont vite fané.

Avec ses lois parmi les plus progressistes au monde, l’Afrique du Sud attire des migrants LGBTI+ de tout le continent, qui fuient les persécutions et l’homophobie.

Le pays a été le premier à interdire dans sa Constitution de 1996 la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Et en 2006, il a été le premier en Afrique à légaliser le mariage des couples de même sexe, sur un continent où certaines sociétés conservatrices considèrent l’homosexualité comme un crime.

Un eldorado, sur le papier… Car de nombreux personnes LGBTI+ réfugiées affirment être régulièrement victimes de discriminations.

« Nous sommes jugés, volés, insultés et menacés de mort », dénonce Pallo Mandela.  « J’ai été harcelé tant de fois en marchant avec mes amis transgenres, simplement parce qu’ils sont comme ils sont », raconte-t-il amèrement, boucles d’oreilles dorées encadrant son visage marqué par l’inquiétude.

Queer et noir

Pendant longtemps, Anold Malushio a regardé sur son téléphone l’annuelle Gay pride sud-africaine en rêvant, depuis sa Zambie natale, d’y participer un jour.

Depuis, lui aussi a choisi de fuir son pays en raison de persécutions. Désormais en Afrique du Sud, il est fier d’avoir brandi à plusieurs reprises le drapeau zambien lors du fameux défilé.

Mais le jeune homme de 26 ans se bat toujours pour obtenir des papiers. Après des mois de procédures et d’interrogatoires déplaisants, inconfortables, l’immigration a rejeté sa demande d’asile, raconte-t-il à l’AFP.

« Un des responsables a sorti une Bible et commencé à me sermonner sur l’homosexualité », se souvient-il. « L’Afrique du Sud a les plus belles lois », ajoute Anold Malushio avec tristesse, « mais les gens dans les administrations ignorent tout de l’homosexualité ».

Une nuit de 2017, il a été agressé sexuellement dans la rue par deux hommes, avant d’être chassé du poste de police où il s’était réfugié.

Il a fallu qu’il revienne accompagné d’un de ses amis, un homme blanc, pour que les agents acceptent de prendre sa déposition.

« C’est plus difficile d’être queer quand on est noir » en Afrique du Sud, constate Anold Malushio, qui dit éviter de se promener dans la rue.

Près de la fenêtre, un de ses amis, mannequin kényan, écoute d’une oreille. Parti depuis 2017, Kevin Aruwa a lui aussi été harcelé ici. Mais si peu comparé à ce qu’il a subi chez lui. Au Kenya, « tu ne peux même pas t’habiller d’une certaine façon… »