3 questions à Laurier The Fox, auteur de « ReconnaiTrans »

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« Mon trait n'est pas réaliste, ce qui fait que je me focalise sur les expressions et cela m'aide à faire passer des émotions. »

Laurier The Fox est un auteur de BD et illustrateur et trans. Cet automne, les éditons Lapin ont publié son recueil de 100 témoignages de personnes trans, non binaires et en questionnement. Elles évoquent la transphobie ordinaire et institutionnelle, l’enbyphobie et le cissexisme qu’elles subissent, parfois depuis des années. Laurier a adapté ces témoignages dans une BD très réussie.

Il a accepté de répondre aux question de Komitid.

Komitid : Comment est né ce projet de BD à partir de témoignages de personnes trans et non binaires ?

Laurier The Fox : Tout a commencé le jour où j’ai découvert la bande dessinée du Projet crocodile de Thomas Mathieu (2013) puis plus tard Paye Ta shneck d’Anaïs Bourdet, à l’époque je n’avais pas encore fait de coming out ni de coming in trans. J’avais trouvé le projet et les initiatives géniales et importantes. Quelques années plus tard, en 2017, j’avais commencé ma transition. Un jour à la sortie d’une conférence sur les LGBTIphobies avec des adelphes, je lance que ce serait vraiment bien d’avoir ce même genre de BD mais spécifiquement pour les personnes trans, pour faire réaliser au reste du monde ce que notre communauté subit au quotidien. En mai de la même année, je dessine le premier témoignage (d’une amie) et je lance le Tumblr ReconnaiTrans, contraction de reconnaissance et de transidentité.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris / interpellé / fait réagir à l’occasion de ces témoignages ?

Les témoignages de violences physiques et mentales et de thérapie de conversion venant de la famille, même si je m’y attendais. Mais ce qui m’a le plus interpellé, c’est que plus de 70 % des témoins ne se sentait pas légitimes à m’envoyer leur vécu, voir minimisaient la transphobie/l’enbyphobie et la violence qu’iels subissaient. J’avais conscience de cela, le vivant moi même, mais pas à ce point et ça a été une sacrée claque. Preuve, si l’on en avait encore besoin, que les personnes trans et/ou non binaire sont impactées par la transphobie à un niveau que les personnes cisgenres ne peuvent imaginer.

« Mon trait n’est pas réaliste, ce qui fait que je me focalise sur les expressions et cela m’aide à faire passer des émotions »

Comment avez-vous choisi d’illustrer ces témoignages ?

J’ai choisi la bande dessinée avant tout parce que c’est mon métier et mon médium préféré, mais aussi parce que cela me semblait la manière la plus simple de faire passer les sentiments des témoins. Mon trait n’est pas réaliste, ce qui fait que je me focalise sur les expressions et cela m’aide à faire passer des émotions. Pour les choix des couleurs, (gris, gris-bleu, jaune orangé) j’ai voulu rester dans la même idée que Crocodile et avoir une couleur qui visibilisait de manière évidente la transphobie/l’enbyphobie ordinaire. J’ai ensuite voulu accentuer le sentiment d’oppression et de malaise en faisant en sorte que les pires propos transphobes soient dans des bulles qui dégoulinent et salissent tout, comme sur la couverture de l’album.

Question subsidiaire : pourquoi avoir choisi Laurier The Fox comme nom de plume ?

Cela remonte à mon enfance. J’ai découvert pour la première fois Moi Renart, une série animée française, et suite à ça, j’ai commencé par être complètement obnubilé par les renards. J’en dessine depuis l’école primaire et cela ne s’est jamais arrêté depuis, cela m’a aussi amené naturellement à la communauté Furry. Donc quand il a fallu prendre un pseudo j’ai naturellement pensé à cela en plus de mon prénom (Laurier).

« Reconnaitrans », de Laurier The Fox, éditions Lapin, 256 p., 22 euros.