Des entrepreneuses trans au Bangladesh changent la donne pour leur communauté

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Le Bangladesh, pays conservateur à majorité musulmane, compte 1,5 million de personnes trans, depuis longtemps victimes de discrimination et de violence.

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Le rainbow flag et le drapeau du Bangladesh - Yuriy Boyko / Shutterstock

Simran Snigdha n’était qu’une mendiante au Bangladesh quand le hasard a placé sur sa route une femme trans, comme elle, qui lui a offert de quitter la rue pour un emploi dans son usine grâce auquel elle peut aussi mener la vie d’artiste de ses rêves.

Le Bangladesh, pays conservateur à majorité musulmane, compte 1,5 million de personnes trans, depuis longtemps victimes de discrimination et de violence. Rejetées par leurs familles et leurs communautés, privées d’éducation et méprisées par nombre d’employeurs, elles n’ont souvent guère d’options pour survivre que la mendicité, la prostitution ou la criminalité.

« J’ai dû escroquer des gens (…) et me prostituer », confie Simran Snigdha à l’AFP.

Mais aujourd’hui, elle travaille dans une usine de vêtements détenue et dirigée par une femme trans, à Dacca, capitale du Bangladesh. Cet emploi lui permet de vivre son grand rêve, celui d’être peintre.

« Je peux maintenant m’adonner à mon activité préférée », déclare la jeune femme de 32 ans, un pinceau à la main.

L’espace de liberté et de sécurité qu’elle a enfin trouvé reste rare pour de nombreux artistes transgenres qui ont besoin d’aide. « Je prie pour qu’ils ne retournent jamais à la mendicité, ne serait-ce qu’un seul jour ».

Survivre à la rue

Comme beaucoup, Simran Snigdha a fui, à 15 ans, le foyer familial, les agressions et humiliations vécues dans sa région rurale au centre du Bangladesh, pour rejoindre une communauté trans de Dacca.

Elle a d’abord vécu sous la protection d’une « guruma », une personne trans ayant des relations politiques et sociales, qui assure une certaine sécurité économique à ses protégés, mais susceptible de les contraindre à la prostitution, l’escroquerie et de les empêcher d’étudier.

La vie de Simran Snigdha a changé en 2019 en approchant une voiture, à l’arrêt au détour d’un carrefour, dans laquelle se trouvait Siddik Bhuyan Synthia qui l’a remarquée et offert de rejoindre son entreprise.

Avant, l’intimidation des personnes trans « était légion », raconte cette dernière à l’AFP, « mais la majorité de la société est maintenant bienveillante à notre égard ».

« Les ouvriers trans de mon usine sont des gens très ordinaires. Ils n’ont pas envie de se retrouver dans d’obscures officines », poursuit la femme de 38 ans, « ils préfèrent avoir une vie sociale comme tout un chacun ».

Tolérance croissante

Sous le gouvernement de la Première ministre Sheikh Hasina, une tolérance croissante a donné lieu à de nouvelles lois en faveur des minorités sexuelles et de genre, accompagnées d’allègements fiscaux pour les entreprises qui les emploient.

En 2013, un troisième genre a été officiellement reconnu et depuis 2018, les personnes trans sont autorisés à exercer leur droit de vote en tant que tel. Le gouvernement a aussi instauré des dispositifs de discrimination positive parmi toute une série d’aides.

Soif d’éducation

En conséquence, plusieurs entreprises détenues et gérées par des personnes trans – dont de nombreux salons esthétiques et de petites usines – ont fleuri à Dacca ces dernières années.

« C’était impensable, il y a encore quelques années », rappelle à l’AFP Shale Ahmed, à la tête de Bondhu, organisation de défense des minorités sexuelles.

« Hors de son foyer, on se retrouve (à la rue) sans éducation. Et le manque d’éducation signifie qu’on ne trouvera aucune entreprise prête à proposer un emploi bien rémunéré », explique Rafid Saumik de l’organisation TransEnd.

« Ils disaient que nous n’étions bonnes que pour la rue. Je me suis promise de leur prouver le contraire »

Dans son atelier de confection dans la capitale, n’employant que des personnes trans, Apon Akhter est de celles qui ont changé les choses.

« Quand j’ai commencé (…) les gens se sont moqués de moi en affirmant que les transgenres seraient incapables d’un travail effectif », raconte cette « guruma » de 32 ans.

« Ils disaient que nous n’étions bonnes que pour la rue. Je me suis promise de leur prouver le contraire », dit-elle tout en reconnaissant que les salaires de ses 25 employé·es restent bas. Mais ils et elles peuvent tout de même étudier et surmonter cet autre obstacle auquel la communauté trans est confrontée : le manque d’éducation.

Nombre de ses employé·es, après des années de souffrance, sont venues la voir avec la soif d’apprendre. Son usine leur donne une chance de poursuivre leurs études. « Je souhaite vivement qu’ils trouvent la lumière qu’ils quêtent dans la vie », assure-t-elle. « Nous n’avons que nous autres ».