Mila, 18 ans, porte-voix du droit au blasphème menacée de mort

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Menacée de mort et éreintée pour ses diatribes sans retenue contre l'islam, érigée par certains en symbole de la liberté d'expression, Mila, 18 ans dont dix-huit mois sous cloche à être harcelée, défend sa « vérité » contre l'« obscurantisme ». Treize personnes sont jugées jusqu’à mardi pour « harcèlement » et « menaces de mort » contre la jeune fille.

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Mila sur le plateau de Quotidien le 3 février 2020 - Capture d'écran

L’histoire de cette jeune femme suscite un déchaînement de passions autour du droit de blasphémer et des pressions exercées par l’islam radical, alimenté par son livre (Je suis le prix de votre liberté, Grasset) et plusieurs procès, dont celui lundi à Paris de 13 personnes accusées de l’avoir cyberharcelée.

L’« affaire Mila » a commencé comme un « clash », comme il en naît tant sur les réseaux sociaux.

Sur Instagram, Mila, yeux bleus perçants, tête haute, épaules larges et chevelure aux teintes et à la coupe fluctuantes, chante, parle maquillage… et jouit jusque-là d’une notoriété très confidentielle.

Ce 18 janvier 2020, l’adolescente, 16 ans et pansexuelle, est interrogée : a-t-elle « une préférence pour les Blanches, les Arabes, les Noires  » ? «  Je réponds en toute simplicité que les Arabes et les Noires ne sont pas spécialement mon genre et qu’elles ne m’attirent pas physiquement », raconte Mila dans son livre.

Un garçon qui la draguait « lourdement » l’insulte alors « au nom d’Allah ». Elle coupe sa vidéo et reçoit aussitôt les premières « menaces de mort et de viol, encore une fois au nom de l’islam ».

« Qu’elle crève »

« Mon sang ne fait qu’un tour  », poursuit-elle. Elle recommence une vidéo, et riposte sans détour : « l’islam, c’est de la merde (…) Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir  ».

Celle qui est née à Paris et a grandi dans la « campagne iséroise » voit sa vie basculer en « enfer ». « Qu’elle crève », « tu mérites de te faire égorger » : un tombereau d’insultes et de violences, souvent anonymes, se déverse sur la jeune femme. Ce flot de haine est tel qu’elle doit bénéficier d’une protection policière et être déscolarisée : aucun établissement ne veut plus l’accueillir.

Pour passer inaperçue lors de ses rares sorties, la jeune femme se pare de vêtements qui lui donnent le sentiment de ressembler à une « mouche » ou à « Inspecteur Gadget », alors qu’elle «  veut vivre libre  », s’est-elle récemment désolée sur LCI.

Le danger semble permanent : en séjour linguistique à Malte l’été dernier, elle est menacée de mort et de viol par l’un des vacanciers l’ayant reconnue, arrêté et condamné sur place.

Face aux menaces, la jeune femme a fait le choix de s’ériger en porte-voix du combat universel pour la liberté d’expression.

Sa filiation n’y est pas étrangère : Mila vient d’une famille « athée », son père lit Hara-Kiri puis Charlie Hebdo.

Elle trouve l’époque toxique : « on n’a plus le droit de moquer, de critiquer ou d’insulter les religions, même quand elles sont intolérantes, sexistes ou homophobes  ».

« Blasphème »

Comme l’hebdomadaire satirique, frappé par l’attentat jihadiste meurtrier de janvier 2015, son avocat est Richard Malka. Comme Charlie Hebdo, elle ne s’embarrasse pas de périphrases. Mila insulte ses contempteurs et reprend fréquemment une antiphrase reine à l’extrême droite, qui désigne ironiquement l’islam comme « religion d’amour et de paix  ».

Face aux critiques mezzo voce selon lesquelles elle « attise la haine » ou « provoque », Mila, qui n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP, demande à ce qu’on « n’inverse pas la charge de la preuve ». « On m’agresse, je me défends  », balaie-t-elle dans son livre.

Une bonne partie de la classe politique la défend : « la loi est claire : nous avons droit au blasphème, à critiquer, à caricaturer les religions », l’appuie Emmanuel Macron en février 2020. Trop peu à ses yeux : la France « est fragile et lâche », cingle-t-elle.

Face à une « génération de repli identitaire », Mila continue à porter sa liberté en étendard sur les réseaux sociaux, son enfer et son paradis. Ils « abrutissent ma génération » et le harcèlement est « l’un des principaux fonds de commerce » de Twitter, accuse-t-elle.

Mais elle n’aime rien tant que s’y exprimer sans fard, répondre ou moquer ses critiques et publier des photos d’elle, parfois nue.

« Je cherche un peu les gens, je les débusque », dit-elle. Après cette jeunesse « gâchée », le pire serait de « mourir une deuxième fois » par le silence. Ou une troisième fois : dans cinq ans, Mila se voit « peut-être grande brûlée, peut-être avec une jambe arrachée, peut-être morte. Je vais forcément (ne) pas rester en vie  ».

Avec l’AFP