Foot : Megan Rapinoe, le sens du but et de l'engagement

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Adversaire des Bleues mardi en amical au Havre, l'attaquante deux fois championne du monde avec les États-Unis s'est distinguée autant par son talent balle au pied que par son militantisme.

Megan Rapinoe/Montage Shutterstock

Megan Rapinoe fait trembler sans distinction les filets et les institutions : adversaire des Bleues mardi en amical au Havre, l’attaquante deux fois championne du monde avec les États-Unis s’est distinguée autant par son talent balle au pied que par son militantisme.

Sur le terrain, son plus grand cru date de 2019 : meilleure buteuse et joueuse du quatrième Mondial remporté par la sélection américaine, « Pinoe » décroche le Ballon d’Or.

Cet été-là en France, impossible de manquer sa coupe de cheveux lavande empruntée à l’actrice Tilda Swinton, qu’elle adore. Impossible aussi, pour les défenses adverses, de l’arrêter : avec cinq de ses six buts inscrits lors de matches à élimination directe, la Californienne prend une part majeure dans le sacre de Team USA.

De quoi garnir une armoire à trophées qui compte déjà une médaille olympique (2012) et une première Coupe du monde (2015).

Pour Rapinoe, la Coupe du monde fut aussi un espace d’expression qui lui a permis de dépasser le sport pour faire connaître ses combats à la planète entière. « Il serait irresponsable de ne pas utiliser cette tribune à portée internationale pour essayer de faire bouger les choses », selon elle.

Si les spectateurs du Mondial gardent le souvenir de ses bras grands ouverts pour célébrer ses buts, c’est en posant un genou à terre que Rapinoe a fait passer ses premiers messages politiques, en 2016.

« S’agenouiller, un impératif »

S’agenouiller pendant l’hymne américain, pour dénoncer les violences policières contre les personnes noires dans le sillage de l’ex-star du football américain (NFL) Colin Kaepernick, « me semblait être un impératif plutôt qu’un choix », raconte la star dans son autobiographie “One Life”, publiée en 2020.

Quelques mois avant la sortie de l’ouvrage, elle avait d’ailleurs apporté un soutien appuyé au mouvement Black Live Matters, dans la foulée des manifestations survenues aux États-Unis après la mort de George Floyd, cet homme noir asphyxié lors de son interpellation à Minneapolis.

Dans un pays alors divisé par la présidence Trump, les prises de position de « Pinoe » se heurtent notamment aux réticences de sa Fédération de football (USSF).

« Ils ont essayé de me faire taire, accuse-t-elle dans son livre. A chaque fois que j’ouvrais ma bouche pour parler du +kneeling+ (agenouillement), de l’injustice raciale ou de la brutalité policière, c’était comme si un ensemble de voix du monde du football s’unissait pour dire : “ Ça n’existe pas ”. »

L’interdiction de s’agenouiller sera finalement abrogée en juin 2020 par l’USSF, soucieuse à son tour d’afficher son soutien à Black Lives Matter.

Militante féministe, en première ligne de la lutte pour les droits des LGBTI+ depuis son coming out en 2012, la co-capitaine de la sélection se met aussi le président Trump à dos en 2019. En cas de sacre au Mondial, ni elles ni ses coéquipières n’iront à la « p… de Maison Blanche », prévient-elle.

Après un tweet acerbe, le président renonce à convier les championnes du monde à Washington.

Inégalité salariale

Révoltée par l’inégalité salariale entre les sélections masculine et féminine des États-Unis, l’attaquante d’OL Reign, club de Seattle, n’hésite pas à attaquer sa Fédération sur le terrain judiciaire.

En mai 2020, les quadruples championnes du monde sont déboutées de leur demande d’égalité salariale. Leurs résultats sportifs, bien supérieurs à ceux des messieurs, n’ont pas pesé dans la balance.

L’énergie de ses combats, la meneuse de Team USA (174 sélections, 58 buts) la puise notamment auprès de sa fiancée Sue Bird, star du basket féminin et championne en titre de WNBA avec le Seattle Storm.

Rapinoe est aussi très attachée à sa famille – avec sa jumelle Rachael, elle est la dernière d’une fratrie de six.

Née le 5 juillet 1985 à Redding, dans le nord rural de la Californie, Megan y découvre le foot dès ses trois ans grâce à son frère Brian, qu’elle “idolâtrait”.

« Je voulais tout faire comme lui », confie-t-elle. Jusqu’à ce que Brian se fasse arrêter à 15 ans pour revente de drogue au lycée. « Le cœur brisé », elle éprouve colère, chagrin, et le foot devient son échappatoire.

Les années suivantes voient son frère, devenu toxicomane, faire des allers-retours en prison, pendant qu’elle se bâtit une carrière professionnelle qui la conduit notamment à Lyon (2013-2014) puis Seattle.

« Pinoe » le dit ouvertement, les problèmes de Brian, dont elle demeure très proche malgré seize ans passés derrière les barreaux, ont éveillé sa conscience.

« J’étais son idole », a confirmé Brian en 2019, dans des propos rapportés par ESPN. « Mais désormais, et ça ne fait pas l’ombre d’un doute, c’est elle mon idole ! »

Avec l’AFP