Journée de la visibilité lesbienne : « Naissances lesbiennes », un ouvrage collectif féministe

Publié le

A l'occasion de la journée de visibilité lesbienne, le 26 avril, l'association Osez le féminisme ! (OLF) avait prévu de sortir un recueil de témoignages, « Naissances lesbiennes ». Confinement oblige, la date de parution a été repoussée à fin juin. 

Illustration pour « Naissances lesbiennes » de Angela C. Wild

À l’occasion de la journée de visibilité lesbienne, le 26 avril, l’association Osez le féminisme ! (OLF) avait prévu de sortir un recueil de témoignages, Naissances lesbiennes. Confinement oblige, la date de parution a été repoussée à fin juin. Mais Komitid a demandé à des membres du groupe LesBieFem de l’association de nous présenter ce projet collectif. 

Le livre, dont le titre est une référence à Naissance des pieuvres de Céline Sciamma, rassemble des témoignages de militantes d’OLF autour de leur lesbianisme. « Certaines ont toujours su qu’elles aimaient les femmes, d’autres l’ont découvert récemment. Certaines proclament leur lesbianisme haut et fort, d’autres doivent encore le cacher. Mais toutes sont fières d’être lesbiennes aujourd’hui », peut-on lire sur la page de leur campagne Ulule.  

« Ce sont des témoignages très beaux, très touchants, très poignants. On parle d’expériences personnelles, c’est un long travail intime qui a fait remonter des choses à la surface. »

Morgane Diebold est une des deux coordinatrices du groupe LesBieFem de l’association. Elle a piloté ce projet, réalisé par des membres de l’association et leurs proches, avec l’aide d’une graphiste-maquettiste. « Des autrices ont illustré leur propre témoignage, raconte-t-elle à Komitid, et parfois ceux d’autres autrices. Certaines ont voulu demander une illustration à leur femme, leur sœur, leurs amies. C’est resté dans un cercle assez proche. Ce sont des témoignages très beaux, très touchants, très poignants. On parle d’expériences personnelles, c’est un long travail intime qui a fait remonter des choses à la surface. » 

Le projet est né suite à une réunion féministe. « En juillet 2016, se souvient Morgane Diebold, des militantes ont participé à des ateliers lesbiens dans le cadre de Womyn’s Gathering. A leur retour, l’une d’elles a écrit son parcours de femme lesbienne. Elle l’a partagé avec le groupe LesBieFem en juin 2019, trois ans plus tard. » Est alors née l’idée de rassembler davantage de récits. « Au départ, ce devait être un petit livret de témoignages. Lors d’une réunion publique, on a parlé de ce projet et ça a intéressé énormément de militantes et sympathisantes. On s’est aperçues qu’on manquait de modèles lesbiens, dans la culture, les médias, la vie publique… Et il a fallu repenser le projet de livret à livre. »

Enthousiasme

Un enthousiasme qui s’est traduit lors de la campagne Ulule : « On avait mis comme objectif 2000 euros en pensant à peine les atteindre, mais on a eu 502 dons qui représentent 10 000 euros. » Cela va leur permettre de publier le livre en format poche. « Ce sera un bel objet qu’on pourra avoir fièrement dans nos bibliothèques. » Les dons permettront de largement diffuser Naissances lesbiennes : « On va pouvoir donner des exemplaires à des structures qui accueillent des femmes, à des bibliothèques, des médiathèques, des CDI… On prévoyait d’en éditer entre 1000 et 1500 mais là ce sera plus de 2000 exemplaires. »

Il y a un réel besoin d’ouvrages qui rendent les lesbiennes visibles. « Quand j’ai découvert que j’étais lesbienne, se souvient Morgane Diebold, j’aurais adoré avoir un livre comme ça, pour montrer à d’autres femmes que les lesbiennes existent. On vit dans une société où on subit une forte injonction à l’hétérosexualité. »

Rien qu’employer le mot « lesbienne » est un enjeu comme le pointent les travaux du mouvement SEO lesbienne. Quant à la littérature, elle est le plus souvent phagocytée par les hommes : difficile de trouver des femmes et donc encore plus de trouver des lesbiennes. Et le problème se traduit aussi dans l’espace public. Ainsi, la militante se souvient que lors de l’organisation par OLF du premier rassemblement lesbien le 26 avril 2019, trouver une place portant le nom d’une lesbienne avait été difficile. « La place de la République avait été renommée place du lesbianisme. On avait réfléchi à faire ce rassemblement sur une place qui porte le nom d’une femme lesbienne, mais il y a déjà peu de places à Paris avec le nom de femmes, et le peu qui existe ne se prêtent pas à un rassemblement. » 

Naissances lesbiennes a été pensé comme une ressource féministe. « On a construit le livre comme un livre associatif, explique Morgane Diebold. Il y a une préface, un avant-propos qui explique la genèse du projet, met en perspective nos témoignages, et donnera des éléments de contexte, notamment au travers de l’étude Se dire lesbienne de Natacha Chetcuti. À la fin il y a une bibliographie pour diriger vers d’autres lectures, comme La Contrainte à l’hétérosexualité d’Adrienne Rich. » Quant à la préface, elle sera rédigée par une militante lesbienne active depuis cinquante ans dans le féminisme et dont le nom est encore tenu secret. 

Parmi les 21 autrices, qui ont entre 20 et 68 ans, quatre vivent au Congo, au Japon, en Belgique et en Suisse. Toutes vivent en milieu urbain et ont un niveau d’études élevé. « On a conscience que nos expériences ne se suffisent pas à elles-mêmes, souligne Morgane Diebold. Nos parcours ne montrent pas l’ensemble des parcours lesbiens. » Les lectrices se trouveront sans doute des points communs avec ces récits. Et on peut compléter la lecture avec les travaux d’Estelle Prudent ou Lesbiennes de l’immigration de Salima Amari.

 

Pendant toute la durée du confinement, les articles consacrés ou en lien avec l’épidémie de coronavirus sont en accès libre sur Komitid. Pour nous permettre de poursuivre notre mission d’information et si vous souhaitez nous soutenir en vous abonnant, allez sur la page d’abonnement.